Machines

samedi 20 juillet 2024, par velovi

  Sommaire  

Le tas de ferraille de Vélocio a été sauvé de l’oubli grâce à Raymond Henry (malheureusement disparu en 2020) et le Musée d’art et d’industrie de Saint-Étienne, où sont exposées certaines de ses machines. Vélocio a voyagé aux côtés de la première bicyclette française des frères Gautier, il fut le témoin et l’acteur de cinquante ans d’histoire vélocipédique, avec pour lui le rôle de vulgarisateur et propagateur de la polymultipliée, mais aussi de la randonneuse, des pneus-ballon. Raymond Henry décompte une trentaine de machines dans la biographie qu’il a consacrée à Paul de Vivie, dont un vélo Pedersen, une rétrodirecte, une touricyclette, une lévocyclette. Il les modifiait régulièrement, combinait des systèmes de vitesses, échangeait des pièces. Rien ne lui était agréable comme de retirer du grenier une ancienne bicyclette qui s’y rouillait et de la remettre en circulation. Malgré son influence technique sur l’histoire du cycle, les vélos personnels de Paul de Vivie ne lui étaient parfois pas flatteurs, surtout après la Première Guerre où il cherchait à ne plus gaspiller et à réutiliser  : bicyclettes usagées, avec des bouts de fils de fer, de ficelles, vieille sacoche de guidon... Alors que l’industrie du cycle stéphanoise devenait florissante  ! La visite du garage et du bureau de Vélocio valait la peine  : sous leur poussière chaque spécimen avait des spécificités, une histoire, et rappelait au maître aux 600 000 km parcouru des souvenirs de randonnées. Les discussions techniques ou touristiques amenaient des réponses nettes et précises, les idées s’entraînaient les unes les autres, dans une conversation alerte, spirituelle, enjouée, et aussi pleine de philosophie souriante, selon les mots de Ph. Marre. Dans le souvenir qu’en gardait Henri Chaix, c’était toute l’histoire de la polymultiplication que l’on pouvait embrasser d’un coup d’œil, véritable capharnaüm, décoré d’affiches des premières maisons françaises et anglaises de cycles, encombrés au-delà du possible par un amoncellement de bicyclette de tout âge, véritable musée.
Sauvignet rapportait un souvenir d’enfance de 1926 ou 27, à l’école communale du quartier de Tardy, à Saint-Étienne. Les récréations se donnaient sur une place publique, faute de cour  :
«  Chaque matin, vers le milieu de la récréation, nous le voyions passer, monté sur une curieuse machine aux roues trop petites, au pédalier ovale et au guidon sans cesse différent.
Nos maîtres se retournaient sur son passage, mais lui roulait paisiblement, nous adressant parfois un gentil sourire. Nous nous poussions du coude
«  Savoir demain, ce qu’il aura encore inventé  ?  ».
Il y avait dans nos propos une moquerie mélangée de respect.
[...]
De Vivie, pour nous, c’était le symbole de cette aventure tant désirée, et nous le mettions sans aucune hésitation sur le même plan que Buffalo Bill ou les Pieds-Nickelés. Puis sonnait la fin de la récréation. Le père de Vivie était loin déjà et nous rentrions en classe, en rang par deux. [...]  »
Sauvignet, Paul, «  Un souvenir sur Vélocio », Le Cycliste, 1950, p.130

Dans le récit de ses randonnées, Paul de Vivie présentait ses machines souvent sous la forme d’un court croquis, et parfois le récit se transformait en longues digressions techniques. Dans ses articles techniques, il évoquait parfois ses expériences de randonnées. Nous pouvons toujours y trouver un intérêt, par la manière de mener le débat, ou de présenter son écurie.

 EXCURSIONS DU “CYCLISTE”, NOVEMBRE DÉCEMBRE 1928

«  Excursions  ? C’est beaucoup dire et ce serait prétentieux, mettons promenades, simples promenades de santé. Je n’ai jamais guère fait que cela pendant novembre et décembre  ; cependant la Toussaint nous vit souvent, avant guerre, partir pour le Midi, et la Noël aussi, et le Jour de l’an, quand ces fêtes nous donnaient trois jours de liberté, comme elles le feront cette année. Ces randonnées hivernales m’ont laissé de bons souvenirs  ; ne les éveillons pas, sinon j’en oublierais ce que je voulais dire. Tous les dimanches, je pédale donc par hygiène et j’abats dans ma matinée de 80 à 100 km., qui ne vont pas sans m’apporter quelques clartés sur des points de cyclotechnie encore obscurs. Je n’emmène jamais, quand je pars seul, la même machine  ; toute ma vieille écurie y passe et, à ce propos, je me rappelle avoir promis de la présenter aux lecteurs du Cycliste, et il faudra que je me hâte, car le flot montant de mes récentes montures à pneus Ballons, dont j’ai déjà quatre exemplaires, submergera bientôt randonneuses et carrosses de gala du bon vieux temps. Ma lévocyclette et ma Touricyclette me servent donc actuellement, concurremment avec mon premier Whippet de 1907, ancêtre de tous les systèmes de dérailleurs qui n’obligent pas à des cadres spéciaux et peuvent s’adapter aux anciennes machines, concurremment aussi avec ma randonneuse légère à cinq vitesses par flottante et bichaîne, avec ma première flottante de 1912, avec mon no 1 de 1903  ; etc., car il n’est pas une de ces vieilleries qui ne possède quelque détail de construction particulier, et je désire comparer, comme ont la manie de le faire les vieillards, les temps passés aux temps présents. On peut trouver dans ces comparaisons, le germe de quelque perfectionnement.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », Le Cycliste, novembre-décembre 1928, p. 100-102, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_15


En 1880, des bicyclistes s’étaient rendus de Saint-Étienne à Lyon puis Grenoble, et retour, soit 320 km. L’histoire avait été colportée partout, et suscita des vocations. Paul de Vivie fit son apprentissage de l’équilibre et ses premiers coups de pédale sur un vélocipède type Michaux, puis acheta un grand-bi d’occasion aux frères Gauthier, en 1881. Il devint secrétaire du Club des cyclistes stéphanois, créé la même année. Les chutes firent parfois rester remisée sa monture. Il réalisa tout de même une belle étape de 100 km vers le Livradois-Forez.

