Le championnat de France de 1888, dernier bicycle et première bicyclette  !

mercredi 1er août 2018, par velovi

Par Charles Terront, dans Les Mémoires de Terront, sa vie, ses perfomances, son mode d’entraînement, revus et mis en ordre par Louis Baudry de saunier, éditions L. Pochy, Paris,1893

En février 1888, je passai en Angleterre avec Jules Dubois et nous commençâmes la série anglaise le 25 par une course de 50 miles donnée au Drile Hall. Les réunions sportives devenaient de plus en plus achalandées et les entrées étaient de cinq mille personnes pour ce jour-là.

J’avais pour adversaire Battensby, English, Lamb, Young, Woodside et Dubois. Nous roulions depuis deux heures dans cet ordre  : Woodside, Young, Battensby, Lamb et moi, quand un spectateur passa le buste par-dessus la corde en se penchant pour voir je ne sais quoi. Wooside, qui tenait la corde, s’écarta brusquement devant cet obstacle et fit un crochet à droite. Young, qui se trouvait près de lui, fut heurté, tomba, et par dessus lui Battensby, Lamb, et moi  ! Nous étions contusionés, et Lamb seul remonta en selle.

Dans la course de six jours qui suivit, le 27, nous ne fûmes guère plus heureux. Battensby arriva premier, moi quatrième et Dubois sixième. L’angleterre n’était décidement pas le pays qui nous convenait, non parce qu’elle possédait des coureurs plus forts que les nôtres, car de Civry, médinger et Duncan (en France) étaient certes supérieurs à Battensby, mais parce que le climat désastreux de Londres nous mettait vite hors de forme.

Les courses d’Angoulême me dédomagèrent. Je courais l’internationale contre Médinger, Béconnais, Loste, etc. Le plus redoutable était évidemment Médinger, mais le moyen de le supprimer était de lui mener un train très dur. Je n’y manquais pas. Au sixième tour Médinger descendit de machine et je continuais à toute vitesse pour distancer Béconnais. Au quatorzième tour j’y avais réussi. Le public enthousiasmé m’applaudit longuement et j’arrivai premier avec une grande avance sur Loste deuxième et Béconnais troisième.

J’avais encore battu Médinger à Angoulême lorsqu’arriva le championnat de vitesse (10 000m) du sport vélocipédique parisien auquel il ne prit pas part et que je gagnai sur Holley, Castillon et Vasseur en 20 min 50 sec.

Enfin, après avoir vaincu à nouveau dans la grande Internationale d’Angers, Dubois deuxième et Médinger troisième, je courus à Longchamp le championnat de france de 100 kilomètres. Je montais encore un bicycle, mais Fol, Médinger et tappa montaient la nouvelle machine dont on parlait déjà avec insistance  : la bicyclette. L’allure fut vive sur tout le parcours, puisque, arrivant premier en 3 h 28 min 15 sec devant Cottereau à 6 min derrière et Médinger à 10 minutes, je battais la performance de 1886 de plus de 5 minutes et j’établissais ainsi le record.

Ce championnat, que je gagnai, fut ma dernière course sur le grand bicycle. Le prochain championnat, celui de 1889, que je gagnerai encore, sera ma première grande course sur bicyclette.

Je n’était pas encore un partisan de la nouvelle machine. Je l’avais vue pour la première fois aux courses D’Auch, montée par le coureur Éole. Mais elle ne me plaisait guère. La chaîne surtout avait mon antipathie. Il est juste d’ailleurs de dire que les premières bicyclettes étaient d’une fragilité inconcevable et quand je les comparais au simple et robuste bicycle, je me prenais à pardonner à celui-ci tous les panaches qu’il m’avait fait rire et tous les mauvais coups dont il avait été la cause.

Plus tard, la fabrication s’améliorant, je me rendis à l’évidence, et aujourd’hui, tout en conservant un peu de tendresse pour le bicycle, je lui préfère certainement une bicyclette. Sur une bicycle, j’ai toujours eu une infériorité évidente sur mes concurrents, car de Civry par exemple, qui monta souvent 1,41m de haut avait moins de vitesse de jambes à fournir, on le comprend, pour donner la même course, que moi qui ne put jamais monter au-dessus de 1m35  ! La bicyclette égalisait pour moi les chances et je regrette qu’on ne l’ait pas inventée une dizaine d’années plus tôt.

Les courses d’Angers ne furent pas plus heureuses pour moi en 1889. Dans l’Internationale, je ne me plaçai que troisième derrière Cottereau et médinger et dans la course de quatre heures, second derrière Chéreau.

J’étais mieux en forme à la fin de l’année, ainsi que cela m’arriva presque continuellement et je gagnai le championnat de france de 100 kilomètres sur Dervil et Béconnais. Le train cette fois-ci avait été plus doux qu’en 1888 puisque j’arrivai 12 minutes après le temps que j’avais couvert auparavant, en 3 h 40 min 20 sec.

Signe des temps  : en 1888 nous étions tous, sauf trois, montés sur des bicycles, et en 1889, tous sauf deux (Charrai et Chéreau) montés sur des bicyclettes.

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