Antiquité

jeudi 30 mai 2024, par velovi

Le Rhône apparaît avec le Pô et le Danube dans la quête de la toison d’or par Jason et les argonautes, épopée à la géographie teintée d’imaginaire. De Marseille à Lyon, en passant par Arles, Orange, Nîmes, ou Vienne, l’antiquité a laissé d’imposantes traces, ou de plus discrètes, dans le paysage et l’architecture.
Paul de Vivie avait une éducation classique, il lisait le grec et le latin, Homère, Parménide, Sénèque et Épicure. À bicyclette, la trace la plus évidente et empruntée de cette présence, c’est la Via Agrippa reliant Arles à Lyon (Arles, Avignon, Orange, Montélimar, Valence, Vienne, Lyon), tracé qu’utilise encore en partie la route nationale. Rive droite, la voie d’Antonin reliait Valence à Nîmes via Alba.
Paul de Vivie, fidèle au topos littéraire de la vanitas, s’intéressait aux ruines du passé qui l’entouraient comme support de réflexions au fil de la route, sans s’y accrocher, plutôt matière à rêveries sur l’instabilité des choses humaines... Dans l’excursion pascale de 1905, à propos de son compagnon il parlait de «  l’âge heureux où les grandes et bruyantes agglomérations intéressent, retiennent l’attention, où les monuments pourtant si fragiles des hommes, semblent construits sur du granit, où la façade de la civilisation charme les yeux et cache à l’esprit sa vanité, son néant.  »

 AU PAYS DU SOLEIL, 1889

«  Le dimanche matin, un soleil radieux nous réveille avant 6 heures  ; allons, nous étions réellement dans le Midi et, pour bien nous en pénétrer, nous n’eûmes qu’à mettre le nez à la fenêtre. Il y avait de l’assent plein les airs et moi, qui ai eu l’heur de naître par là-bas, cela me chatouillait délicieusement les oreilles. Orange, une ville où les Romains ont laissé des monuments admirablement conservés. C’est l’air, nous assure le figaro de l’endroit, qui conserve ainsi les pierres. Mais il ne paraît pas conserver aussi bien les hommes, car la population de cette petite ville n’augmente pas et elle a terriblement diminué depuis le siècle de Marius. Nous vîmes l’arc de triomphe, le vieux théâtre et les enguirlandements de la fête nationale qui avaient l’air bien mesquin auprès de ces restes imposants de la grandeur romaine. Mais nous découvrîmes aussi sur une mignonne petite place carrée qui pourrait avoir été l’atrium du palais d’un proconsul quelconque, nous découvrîmes ce qui est comme l’amour, éternellement jeune, des pêches savoureuses, des figues parfumées, fruits exquis que jamais Romain ne dégusta avec autant de sensualité que nous.  »
«  C’est plus loin, à 3 kilomètres environ, sur la route de Remoulins à Uzès, que nous découvrons enfin les ruines très bien conservées et entretenues du reste avec soin du gigantesque aqueduc qui amenait à Nîmes l’eau pure des montagnes. Le Gardon passe dessous, tout au fond d’un ravin. Si l’on avait aujourd’hui de pareils travaux à exécuter, on s’adresserait à M. Eiffel, qui jetterait tout simplement un tablier de fer d’une montagne à l’autre. Ce serait moins monumental, mais beaucoup plus extraordinaire, surtout aux yeux (s’ils pouvaient se rouvrir) de l’architecte romain qui s’est donné tant de peine à entasser arches sur arches, piles sur piles, Pélion sur Ossa. Il faut cependant songer au gîte, la nuit approche et l’appétit est arrivé depuis longtemps.  »
Vélocio, «  Au Pays du Soleil  », Le Cycliste, janvier, mars 1890, p. 346-349, p.45-49, Source Archives départementales de la Loire, cote PER1328_2