 En allant au Puy Mary, 1922

Je ne passe jamais à Pontempeyrat sans me remémorer mon premier essai de cyclotourisme. C’était en septembre 1881 ; nous étions partis deux la veille au soir de Saint-Étienne et nous étions venus coucher à Saint-Bonnet ; nous avions ensuite fait la descente sur Pontempeyrat, que j’avais jugée effroyable ; elle l’était assurément avec les outils rudimentaires dont nous nous servions en ce temps-là : bicycles en fer forgé dont la roue motrice et directrice de 125 centimètres de diamètre roulait sur des coussinets lisses avec tant de jeu que le bandage en caoutchouc plein carré, collé et cloué sur la jante plate en fer, venait frotter parfois contre la fourche. J’avais appris au printemps à me tenir en équilibre sur un vélo Michaux et je m’étais offert pour 200 francs ce misérable clou d’occasion.
Vélocio, En allant au Puy Mary, Le Cycliste, sept-oct 1922, source archives départementales de la Loi, cote PER1328_13

N’oublions pas que le grand-bi avait pour lui la simplicité de transmission, minimisant les pertes d’énergie, et la hauteur de point de vue  :

 DU CHOIX D’UNE MACHINE, 1887

«  Le bicycle courant remporte encore, dans les courses, la palme de la vitesse  ; il est plus gracieux, moins encombrant, plus léger que la bicyclette ou le tricycle et il donne aux passants une plus haute idée de l’adresse du veloceman qui, haut perché sur sa selle, domine mieux le paysage, voit de plus loin et n’a pas son horizon brusquement resserré entre ces odieux murs de clôture qui, si souvent, bordent les routes et rendent la chaleur plus accablante, la poussière plus aveuglante et le voyage plus fatigant au pauvre piéton, que la vue des prairies verdoyantes délasse et récrée.
Le bicycliste échappe à cet ennui, sa tête dépasse ces murs blancs ou gris qui sont sans doute la cause des attaques de Proudhon contre la propriété, il peut même jeter des regards de dédain sur le propriétaire pares­seusement étendu à l’abri de ses ormeaux  ; il peut mais hélas tous ces privilèges sont parfois bien chèrement payés par des culbutes dangereuses.  »
Vélocio, «  Du choix d’une machine  », Le Cycliste, 1887, p. 38-39, Anthologie du “Cycliste”, Cahier 3 mai-juin 1963, p.39.

Par sa stabilité, le tri fut en vogue dans les années 1880 pour le tourisme, ainsi apparait-il dans les premiers récits d’excursions. Paul de Vivie pouvait monter un Eureka de Bayliss Thomas, à Coventry, parfois un tricycle-tandem du même constructeur. La bicyclette des frères Gautier participait souvent aux excursions stéphanoises, elle sut se faire adopter rapidement. Depuis fin 1886, Paul de Vivie avait monté son agence générale vélocipédique. Il avait pu connaître grâce à ses voyages de courtier en ruban en Angleterre les grandes marques anglaises, et s’en fit l’intermédiaire  : Rudge, Quadrant, Humber, Coventry Machinists, Raleigh, Singer. Il essayait de nombreux modèles. Il utilisa notamment la bicyclette British Star, à cadre suspendu, dont son journal faisait aussi la réclame, et une Sunbeam. En 1892, il lançait sa propre marque «  La Gauloise  ». Ses excursions devinrent aussi son laboratoire de route, et la vallée du Rhône fut un terrain idéal.

 AU BORD DU RHÔNE, 1887

«  Saint-Pierre-de-Bœuf, Chavanay, Vérin, Condrieu, tout cela passe comme en un rêve. Route superbe, paysage merveilleux, vent favorable, tout nous favorise  ; nous nous arrêtons à peine un instant à Chavanay, juste au pied de la montée de Pélussin et l’un de nous propose de rentrer par le col de Pavezin, mais la proposition est rejetée. En repartant et jusqu’à Condrieu, André H. tenant absolument à prouver la supériorité du Quadrant, se lance à une allure folle, au grand ébahissement des gens du pays qui, paisiblement assis dans leur jardin, ne peuvent pas comprendre le plaisir qu’on éprouve à courir ainsi. Mais j’ai de l’amour propre aussi et je tiens également à prouver que l’Eureka a du bon, de sorte que tantôt nous espaçant, tantôt allant de front, nous arrivons à Condrieu dix bonnes minutes avant nos amis, plus paisibles et surtout plus raisonnables.  »
Vélocio, «  Au bord du Rhône  », Le Cycliste, 1887, p 98-101,Source Archives départementales de la Loire, cote PER1328_1

Avec les revues de catalogues ou du Stanley show, exposition vélocipédique londonienne au Cristal Palace, nous avons plus de détails sur ces tricycles de voyage, où l’on voit déjà l’idée de cyclo-camping présente, et la question du relief de la route.

