Chronique cyclotouristique (Concours des pyrénés 1934)

mercredi 21 février 2024, par velovi

Par E. Erpelding, revue du Touring-Club de France, Novembre 1934

Les enseignements techniques du Concours de bicyclettes de tourisme des Pyrénées

Il en est de la bicyclette comme de l’automobile  : loin que la technique en soit stabilisée, le progrès ne perd pas ses droits et nous nous trouvons constamment en présence de nouveaux perfectionnements.

Il est incontestable que les conditions sévères inscrites au règlement des concours techniques ou des épreuves sportives auxquels ils prennent part, obligent les constructeurs à rechercher sans cesse des améliorations, tant au point de vue de l’équipement et de la présentation des machines, qu’au point de vue de leur conception même.

Par ailleurs, les ressources nouvelles qu’offre la métallurgie sont largement mises à contribution dans la construction cycliste, et si l’on cherche à gagner du poids, c’est aussi bien par l’emploi de métaux légers que par une nouvelle forme des organes. C’est que, pour le cycliste aussi, le poids est l’ennemi  ; quelques grammes gagnés par-ci par-là finissent, en se totalisant, pour atteindre un chiffre appréciable.

Il est donc rationnel de remplacer l’acier par l’alliage léger, partout où cette substitution peut être réalisée sans compromettre la résistance de la pièce.

Toutes les machines de notre Concours des Pyrénées étaient équipées de freins en alliage léger, qui ont donné entière satisfaction. On n’eut à enregistrer aucune pénalisation pour mauvais fonctionnement ou accident de frein, ce qui est tout de même un critérium, surtout si l’on tient compte du fait que, par ses longues descentes, le parcours imposé constituait à cet égard un banc d’épreuve extraordinairement dur.

Ne parlons que pour mémoire des garde-boue pour lesquels on peut évidemment abandonner sans inconvénient l’acier.

En ce qui concerne les jantes, des essais sont faits également avec l’alliage léger. Mais, à en juger par les résultats du Concours des Pyrénées, la jante en bois, délaissée pendant quelque temps, semble devoir regagner du terrain.

Elle présente sur la jante en acier l’avantage d’un poids moindre et, en même temps, d’une grande résistance.

Au surplus, avec la généralisation des freins à tambour elle n’est plus exposée à l’usure et aux déformations. Notre opinion semble confirmée par le fait que les machines, munies de jantes en bois, ont terminé sans déformation ni accident aux jantes, alors que les jantes en alliage léger se ressentirent durement des chocs subis.

Voyons maintenant les manivelles.

Ici encore l’alliage léger peut trouver un emploi judicieux, bien que nous croyions devoir faire une petite réserve.

La manivelle subit des efforts considérables, surtout à l’endroit de la liaison avec l’axe de pédalier, et dans le «  montage à carré  » — moins encore dans le montage à clavette — elle n’a pas une résistance suffisante. L’axe en acier étant plus dur que l’alliage léger de la manivelle, le trou d’axe monté sur le «  carré conique  », finit par «  s’égueuler  ». D’ailleurs pourquoi un «  carré conique  »  ? Pour rattraper le jeu  ?

La bicyclette à cadre droit marque Schulz.

Ne parlons pas du montage à clavette pour lequel la manivelle en alliage léger est à proscrire. La preuve est faite de son manque de résistance.

Là où on pourrait sans inconvénient utiliser l’alliage léger, ce serait pour les «  manivelles à cloche  », comme on les monte dans certains pays étrangers. Mais pas pour le «  montage à carré  » ou à clavette. Nous verrions mieux les manivelles en acier au chrome nickel, plus fines, plus légères, et combien plus résistantes. D’ailleurs, les concurrents qui les utilisèrent n’eurent pas à s’en plaindre. Avec ces manivelles, et un bon clavetage, le cycliste peut pédaler pendant des années, sans craindre le jeu ni l’usure.

Le pignon de pédalier, en métal léger s’est également bien comporté. L’avenir nous fixera sur sa durée.

Pour la pédale aussi, du moins pour la cage, l’alliage peut être recommandé, restant bien entendu qu’axe et roulement sont en acier. L’axe creux en acier au chrome nickel réalise d’ailleurs un gain de poids supplémentaire, tout comme l’axe de pédalier traité de la même sorte.

Et nous arrivons au guidon. Eh bien  ! non, pas d’alliage léger ici.

Ne faisons pas état de la rupture d’un guidon que nous eûmes à enregistrer ; attirons simplement l’attention sur le fait suivant que trop souvent l’on perd de vue  : le guidon est un tube.

