Tandems
mercredi 21 août 2024, par
Tandem (1904)
« Ma plus longue étape à tandem(équipe mixte) a été de 195 kilomètres et m’a laissé l’impression que, la femme se fatiguant moins et l’homme pas davantage qu’en pédalant chacun pour son compte, la vitesse de marche était sensiblement plus grande.
En fait, nous fîmes, le 31 octobre, ces 195 kilomètres en 10 heures, tous arrêts compris, soit 75 kilomètres de Givors à Tain en 2 h. 50 et 120 kilomètres d’Avignon à Saint-Maximin par Trets en 7 heures, trajet modérément accidenté comme on voit ; pourtant la nuit tombant vite à cette époque, nous força, après Aix, à ralentir sensiblement : il y a aussi, entre le Pont-Royal et Aix, une série de montagnes russes qui nous obligèrent à échanger souvent les puissantes foulées de 7 m. 70 contre le modeste développement de 4 m. 40.
Le lendemain, nous fîmes seulement 100 kilomètres ; la grimpette de Nans à la Sainte-Beaume, environ 7 kilomètres de mauvais chemin étroit, à 6 ou 7 %, semé de cailloux avec des ornières profondes, de !a boue et des tournants secs, la descente pouvait passer pour dangereuse. Ma coéquipière, à qui la direction était confiée, se tira, à son honneur, de toutes les difficultés et le développement de 2 m. 90 nous permit d’enlever les montées à 12 à l’heure environ et d’arriver bons premiers à l’hôtellerie. A la descente nos quatre freins firent merveille, surtout le frein à tambour.
On vint ensuite à Toulon par Tourves et Roquebrussanne et nous eûmes de fréquentes occasions d’utiliser tour à tour, avec profit nos trois développements, 2 m. 90, 4 m. 40 et 7 m. 70.
L’arrivée à Toulon le soir, alors que les rues fourmillent de promeneurs, que voitures, autos, tramwavs circulent avec le plus d’intensité, mit à une rude épreuve le sang-froid de ma compagne qui réussit à éviter tous les obstacles, et nous ne mîmes pied à terre qu’au cœur de la ville, devant l’Hôtel des Postes.
De ce fait et d’exemples analogues dont nous sommes fréquemment témoins à.l’E. S., je crois pouvoir conclure qu’une femme est tout aussi apte qu’un homme à conduire un tandem et qu’il n’y a pas lieu de lui refuser la place d’honneur, ainsi que le propose M.L.F. ou de lui imposer la double direction, comme le veut le critique anglais Brown. »
Sainte-Baume et Ventoux (1913)
« Samedi à midi ce fut notre tour, et nous passions devant l’octroi à midi et demi, Ch... et moi en tandem, avec un joli itinéraire en poche. Puis les départs se succédèrent et il n’y eut pas moins de cinq tandems stéphanois, à ne compter que ceux qui se groupent autour du Cycliste, en ballade dans le Midi. Et tous, les jeunes femmes surtout, qui ne connaissent encore que les voyages en chemin de fer ou en auto, revinrent avec le vif désir de recommencer au plus tôt.
Le tandem sur lequel nous partions est celui qui, le premier janvier, nous emmena aux Saintes-Maries. Pneus très souples de 42 et Whippet de la Gauloise à deux jeux de trois vitesses, de 2m,50 à 8m,15. Échelle des vitesses et dérailleur de chaîne ont été modifiés et nous n’avons eu qu’à nous en louer au cours de cette randonnée de 625 kilomètres.
Avec 2m,50 pour nous ménager nous gravissons à 9 ou 10 à l’heure la première rampe de six kilomètres, puis je place la chaîne sur le grand jeu, où elle va rester longtemps, car il nous donne 4m,05, 6m,35 et 8m,10.
A 13 heures et demie nous franchissons le col des Grands Bois (13 kilom.) et à 14 h. 35 nous sommes à Andance (50 kilom.). Les 37 kilomètres de descente ont été menés à grande allure, et pourtant nous avions dû marquer plusieurs arrêts de quelques minutes. Une auto qui nous avait dépassés au col, fut dépassée à son tour, au grand mécontentement de son conducteur, qui, vexé, joua de son accélérateur et nous distança rapidement. Au cours d’une randonnée, ces légers incidents amusent.