 TRICYCLES ET TANDEMS, 1889

Les machines de voyage
«  Les qualités indispensables de celles-ci sont  : un frein ou plutôt des freins sûrs et puissants, des porte-bagages, commodes et amples, une grande solidité et, pourtant, autant que possible, de la simplicité dans les détails de l’ajustage  ; voilà les traits principaux et indispensables  ; si vous pouvez ensuite obtenir de la légèreté, très bien, de l’élégance, tant mieux  ; de l’extra-confortable, ce sera parfait. Mais, avant tout, il faut que partout, dans n’importe quelle circonstance, vous soyez maître de votre monture, il faut que vous puissiez emporter des effets de rechange, des vêtements et même des bagages autres que le strict nécessaire, afin qu’à chaque instant vous ayez sous la main, tout ce qui vous est utile et, qu’en un mot, vous vous sentiez «  at home  » sur votre tricycle. Pour que ce dernier desideratum soit réalisé jusqu’à son extrême limite, un industriel parisien, M. h. Villain, a inventé un système qui permet de transporter sur son tricycle tout un matériel de campement composé  : d’une tente, de deux pliants, d’une table et d’un lit articulé. Il faut, enfin, que vous n’ayez pas à redouter des avaries au moindre accident et que vous n’ayez pas dans votre machine de parties tellement délicates qu’on ne puisse les réparer chez un bon mécanicien de petite ville ou de village.
Tous les fabricants ont la prétention de faire de bons tricycles de voyage, mais il ne faut pas toujours prendre au pied de la lettre ce que disent les fabricants  ; en réalité, nous n’en connaissons presque point de parfaits et nous voudrions que la Triplette de Rudge tint toutes les promesses qu’elle semble faire au point de vue qui nous occupe en ce moment.
Cette machine possède l’avantage très considérable de n’avoir que deux voies, ce qui, pour un touriste exposé à toutes sortes de routes, est véritablement précieux. Vous avez dû remarquer, comme nous-mêmes, que souvent les routes récemment ferrées présentent quatre ou cinq sillons bien aplanis séparés par autant de lignes de pierres presque intactes. Une bicyclette enfile une de ces ornières et roule admirablement pendant que les tricycles à trois voies ont fatalement une des roues en plein sur les pierres et sont très cahotées  ; le même inconvénient se retrouve, à l’état permanent, dans les chemins vicinaux ou de grande communication entretenus sommairement. Les voitures laissent trois traces sur lesquelles on peut rouler, une sous chaque roue et la troisième sous le pas des chevaux  ; malheureusement, les tricycles sont loin d’avoir la largeur des voies des voitures et si l’on parvient à utiliser une des traces de côté et celle du milieu pour les deux roues motrices, par contre, l’infortunée roue pilote tressaute lamentablement et le veloceman se fait un sang d’encre.
Avec la Triplette, dans les plus mauvais chemins, on se croira au paradis et le tricycliste n’aura plus rien a envier au fringant bicyclettiste, nous deviendrons quadricycliste, ce qui, du reste ne nous attriste en aucune façon, car le poids et le frottement supplémentaires ne sont pas suffisants pour contrebalancer l’avantage que nous venons de signaler, joint à celui d’une plus parfaite stabilité.
Donc, hurrah  ! pour la Triplette, à condition qu’elle cesse d’affecter des allures de coureuse et de pisteuse pour prendre le maintien grave et sérieux d’une bonne et solide routière. Une largeur de voie de 80 centimètres, des roues motrices de 90 centimètres, au moins, avec caoutchoucs de 22 millimètres, la tige de direction ramenée un peu plus en arrière, afin de laisser le plus d’espace possible entre les deux roues directrices de 70 centimètres de diamètre avec caoutchoucs de 19 millimètres. Nous pourrons loger entre ces deux roues un porte-bagage large et commode que nous conseillerons même de poser sur des ressorts, sans préjudice du porte-bagage de derrière la selle et du porte-manteau sur le guidon.
Quant aux freins, comme il ne serait peut-être pas très facile d’en adapter sur les roues-pilotes, nous nous contenterons de munir l’axe moteur d’un frein à tambour à double effet, capable d’arrêter en avant et en arrière, et actionné par la main et par le pied.
Ainsi transformée, nous est avis que la Triplette fera une concurrence sérieuse au Quadrant no 8 qui, jusqu’à cette heure, est considéré en France comme le tricycle par excellence du touriste touristant en toute saison et par toutes les routes.
***
Au fait, pourquoi ne dirions-nous pas un mot de ce bon vieux routier no 8, qui était aussi au Stanley Show, à côté de son jeune frère, le Light Roadster (léger routier)  ? Il n’a pas changé de forme, le Quadrant  ; à peine a-t-il diminué légèrement le diamètre de ses roues motrices, histoire de suivre la mode  ; au lieu de 100 et 110 on les a réduites à 90 et 100 centimètres, c’est encore un diamètre raisonnable, mais ne souffrez pas qu’on aille plus bas, Monsieur Speedwell.
Donc, le Quadrant mérite toujours la confiance qu’on lui accorde et n’a rien à perfectionner  ; son poids, il tend à se rapprocher de 30 kilos et, nous le disons en vérité, au-dessous de ce poids, on ne peut avoir une bonne machine de voyage.
L’Eurêka, de Bayliss Thomas, ne s’est guère modifié, en tant que tricycle de route, et le modèle spécial, paraît-il, que cette maison fabrique pour Saint-Étienne et les autres contrées montagneuses de France, a toujours les deux freins indépendants, l’un, à sabot, sur la roue directrice, l’autre, à tambour, sur l’axe moteur, celui-ci actionné par le pied et la main droite, celui-là par la main gauche seulement. Ce frein à tambour est à double effet et arrête en avant et en arrière. Ce modèle a encore les caoutchoucs épais de 22 mm. et la direction automatique, le garde-chaîne en cuir, la tête à douille et quelques ressorts anti-vibrateurs sur la roue de devant qui est de 70 centimètres, tandis que celles de côté ont 20 centimètres de plus  ; nous serions fort en peine de dire ce que l’on pourrait ajouter à ce tricycle pour le rendre plus parfait  ; plus de soin dans quelques détails, par exemple, des manivelles détachables, un contre-écrou à la vis de chaîne et de véritables coussinets Œolus, au lieu des coussinets actuels à réglage latéral, mais où les billes sont trop découvertes et trop exposées à la poussière.  »
Vélocio, «  Tricycles et tandems  », Le Cycliste, avril 1889, Rétrospective 1934, p.482-484

Sur les débats autour de ce passage du tricycle à la bicyclette, on trouve cet article d’un certain Curtius.

 LES AVANTAGES ET LES DÉSAVANTAGES COMPARÉS DE LA BICYCLETTE ET DU TRICYCLE, 1888

Un abonné à Mâcon nous pose les questions suivantes  :
1° Quels sont les avantages et les désavantages du tricycle et quels sont ceux de la bicyclette  ?
2° Dans quels cas l’une de ces deux machines doit-elle être préférée à l’autre  ?
Ce sujet nous ayant paru de nature à intéresser tous nos lecteurs, nous ouvrons la discussion sur «  Les avantages et les désavantages comparés de la bicyclette et du tricycle  », en publiant la lettre qui nous est arrivée juste à point d’un autre côté.
Vélocio.