   VERS LA MÉDITERRANÉE, 1899

«  Le temps est d’ailleurs superbe, tel qu’on peut le désirer dans ce pays du soleil. Je ne dois pas être loin d’Orange, il est près de 8 heures, et à l’allure à laquelle j’ai marché, les 38 kilomètres qui me séparaient, au départ, de l’arc de triomphe de Marius doivent être derrière moi. Le voici, en effet, ce vieux débris des gloires romaines  : je le contourne à droite et j’entre dans la ville que je ne fais, du reste, que traverser, l’ayant déjà visitée.  »

«  Tout doucement, à bicyclette, nous nous dirigeons. M. G... et moi, vers Sanary et, chemin faisant, mon compagnon me parle des vieux souvenirs qui se dégagent de tout ce qui nous entoure.
Ce doit être chez moi quelque maladie non encore cataloguée dans les gros in-folio de la Faculté, mais je ne puis passer en quelque endroit que ce soit, sans évoquer les générations disparues, les civilisations d’autrefois. Or, où trouver une région plus riche en traditions plus ou moins amplifiées par la légende que ces rivages méditerranéens qui virent passer tant de peuples divers de mœurs et de langages  : Phéniciens, Gaulois, Barbares, Romains, Sarrazins, et avant eux combien d’autres, perdus dans la nuit des temps, ont ici vécu, aimé, lutté, souffert et joui du bonheur de vivre  !  »
Vélocio, «  Vers la Méditerranée », Le Cycliste, 1899 et 1900, p.216-22, p.243-246, p.36-41, Source Archives départementales de la Loire, cote PER1328_6 et Le Cycliste, Décembre 1957, Rétrospective «  Cyclo-Alpinisme à la Sainte-Baume  »

 DE SAINT-ÉTIENNE À CANNES ET RETOUR PAR LES MAURES ET L’ESTÉREL, 1900

«  Nous secouons un instant la poussière du temps passé, nous parlons même de Marius, le grand Marius dont la gloire plane encore sur toute la Provence. C’est à Pourrières, à très peu de distance de Saint-Maximin, que les légions anéantirent les Cimbres et les Teutons, grâce à un mouvement tournant que le général romain fit exécuter autour de la montagne de Sainte-Victoire par une partie de ses troupes qui, au moment psychologique, prirent l’ennemi à revers. En commémoration de cet heureux événement, on éleva à Pourrières (étymologie  : Champs putrides, pourritures) un trophée où Marius était représenté debout sur un bouclier creux en forme de tuile, soutenu par trois hommes. Or, aujourd’hui Marius a disparu et il ne reste que les trois hommes portant le bouclier, si bien qu’on dit plaisamment dans le pays, à la confusion des habitants de Pourrières, qu’à Pourrières on se met trois pour porter une tuile  !
Les plus grands événements historiques finissent ainsi bien souvent en plaisanteries.  »
Vélocio, «  De Saint- Étienne à Cannes et retour par les Maures et l’Estérel », Le Cycliste, 1900, p.105 à 114, Source Archives Départementales de la Loire, Per1328_7

 EXCURSION DE PÂQUES (596 KILOMÈTRES), 1901

«  Le vieux théâtre romain parait fort délabré et la sécurité des spectateurs bien compromise entre ces murailles branlantes.  »
Vélocio, «  Excursion de Pâques (596 kilomètres)  », Le Cycliste, 1901, p.60-64, Source Archives Départementales de la Loire, Per1328_7

 RANDONNÉE PASCALE, 1912

«  À 6 heures précises, nous mettons pied à terre au sommet devant une borne de fort calibre, qui semble dater de loin, car l’inscription y est encore en langue latine. Peut-être est-ce du pseudoantique  ? Cependant il paraît vraisemblable qu’il y eût là, de tout temps, un passage facile de la vallée de la Durance dans celle du Rhône.  »
Vélocio, «  Randonnée pascale  », Le Cycliste, 1912, 72-80, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_12