Sur les bords du Rhône, nous trouvons un vent du nord-est qui, sans être franchement favorable, nous aide le plus souvent et, par Tain nous sommes à Valence à 16 heures et quelques minutes. Le ciel s’assombrit, la pluie est imminente ; nous l’attendons de pied ferme, car nous l’avions prévue, et nous avions emporté pèlerine et jambières, que nous revêtons entre Livron et Loriol. Notre tandem à de larges garde-boue et la pluie, bientôt très dense, ne nous empêche pas de rouler à bonne allure. Le Whippet se comporte mieux que je ne m’y attendais ; la boue, de moment en moment plus épaisse, les flaques d’eau plus nombreuses, rien n’empêche la chaîne de dérailler promptement. Nous avons là, en définitive, un bon système de changement de vitesse pour tandem, et tous les Whippet qu’on trouve sur le marché semblent aussi bons les uns que les autres »
Randonnées morvandelles (1913)
près avoir hésité entre nos différentes première et deuxième montures, Ch... et moi nous optâmes pour le tandem que nous soumettons depuis six mois à de rudes expériences ; les routes du Morvan sont idéales pour cet outil de transport ; il n’y a rien dans cette région fortement ondulée qui ressemble au Ventoux.
A une heure en gare de Nevers nous opérions notre jonction avec le groupe parisien composé d’une unité, M. Cl..., sur sa deuxième monture, chaîne flottante, collés extra souples, etc., exactement ce qu’il fallait pour accompagner un tandem.
Nous déjeunons au buffet, et à 1 h. 30 nous franchissons une des grilles d’octroi qui la nuit ceignent Nevers d’une ceinture de fer.
Clair de lune suffisant pour nous permettre une assez bonne allure dès le début. Très ondulée, la route de Château-Chinon, que nous emprunterons jusqu’à Tannay, présente des pentes assez longues, où le tandem prendrait une belle avance si notre compagnon n’avait la précaution, dès que la pente s’accentue, de me saisir par l’épaule et de se laisser ainsi emmener par le tandem. Cette tactique lui permettra d’être constamment à nos côtés, même quand, avec notre grand développement de 8 mètres, nous négocierons à 40 à l’heure les faibles descentes. Pour le palier et les montées, les trois développements de sa chaîne flottante lui fournissent le moyen de nous suivre sans exagérer ni la pression ni la cadence. »
En tandem (1916)
Vélocio, Le Cycliste, 1916, p.11-12, Source Archives départementales de la Loire cote IJ871/3
« Une petite randonnée que je viens de faire en tandem avec mon habituel coéquipier C..., permissionnaire de 6 jours, m’a prouvé que mon régime hivernal ne m’a pas débilité, tout au contraire. Bien que rien ne nous ait été favorable (routes boueuses et collantes, vent constamment contraire, manque d’entraînement de C... qui vient de tirer dix-huit mois de tranchées), partis de Saint-Étienne le 20 avril, à 4 heures, nous arrivions à Nîmes (235 kil.) par Saint-Péray, Valence, Montélimar, Pont-Saint-Esprit et Remoulins, à 18 heures et demie, après 30 minutes d’arrêt à Valence et 2 heures et demie à Pierrelatte où, après avoir déjeuné, il nous fallut faire démonter un des pédaliers qui s’était bloqué ; nous eûmes, chose rare, la chance de tomber chez un réparateur adroit, sensé et consciencieux.
Notre dessein était d’aller coucher au Grau du Roi, mais la nuit arrivait à grands pas, nous n’avions pas de lanterne, nous couchâmes à Nîmes, à l’hôtel du Cheval Blanc (bon, prix moyens) et, nos fenêtres s’ouvrant sur les Arènes, je m’endormis en évoquant les scènes du passé. Bon appétit, bon sommeil ; c’est à cela qu’on reconnaît que la fatigue de la journée est restée normale, saine, hygiénique.
Avant de nous mettre au lit, nous étions allés lire le communiqué dans un de ces luxueux cafés dont les villes du Midi, à l’instar de Marseille, aiment à se parer. J’espérais vaguement y rencontrer M. R..., un bon cyclo-touriste nîmois qui nous a conté quelquefois, ici même, ses excursions et exposé ses appréciations ; le hasard ne me favorisa pas.
Dès 4 heures le lendemain nous étions sur la route et, avant 6 heures, nous déambulions dans Aigues-Mortes autour de la statue du bon roi saint Louis et de la tour de Constance. Puis on alla au Grau du Roi où C... qui nage comme un dauphin s’ébattit un moment ; l’eau était bonne, mais l’air restait froid. Cette plage est triste ; le sable y est pollué par des détritus de toutes sortes et par des algues que la mer y amoncelle en tas de boue visqueuse. C’est de là qu’il y a une dizaine d’années, je partis, moi quatrième, pour les Saintes-Maries. Il s’agissait de faire une trentaine de kilomètres à bicyclette sur le sable mouillé, piste idéale, quand la mer est calme et qu’on peut suivre le bord de l’eau ; mais quand elle est agitée comme nous la trouvâmes après quelques kilomètres, c’est une autre affaire et je n’oublierai pas de sitôt cette équipée.
Nous restâmes assez longtemps au bout de la jetée parmi les blocs de maçonnerie et les pierres énormes qui la défendent contre les vagues ; assez loin, en haute mer, nous apercevions une trentaine de voiles grises qui se déplaçaient lentement ; des bateaux de pêche sans doute occupés à relever des filets. »