Vive encore le Tricycle  !
Voyez-vous, mes amis, pour aller par monts et par vaux, monter ou descendre indifféremment, pour vélocer par tous les temps, sur toutes les routes, sous la pluie et le vent, par les jours de brouillard, de neige ou de verglas (de verglas surtout), vive encore le tricycle.
Je m’étais laissé, pendant la belle saison, conter fleurette par un amour de bicyclette, et j’avais lâché mon vieil Eurêka, modèle de 1886, avec deux coussinets sur l’axe qui roule encore mieux que les modèles les plus récents, les plus légers et, soi-disant, les plus perfectionnés.
Sur le conseil de Velocio, que je considérais comme un des pontifes de la vélocipédie et qui avait adopté la bicyclette depuis quelques mois, je m’étais fendu de 50 francs et j’étais devenu bicyclettiste.
Jusqu’à fin de septembre, ça été charmant  ; je ne tarissais pas d’éloges sur ma nouvelle monture  ; pourtant, parfois, à la montée, obligé de mettre pied à terre quand j’étais fatigué ou que la pente devenait trop roide et que je perdais l’équilibre faute de pouvoir aller assez vite, d’autres fois, à la descente quand, à un tournant, je me trouvais nez à nez avec un char de laitier encombrant la route et que, lancé, sans pouvoir stopper, j’étais forcé de passer entre le ruisseau et une roue menaçante, je me souvenais qu’en tricycle ces inconvénients ne m’arrivaient pas  ; alors si je voulais, à mi-côte, me reposer un instant, je m’arrêtais à l’ombre d’un arbre et, tranquillement assis, je roulais une cigarette  ; mon allure était réglée par le degré d’inclinaison de la rampe, et, le cas échéant, je n’allais pas plus vite qu’un homme à pied, d’un coup de pédale régulier, sans oscillations, évitant méthodiquement les mauvaises parties de la route, maître, en un mot, de la situation.
Je me souvenais qu’aux descentes les plus périlleuses, un frein à bande, actionné par le pied et la main, toujours imbibé d’eau, me permettait de stopper à n’importe quel moment, que, dans les encombrements des villes ou villages, je m’arrêtais, je reculais, j’évoluais paisiblement sans quitter la selle, que j’emportais facilement beaucoup de bagages, sans être le moins du monde incommodé.
Je me souviens encore que, surpris par la pluie, rien ne m’était plus facile que de dérouler mon tablier, d’endosser mon manteau et de me mettre ainsi à l’abri des aspersions célestes, tandis qu’en bicyclette (brr..., rien que d’y penser, j’en ai les pieds mouillés), il fallait sauter à bas, puis, en remontant, on s’accrochait à la selle, ou bien le vent rejetait le capuchon, déplaçait le mackintosh, et il fallait redescendre, souvent dans la boue.
Malgré tout, j’étais encore enchanté de ma bicyclette, au commencement d’octobre. Je me trouvais très bien là-dessus, j’évoluais avec grâce, j’évitais les cailloux sur les mauvais chemins, je suivais aisément une ornière ou les accotements, et je raillais les tricycles forcés de cahoter sur les empierrements.
Mais, un certain matin (il y avait un brouillard à couper avec un couteau), ce fut au tour des tricycles à se moquer de moi. Je n’avais pas fait vingt mètres, sur le pavé humide et glissant, que, patatras, me voilà étendu de tout mon long sur la chaussée, la roue motrice s’était dérobée sous moi, et j’y étais allé d’un plaquage  ; à son tour, Velocio, qui me suivait, dégringole, puis un autre, bref, tous les bicyclettistes durent marcher et pousser leur machine jusqu’au macadam.
Je n’aime pas m’allonger comme cela en pleine rue  ; les camarades rient et les paysans vous chinent, et puis, on peut se faire mal. Mon amour pour la bicyclette s’en ressentit  ; cependant, je ne la lâchai pas encore.
Mais, l’autre jour, par un abominable temps de verglas, tous mes amis les tricyclistes se mettant en route, je voulus les suivre, et j’enfourchais ma bête à deux roues  ; cette fois, je ne pus sortir du portail, à peine sur le trottoir, v’lan, me voilà par terre  ; je recommence, deuxième chute  ; résultat  : mon pantalon déchiré, un tibia froissé, un poignet presque foulé... Cambronne... je pousse ma bicyclette dans un coin, où elle est encore  ; j’époussette mon Eurêka, j’huile les coussinets et me voilà parti triomphalement à la poursuite de mes amis, en dépit du verglas, de la boue et des pavés. C’est pourquoi je crie de nouveau  : vive encore et toujours le tricycle. Curtius
Curtius, «  Les avantages et les désavantages comparés de la bicyclette et du tricycle  », Le Cycliste, Avril 1888, Rétrospective Octobre 1934, p.486
À cette époque, Paul de Vivie et Vélocio étaient deux plumes bien distinctes. Paul de Vivie jouait de ses hétéronymes entre le directeur de la revue et son rédacteur en chef. Dans des récits, on les voyait même parfois marcher ensemble. En 1894, Vélocio annonça ses adieux comme rédacteur en chef... salués par Paul de Vivie. Sa signature revint finalement, sans plus laisser planer le doute sur l’unicité des deux alter ego. Philippe Marre a écrit que Curtius était aussi un autre hétéronyme de Paul de Vivie...