 EN TANDEM, 1916

«  Notre dessein était d’aller coucher au Grau du Roi, mais la nuit arrivait à grands pas, nous n’avions pas de lanterne, nous couchâmes à Nîmes, à l’hôtel du Cheval Blanc (bon, prix moyens) et, nos fenêtres s’ouvrant sur les Arènes, je m’endormis en évoquant les scènes du passé. Bon appétit, bon sommeil  ; c’est à cela qu’on reconnaît que la fatigue de la journée est restée normale, saine, hygiénique. Avant de nous mettre au lit, nous étions allés lire le communiqué dans un de ces luxueux cafés dont les villes du Midi, à l’instar de Marseille, aiment à se parer. J’espérais vaguement y rencontrer M. R..., un bon cyclo-touriste nîmois qui nous a conté quelquefois, ici même, ses excursions et exposé ses appréciations  ; le hasard ne me favorisa pas  »
Vélocio, «  En tandem  », Le Cycliste, 1916, 11-122, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/3

 EXCURSIONS DU “CYCLISTE”, 3, 4 ET 5 AVRIL 1926

«  Vaison-la-Romaine est admirablement située sur l’Ouvèze, au pied d’une haute falaise couronnée par des débris de châteaux féodaux  ; on y visite avec intérêt la cathédrale et des ruines gallo-romaines, théâtre, thermes, villas récemment découvertes et qui attirent les curieux d’antiquités, et surtout les snobs qui décemment ne peuvent pas aujourd’hui ignorer Vaison, si bien que les hôtels commencent à estamper lourdement les touristes, même à bicyclette.
Je ne m’arrête pas et, le pont romain franchi, je me hâte vers Malaucène.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », Le Cycliste, mars-avril 1926, p.22-28, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/3

 EXCURSIONS DU “CYCLISTE”, MAI JUIN 1928

«  Avant de partir, nous fîmes, B... et moi, emplette de chocolat et de cartes postales, et il n’était pas loin de 14 heures quand nous prîmes congé. Nous nous étions documentés pendant le repas sur le meilleur chemin à suivre pour atteindre Viviers, d’où nous devions gagner Vals par une large vallée dépourvue d’ombrages et sèche autant que les États-Unis. L’inventeur du dérailleur P. d’A., qui reste, à mon avis, quoi qu’on ait fait depuis, un des meilleurs systèmes de polyxion, nous contait des merveilles de cette vallée où florissait Alba, une ville gallo-romaine de 60.000 âmes, qui fut saccagée par les barbares, à tel point qu’il n’en reste pas de vestiges. Pourtant, il y avait trouvé, çà et là, des débris intéressants, même des pièces de monnaie et quelques bijoux, dont certains qu’il nous montrait, révélaient une dépravation des mœurs, ou peut-être une simple naïveté à laquelle notre civilisation n’est pas encore parvenue. Ma curiosité avait donc été assez éveillée pour que, souvent, en regardant la carte, j’eusse regretté de ne pas connaître encore cette partie de l’Ardèche que je me figurais aussi fertile et attrayante que la vallée de l’Eyrieux. Je fus déçu  ; autant le bout de route de la Trappe à Malataverne et à Viviers par lequel débutait l’étape postprandiale nous avait paru charmant, autant la route de Viviers à Villeneuve-de-Berg nous sembla fastidieuse  ; inondée de soleil, sans arbres, sans ruisseaux, toute en nids de poule, elle se traîne le long des nappes vertes des blés naissants et des prairies  ; çà et là, quelques mûriers et quelques amandiers. Dans la plaine où fut Alba, nous ne voyons qu’une villa originale entourée de colonnettes coloriées, qui doivent signifier quelque chose que nous ne parvenons pas à comprendre.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », mai juin 1928, p.39-40, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/4

 EXCURSIONS DU “CYCLISTE”, JANVIER FÉVRIER 1929

«  la route est maintenant si bien entretenue, si unie, si roulante qu’on n’a pas grand mérite à tenir le 30 à l’heure  ; mais j’aurais été plus à l’aise et je serais allé peut-être plus vite si j’avais pu de temps en temps passer de 6 m. 60 à 8 mètres, pour profiter des légères déclivités qui se rencontrent sur la vieille voie romaine dont le tracé, m’assure-t-on, est encore celui de la route actuelle.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », Le Cycliste, janvier-février 1929, p. 5-10, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_15

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