Or, si l’on peut facilement surveiller et entretenir la surface extérieure de ce tube, il n’en va pas de même de l’intérieur. Sous l’action de l’air et de l’humidité le métal s’altère, se corrode, et, s’il n’est pas absolument homogène, il se produira peu à peu des points faibles : d’où diminution de résistance et par suite, l’existence de ces points de moindre résistance ne se révélant pas à l’extérieur, risque de rupture brusque impossible à prévoir.

Le danger est le même pour le cadre.

Du reste aucun fabricant ne s’est montré assez audacieux pour engager un cadre en alliage léger dans une épreuve aussi concluante que devait l’être le Concours des Pyrénées.

Nous résumerons donc comme suit notre opinion sur l’emploi des alliages légers dans la construction cycliste  : Oui, pour les pièces à section pleine, et travaillant à la traction ou à la compression  ; NON pour les pièces tubulaires et celles qui travaillent au cisaillement ou à la flexion.

Deux changements de vitesse se trouvèrent en présence  : 1° Cyclo-Tank, dont nous n’avons plus à dire les qualités, et dont le grand avantage réside dans le démontage instantané de la roue libre.

2° Funiculo, qui constituait la principale nouveauté présentée au concours. Ce système compte quatre vitesses ; il est le seul à l’heure actuelle qui permette des différences de développement aussi grandes, grâce au montage astucieux du balladeur.

Nous avons parlé plus haut des freins. Ajoutons ici, que sur des machines destinées à circuler en haute montagne, un frein à tambour est indispensable. Voici pourquoi.

Il ne chauffe pas la jante, donc ne risque pas de faire éclater le pneu.

Il garde son efficacité en cas de pluie, ce qui n’est pas toujours le cas avec le frein sur jante.

C’est probablement pour ces deux raisons que tous les concurrents avaient monté, en plus de deux freins sur jantes, un frein à tambour à l’arrière.

Nous ne sommes pas partisan du frein à tambour à l’avant, où il a l’inconvénient de sa qualité. Entendons-nous  : Très efficace, il risque de provoquer la torsion de la fourche vers l’arrière, la masse de la machine et du pilote se trouvant projetée, lors d’un coup de frein, vers le point d’attache et de butée. D’ailleurs, aucune machine n’en était munie à l’avant.

Signalons encore, parmi les nouveautés présentées au Concours des Pyrénées, une bicyclette d’une conception différente des modèles existant couramment  : il s’agit, non pas précisément d’une nouveauté puisque nous avons connu les bicyclettes à cadre droit, mais d’une machine présentant des analogies avec celles-ci et dont le tube a été considérablement renforcé.

Le portage de la bicyclette à cadre droit.

Cette machine, que nous reproduisons ci-contre, paraît être avantagée

au point de vue de la souplesse et aussi de la facilité du portage  ; elle était équipée avec un changement de vitesses Funiculo dont nous avons parlé ci-dessus.

D’autre part, le vélo-vélocar, autrement dit la bicyclette à pédalage horizontal, était représenté par une machine  ; c’était la première fois que ce type de machine, dont nous avons reproduit le modèle dans notre numéro de février 1934, à la page 56, affrontait une épreuve de montagne.

On doit dire que cette machine s’est très bien comportée, même dans les côtes très dures.

Pour terminer, nous tenons à exprimer ici, à tous les concurrents, nos vives félicitations pour la belle présentation des machines engagées, et pour les efforts que tous ont accomplis en vue de l’amélioration de la qualité et du rendement de la bicyclette de tourisme, E. ERPELDING.

P. S.— A titre d’indication et pour répondre à un grand nombre de demandes, nous rappelons ci-dessous les noms et adresses des constructeurs dont les machines ont été classées lors du Concours des Pyrénées. Cette liste est donnée par ordre alphabétique  : — Bourotte, 52, fg du Temple, Paris.

— Mochet, 68, rue Roque de Fillol, à Puteaux.

— Pitard, 45, rue de Javel, Paris.

— R. P. F., 17, rue César Bertholon, Saint-Étienne.

— Schulz, 12 bis, rue de Plaisance, La Garenne-Colombes.

— Uldry, 1, rue Hégésippe-Moreau, Paris.

Changements de vitesse  : — Cyclo, M. Raimond, 5, rue de la Préfecture, Saint-Étienne.

 Funiculo, M. Schulz, 12 bis, rue de Plaisance, La Garenne-Colombes.


Voir en ligne : Gallica

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