Ici une manière d’occuper la route dans ces randonnées mêlant plusieurs types de machines  :

 DE SAINT-ÉTIENNE À VILLEFRANCHE, 1889

«  Six heures allaient sonner  ; vite en selle et en avant. C’est en chantant que nous traversons Lozanne, Chazay et Anse, bien groupés, sans rompre un instant notre ordre de bataille, formé comme suit  : deux bicyclettes à l’avant-garde, puis les deux tricycles représentant le centre, et, à l’arrière-garde, les deux autres bicyclettes.  »
Vélocio, «  Promenades et excursions  », Le Cycliste, mai 1889, Rétrospective novembre 1934

Ici la révélation qu’est la bicyclette pour les débutants  :

«  La bicyclette est tout simplement une révélation pour les débutants, on a de suite l’équilibre et l’on s’en va  ; puis on se trouve là-dessus comme dans un fauteuil et, si peu que la route soit en pente, on se prélasse, les pieds au repos, avec volupté, à tel point que nous avons vu de nos amis, oubliant où ils étaient, se laisser aller à des gestes intempestifs et à des manifestations de bien-être si extraordinaire que, la minute suivante, il fallait les cueillir dans le fossé et les remettre en selle.  »
Vélocio, «  Revue des affaires  », Le Cycliste, Janvier 1889, Rétrospective Juillet 1934

Le numéro d’avril 1889 du Cycliste publiait le minuscule entrefilet suivant  :
«  Originalités. — 1° Les bandes de caoutchouc des roues des bi et tricycles remplacées par un tube de la même manière gonflé d’air. 2° Les mêmes bandes remplacées par une multitude de petits cônes de caoutchouc plantés dans une jante entièrement plate, comme celle d’une roue de voiture.  »
Le Cycliste, Avril 1889, Rétrospective novembre 1934 

C’était l’apparition du pneumatique, portée par Dunlop. En 1891, Michelin conçut le pneu démontable, qui facilitait la réparation en route, et permit la victoire de Terront au premier Paris-Brest-Paris. Une course avec des clous déversés sur des passages fut aussi organisée entre Paris et Clermont-Ferrand en 1892. Le pneu permit ensuite par le confort qu’il apportait le développement des véhicules motorisés. Paul de Vivie un temps réticent finit par l’adopter. Il n’abandonnait cependant pas complètement ses anciens bandages face aux lubies des pneumatiques, et donnait encore ce conseil en 1897  :

 BIS REPETITA PLACENT, SÆPE REPETITA DOCENT, 1897.

