Le Vade Mecum du cycliste amateur-photographe (1896)

samedi 16 mars 2024, par velovi

Par L. Tranchant, Le Vade Mecum du cycliste amateur-photographe, Société d’éditions scientifiques, Paris, 1896

PRELIMINAIRES

On se plaint dans le monde littéraire et scientifique, que la bicyclette tue les livres, la photographie, l’étude des sciences et des lettres.
Cela est un peu vrai et tandis qu’on roule à la recherche de l’inconnu, tandis qu’on court sur route visitant les beaux sites, les superbes monuments ou les ruines pittoresques, on ne bouquine pas des insanités littéraires de quelques-uns de nos écrivains contemporains.
Eh bien  ! tant mieux, la morale n’y perd rien et pendant qu’on s’emplit les poumons d’air pur, le corps tout entier de lumière et de soleil, les yeux et l’esprit de belles choses, le diable fait bien la grimace  ; ces apôtres du vice, qui se disent littérateurs, sont obligés de cesser ou de ralentir leur production et en cela la bicyclette a un rôle admirable  : on peut l’appeler la grande moralisatrice de notre époque.
Détruit-t-elle de même le goût de l’étude  ? — pour cela j’affirme que non. Ne peut-on pas dire que l’usage modéré de la bicyclette est un exercice salutaire, comme de bêcher son jardin, ou de jouer aux quilles, ou de faire le bûcheron comme Gladstone, n’esl-ce pas le meilleur remède contre bien des maladies.
De là il s’ensuit que l’artiste, le savant qui fait de la bicyclette au lieu de jouer aux quilles, n’en perdra pas pour cela le feu-sacré s’il l’a  ; à chaque promenade son esprit plus libre, sa force physique plus grande lui donneront une puissance plus considérable pour travailler à son art. S’il perd le goût du travail, dont il croyait avoir la vocation, pour être monté quelquefois à vélo, c’est qu’il s’abusait et la science ou l’art perd un piètre partisan.
Il reste la photographie qui se plaint amèrement de sa sœur la bicyclette.
— «  On me délaisse pour elle, clame-t-elle, par la voix des marchands d’appareils.  »
Eh bien  ! il y a là de l’exagération et, en outre, certains commerçants sont causes de ce malheur : ils ont tellement vendu des appareils si mauvais et à tous prix que le débutant s’est dégoûté rapidement de la photographie. S’il avait eu un bon maître, peut-être eût-il pu, avec ces machines rudimentaires, obtenir quelque chose, mais cela lui a manqué et il faudra bien des tentations pour le décider à essayer de nouveau.  !
Pour moi, amateur photographe et bicycliste, je ne comprends pas que tous mes confrères en vélocipédie ne soient pas aussi photographes. Que de jolies vues, d’admirables paysages, de sites délicieux, de scènes de genre amusantes, a croquer et dont on voudrait conserver le souvenir, on voit quand on roule à travers chemins et routes  ! Votre plaisir, vous pourrez alors le faire partager à toute votre famille, à tous vos amis  ; ne sera-ce pas une joie nouvelle pour vous  ? Ami lecteur, frère en bicyclette, faites de la photographie.
Vous m’objectez que cela vous fera un poids énorme à porter. — Non, tout au plus 1,500 grammes, si vous voulez me prendre comme guide dans vos pas en cette voie. Vous ferez comme moi du 6 1/2 X 9 (à peu près le format des portraits carte de visite) et vous n’aurez qu’une surcharge absolument insignifiante.
J’espère convaincre tous mes lecteurs, et s’ils sont bicyclistes seulement, je leur souhaite de devenir photographes, et s’ils sont amateurs de gelatino, de devenir grands cyclistes.

L. Tranchant

Le Vade Mecum du cycliste amateur-photographe (1896)
photo Laurent Vigniel

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