J’ai fait le mois dernier ou plutôt réédité, car j’ai signalé ce fait bien souvent, une remarque que beaucoup de lecteurs du Cycliste m’ont confirmée. Le grand tourisme parait être moins cultivé qu’autrefois et lorsqu’on s’aventure à 50 ou à 100 kilomètres des grandes villes ou des centres de villégiature, on est à peu près sûr, à mesure qu’on s’éloigne, de rencontrer de moins en moins des cyclotouristes.
Il vous souvient, sans doute, des récits de voyages qui, de 1888 à 1892, rendirent Le Cycliste si intéressant.
Les voyages aux Pyrénées et aux gorges du Tarn qui, à cette époque, n’avaient pas encore été civilisées par le Club Alpin, si bien relatés par M. Ducroux, et tant d’autres récits sont là pour témoigner de ce que fut le tourisme au bon vieux temps des caoutchoucs pleins et creux  ; on partait volontiers à cinq ou six compagnons pour huit jours, pour un mois et l’on allait dans les régions les plus pittoresques mais aussi les plus désertes, sans s’inquiéter si l’on trouverait à point nommé un poste de secours, ou une plaque du T. C. F. à la porte d’un aubergiste-réparateur de pneus.
Pour ne parler que de ce que j’ai vu dans mon petit coin des Cévennes où les touristes ont toujours été rares, mais que M. de Baroncelli, l’auteur des guides si estimés, a entrepris de parcourir cette année, de fouiller, de classer et de condenser en un fascicule qui, sous le titre de guide des Cévennes, fera suite aux guides des Vosges, de la Normandie et de la Bretagne déjà parus, pour ne parler, dis-je, que de ce que j’ai vu, j’affirme que sur nos routes si bien entretenues et si favorables aux cycles, je rencontre beaucoup moins de cyclotouristes qu’autrefois. Je vais assez fréquemment à bicyclette de Saint-Étienne à Lyon et vice versa, tantôt par Duerne, tantôt en prenant le chemin des écoliers par le Bessat et les bords du Rhône, parfois aussi en suivant la route directe par Givors, laquelle est bien monotone  ; il est bien rare que j’y rencontre d’autres cyclistes que ceux du cru, facilement reconnaissables à l’absence de tout bagage et à leurs allures.
Autrefois, j’avais d’abord beaucoup de chances de trouver un compagnon disposé à m’accompagner  ; ensuite, il m’arrivait de temps en temps de rattraper un touriste allant dans le même sens ou d’être rattrapé par lui et d’entrer en conversation.
Petit à petit, la génération qui adopta la bicyclette dès son apparition et qui ne vit en elle qu’un outil de tourisme, a vieilli et peut-être s’est faite casanière  ; quant aux nouvelles couches, sauf quelques exceptions, elles ne paraissent comprendre en fait de tourisme que le tourisme banlieusard chanté par Fafiotte et béni par Giffard, pontifex maximus. Il y a partout, à dix ou vingt kilomètres de la grande ville, en un site plus ou moins séduisant un groupe de guinguettes, gargotes et tord-boyaux où les cyclistes ont pris l’habitude d’aller s’abattre, et tout le long de ces dix ou vingt kilomètres on ne voit, le dimanche, que cycles de tous genres à la porte des cabarets. Saluez, c’est le tourisme banlieusard qui passe et qui boit.
Autour des villes d’eaux, c’est absolument la même chose, seulement les cycles sont très chic et ceux qui les montent superchic.
À cet effet qui ne se peut nier, il doit y avoir une cause, car la génération d’aujourd’hui doit avoir certainement, toutes autres choses égales, les mêmes aspirations que la génération qui ne la précède que de dix ans, et celle-ci même n’est point tant décrépite encore pour être, sans raison, devenue casanière à ce point.
Cette cause, j’ai cru la découvrir, voilà déjà pas mal d’années dans l’usage de plus en plus général des pneumatiques sur lesquels se sont greffées depuis deux ou trois saisons les machines légères. Pneumatiques et machines légères — je me hâte de le dire pour qu’on ne m’accuse pas d’être tout à fait rococo — s’accordent admirablement et conviennent toutes les fois qu’il s’agit de courses ou de promenades ou encore de certains services tels que celui des cyclistes-express qui supposent une organisation telle que jamais un homme ne se met en route que pour une courte distance et sans que sa machine et ses pneumatiques aient été vérifiés. Mais les touristes, Seigneur  ! qui n’ont ni entraîneurs, ni personnel spécial pour s’occuper de leur monture et qui ont besoin pourtant de la trouver toujours prête  ; les touristes même les simples baladeurs du dimanche feront-ils devant un pneumatique qui fait des caprices, devant une machine légère qu’ils sentent gémir et demander grâce dès que la route cesse d’être unie comme un miroir  ; ils n’oseront plus marcher, ils n’oseront même plus se mettre en route, et c’est bien ce qui arrive. Je pourrais citer nombre d’amateurs qui au temps des caoutchoux creux ne laissaient pas un seul jour leur machine inactive et préparaient ainsi par entraînement quotidien les longues excursions dominicales.
Aujourd’hui, ces mêmes amateurs qui ne sont pas encore démontés tant s’en faut, car un véritable cycliste reste cycliste jusqu’à son dernier jour, et qui ont à l’écurie deux bicyclettes plutôt qu’une, ces mêmes amateurs doivent avant de sortir s’occuper un instant de leurs pneumatiques. Pendant la lune de miel, c’est-à-dire pendant les trois premiers mois, ceux-ci se comportent assez bien, mais bientôt un coup de pompe est nécessaire, le pneu se dégonfle lentement mais sûrement, une boursouflure suspecte se déclare, indice d’un prochain éclatement, une vérification sérieuse s’impose  ; un beau jour, on se met à l’œuvre, on démonte avec peine, on examine, on décide d’attendre encore avant de remplacer son pneumatique qui paraît encore neuf et l’on remonte péniblement. De ce jour, ce pneumatique vous exaspère par ses lubies et comme vous avez juste une heure, chaque jour à consacrer à la promenade et qu’il vous déplaît de passer la première moitié de cette heure à palper votre pneu, à pomper et à repomper, vous ne sortez plus que le dimanche, puis de temps en temps.
Tandis que si votre bicyclette était toujours prête, vous sortiriez encore tous les jours comme autrefois, car les motifs qui vous faisaient apprécier cet exercice existent toujours et vous avez plus que jamais, en vieillissant, besoin de secouer par l’exercice, un corps qui s’épaissit parce qu’il ne dépense pas assez. Je ne connais pas un, je connais dix amateurs dans cette condition-là et j’ai moi-même pendant deux ou trois ans, malgré plusieurs montures à ma disposition, souffert de pneumaticopathie  ; je renonçais petit à petit à ma quotidienne promenade et, tout comme un simple Giffard, j’épaississais non seulement au physique mais au moral  ; le pingue ingénium que tant redoutait Horace me menaçait. Je n’ai mis bon ordre à cet état de choses qu’en revenant au caoutchouc creux d’une façon non pas exclusive puisque je me sers très souvent de pneumatiques mais définitive, j’aurai désormais toujours à mon service une bicyclette ou un tricycle à caoutchouc creux et franchement sur bonne route ordinaire, à l’allure qui convient à un cyclotouriste ou à un hygiénocycliste je me demande souvent si je roule sur creux ou sur pneumatique  ; il n’y a de différence sensible — encore faut-il que les pneumatiques ne soient pas gonflés à bloc et qu’ils soient de fort calibre — que sur les pavés maudits.
Baste  ! nous avons roulé sur caoutchoucs pleins de 19 et de 16 millimètres.
Le mieux n’a-t-il pas été ici encore, l’ennemi du bien  ?
Je conseille donc à tous ceux qui souffrent d’être immobilisés alors qu’ils préféreraient s’agiter au grand air et retenus au logis par l’inconstance de leurs pneumatiques, de faire ce que j’ai fait, de compléter leur écurie par l’adjonction d’une forte bicyclette de route à gros caoutchoucs creux, tringlés si possible.
Mais surtout pas de machines légères  ! les pneumatiques, c’est entendu, protègent les machines encore plus que le cavalier et permettent de réduire à un minimum l’épaisseur des tubes, la force des raccords, le calibre des rayons  ; ç’a été vrai au début, alors que les pneumatiques avaient 55 et 60 millimètres de diamètre et justement alors on ne songeait nullement à alléger les machines et nous ne rougissions pas d’une bicyclette de 20 kilos, c’est même avec une telle monture que j’ai fait ce que je considère comme ma plus belle performance  : Saint-Étienne – Yssingeaux et retour par Montfaucon en huit heures, temps que je n’espère battre qu’avec une future Gauloise à quatre multiplications.
Aujourd’hui ce n’est plus vrai, car les minuscules bandages de 30 à 40 millimètres qu’on est forcé de tenir très gonflés sans quoi à chaque cahot la jante porterait sur le sol, ne protègent plus suffisamment les machines que l’on s’obstine à vouloir légères, que les fabricants entraînés malgré eux font de plus en plus légères même lorsqu’on ne le leur demande pas et l’on recommence à entendre parler de rayons cassés et de tubes débrasés, cette peste dont nous eûmes à souffrir au temps des caoutchoucs pleins et que depuis quelques années on considérait comme définitivement disparue.
Mais aussi, voyez jusqu’où vont les illusions des néocyclistes auxquels des amis imprudents s’avisent de donner des conseils qu’un gendre n’oserait même pas donner à sa belle-mère, tellement ils sont homicides.
Voici un gaillard qui pèse bon poids 120 kilos, il veut une bicyclette confortable c’est-à-dire avec frein, garde-boue, carter, bonne selle et fortes pédales et pesant, tout cela compris, 13 à 14 kilos au grand grand maximum  !
Comprend-on une telle aberration  ?
Une bicyclette pesant, nue, à peine 10 kilos pour porter un homme de 120 kilos sur des routes raboteuses, à grande vitesse à la descente  ! Quel est l’ingénieur qui oserait dire que cela portera ceci impunément et qui construirait des véhicules même roulant sur rails pour porter douze fois leur propre poids, des wagons de 900 kilos chargés de 10 tonnes  ?
Cependant ce néocycliste de 120 kilos est parfois ingénieur lui-même, il est capable de calculer exactement la force de résistance des tubes et des rayons d’acier et à ce véhicule qu’il n’oserait charger de 120 kilos de charbon, il va confier sa propre personne  ; à ces objections sensées que ne lui feront certes pas tous les marchands, il ne sait répondre que ceci  : mes amis dont quelques-uns sont aussi lourds que moi, ne montent pas des bicyclettes plus lourdes que cela et qui résistent.
Oui, elles résistent un certain temps, jusqu’à ce qu’elles vous cassent net entre les jambes. Est-ce qu’il ne serait pas raisonnable de proportionner le poids de la machine au poids du cavalier et de fixer une fois pour toutes cette proportion qui à mon avis devrait être à peu près celle-ci  :
9 à 10 kilos jusqu’à 50 kilos
12 — de 60 à 75
14 — de 80 à 100
16 — de 100 à 125
Ces poids de machines devant s’entendre pour les parties essentielles de la bicyclette, roues et cadres, sans selle, pédales, frein, garde-boue ni aucun accessoire  ; on avait proposé autrefois la loi du cinquième qui n’est juste que pour le poids moyen, car il ne faut pas exagérer et affliger de machines de 25 kilos des hommes qui pèsent déjà 125 kilos et que la solution du problème de l’Homme de la Montagne atteint si rudement.
Si les bicyclettes légères sont souvent dangereuses même avec pneumatiques, à plus forte raison le seraient-elles avec creux et j’augmente volontiers les poids ci-dessus de 20 % s’il s’agit de bicyclettes de route à caoutchoucs creux, augmentation qui portera exclusivement sur l’épaisseur et la force des tubes, des jantes et des rayons.
Vélocio, «  Bis repetita placent, sæpe repetita docent  », Le Cycliste, mai 1897, p.95-97, Source Archives départementales de la Loire, cote PER1328_5, republié en 1947, Rétrospective p.91


Ci-dessous, une publicité pour les constructions sur mesure de La Gauloise.


Le titre et le début de cet article parleront sans doute à beaucoup à travers le temps.

 LA BICYCLETTE IDÉALE DU TOURISTE, 1898 (REVUE TCF)

«  On dit, avec raison  : Si gros que soient les poissons que l’on pêche, il en reste au fond des mers de plus gros encore. Et je dirai de même en commençant cet article  : Si parfaites que soient les bicyclettes mises à notre disposition par des centaines de fabricants, il en est de meilleures encore dans les milliers de cerveaux constamment en travail.
Nous pouvons donc une fois de plus, et sans que cela tire à conséquence, nous entretenir de la bicyclette idéale, à la condition de ne pas espérer la posséder l’année prochaine, car nous serions déçus  ; nous en serons même, en 1898, plus loin que jamais, à en juger par la vogue toujours plus envahissante des types de bicyclettes de course et de chic. Or, entre nous, il s’agit bien, n’est-ce pas, de la bicyclette idéale du touriste, c’est-à-dire du type de machine qui conviendrait aux huit-dixièmes des cyclistes dont on semble, dans les hautes sphères manufacturières, se soucier comme d’une vieille chambre à air.
L’idéal nous reste  ; la bicyclette idéale, voilà notre lot, sachons-nous en contenter et prenons au hasard, dans le tas, un des mille modèles 1898 que nous ont montrés les Shows londoniens, et les Salons du Cycle parisiens, prions son Barnum de le faire passer lentement devant nous, comme en une lanterne magique  ; nous le mettrons sur la sellette et nous le doterons au fur et à mesure des qualités que nous réclamons pour la bicyclette idéale du touriste.  »
Vivie (de) Paul, «  La bicyclette idéale du touriste  », Revue mensuelle du Touring-Club de France, 1898, p.2-7

De 1896 à 1900, Paul de Vivie utilisa son système primitif de changement de vitesse, en descendant de vélo et en changeant la position de la chaîne à la main sur différents couples de pignons, grâce à une agrafe, équivalent de notre maillon rapide.

 UNE VIEILLE CHANSON, MAI 1898

«  Petit à petit se convertissent à l’idée d’avoir plusieurs multiplications à leur disposition sur la même machine, des personnes qui se croyaient capables de tout faire avec une multiplication moyenne bien choisie. Il leur a suffi d’essayer, sur un long parcours, une bicyclette munie de deux ou trois vitesses pour reconnaître leur erreur et pour comprendre qu’on ne peut avec 5 mètres suivre commodément un compagnon développant 7 mètres quand les circonstances sont propices, 3 m. 50 quand elles sont défavorables et qui a pourtant aussi 5 mètres à sa disposition pour le train-train ordinaire. Quand ce n’est pas la montée, c’est le vent, quand ce n’est pas le vent, c’est la fatigue, mais j’ai remarqué qu’à la fin de la journée après 120 ou 150 kms, on retombait toujours avec plaisir sur le faible développement qui permet de finir l’étape sans peine.
Neuf fois sur dix, c’est le système le plus simple, celui qui consiste à avoir deux couples de pignons côte à côte sur lesquels la même chaîne s’adaptera en quelques secondes qui séduira l’acheteur par sa simplicité, sa rusticité, et sa robustesse. Il n’y a pas dans ce système l’ombre d’une complication  ; pourvu que le constructeur ait bien calculé le diamètre de ses pignons de façon que la chaîne soit également tendue sur les différents couples et que le mode d’attache de la chaîne soit rapide, tout ira bien et, en dix secondes, montre en main, on pourra passer de la petite à la grande multiplication. Ce n’est pas instantané mais peu s’en faut  ; on est obligé de mettre pied à terre, mais c’est un avantage plutôt qu’un inconvénient ainsi qu’on l’a fait observer avec raison lorsqu’on a dit que les changements instantanés avaient pour résultat de nous couper les jambes  : 1° par l’instantanéité  ; 2° Par la fréquence du changement. En effet si l’on sait qu’en poussant simplement un bouton ou en tournant un verrou, on réduit d’un quart sa multiplication, à la moindre taupinière on tourne ce verrou, tandis qu’on y regarde à deux fois quand il faut mettre pied à terre. En combinant le système instantané américain du moyeu R et J avec celui des pignons accouplés de la Gauloise nous avons obtenu un excellent résultat et avons réuni sur la même bicyclette quatre vitesses interchangeables instantanément deux par deux, par exemple, d’une part 3 et 4 mètres, de l’autre 8 et 6 m. 65. Cette solution plaira beaucoup aux personnes qui passent une partie de leurs vacances en pleine montagne et l’autre partie en plat pays  ; avec 3 et 4 mètres on passe partout en montagne et avec 5 et 6 m. 65 on atteint en plaine une jolie vitesse. Cette combinaison permet de voyager des jours entiers sans avoir à déplacer la chaîne, bien que, je le répète, un déplacement qui n’exige que quelques secondes ne soit pas bien effrayant.
En fait d’autres systèmes, nous avons celui qui consiste à retourner la roue motrice et à présenter en face de l’unique roue dentée du pédalier tantôt le pignon de droite, de huit dents par exemple, tantôt le pignon de gauche de dix dents, si vous voulez  : en combinant ce dispositif avec un pédalier excentrique qui permet de détendre ou de retendre la chaîne en un clin d’œil, on arrive à un assez prompt changement de multiplication sans qu’il soit nécessaire d’allonger ou de raccourcir la chaîne à la condition qu’il n’y ait pas plus de deux dents de différence entre les deux pignons.
D’autres constructeurs ont imaginé de placer côte à côte les deux pignons de la roue motrice et de déplacer non plus la roue mais le pédalier lui-même. Celui-ci également monté excentriquement pour tendre ou détendre la chaîne dans son mouvement d’avant en arrière est par surcroît doté d’un mouvement de gauche à droite, qui lui permet de présenter successivement son unique roue dentée en face de l’un ou de l’autre pignon. Dans ces deux systèmes à pédaliers excentriques, la chaîne n’a pas été débouclée.
Outre la durée de la manœuvre, on peut faire à ces deux systèmes le reproche (que l’on a fait avec raison au changement instantané R et J.) de ne pas permettre des écarts bien considérables entre les deux vitesses. En effet, la roue dentée du pédalier ayant généralement vingt dents et les deux pignons de la roue motrice huit et dix dents, nous obtenons 4 m. 40 et 5 m. 50  ; dans bien des circonstances ce n’est pas la peine assurément de changer de développement.
Une des bicyclettes que j’ai le plus longuement essayées a deux multiplications extrêmes 2 m. 80 et 8 m. 20 et deux multiplications moyennes de 4 mètres et 6 mètres  ; je ne pensais pas au début avoir beaucoup à me servir des deux extrêmes et il se trouve que je m’en sers tout autant que des deux moyennes  ; il est vrai que notre région très accidentée nous présente des résistances de toutes sortes, pentes raides et vents adverses très violents qui justifient l’emploi de 2 m. 80 et puis j’ai pris l’habitude de faire les descentes avec 8 m. 20 un simple frein sur la roue directrice et de la prudence. Grâce à cette combinaison, j’ai fait, un des rares dimanches de mai où il n’a pas plu, le tour de Saint-Chamond, La Valla, le Bessat et retour par Rochetaillée, 46 kilomètres pendant lesquels on s’élève d’abord de 500 mètres à 600 pour redescendre à 350 et remonter d’une tirée à 1.200 mètres, après quoi une pente continue, vous ramène à 500. Malgré la montée initiale très douce du reste, je suis allé, avec 8 m. 20 jusqu’à Saint-Chamond, de là au Barrage, rampe douce, j’ai pris 4 mètres et du Barrage à la Croix-de-Chaubourey 2 m. 80  ; enfin de la Croix à Saint-Étienne, j’ai fait en 40 minutes à peine avec 8 m. 20 les 17 ou 18 kilomètres de descente. Or, j’avais dans le dos pendant la descente un bon vent du sud que j’avais eu dans le nez pendant une bonne partie de la montée  ; cependant je ne me suis pas senti une seule minute en danger et je n’ai appliqué le frein que de temps en temps  ; tellement on se sent maître de sa machine lorsqu’on n’a pas à remuer les jambes à plus de 60 à 70 coups à la minute  ; ce n’est pas qu’on puisse exercer une bien puissante action sur la pédale remontante, mais le peu que l’on fait, joint à l’action du frein, permet de s’arrêter en quelques mètres. Du reste, le moment vient plus vite qu’on ne le suppose, où la résistance de l’air fait échec à l’accélération de la vitesse et il m’a semblé que sur une pente de 5 à 6 % on arriverait difficilement à dépasser 35 à 40 kilomètres à l’heure en se laissant rouler sans frein et les pieds au repos. Parmi les expériences intéressantes que j’ai faites récemment à Lyon avec développement de 2 m. 80, je citerai la grimpette de Saint-Jean à Fourvière, raidillon de quelques centaines de mètres qui conduit... les piétons à la célèbre basilique, je l’avais tenté sans succès avec 5 mètres et l’on m’a pourtant assuré que quelques cyclistes lyonnais grimpent là avec 5 m. 50. Je les voudrais voir. Donc, quod erat demonstrandum, des écarts de 20 et 25 % entre les deux développements ne sont pas suffisants, et je ne vois nulle part des systèmes de changement de multiplication qui présentent les avantages des pignons accouplés avec lesquels l’écart n’a pratiquement pas de limite. Mais lorsqu’on a une telle latitude, c’est un peu comme lorsqu’on vous laisse commander une bicyclette à votre fantaisie  ; vous vous trompez cinq fois sur dix et vous choisissez des multiplications et une machine qui ne s’accordent guère avec ce que vous avez l’intention d’en faire.
Une vraiment bonne machine est comme le bon vin, elle se fait meilleure en vieillissant et c’est six mois après qu’on sait l’apprécier.  »
Vélocio, Le Cycliste, Mai 1898, republié en mai 1948, p.90.

 AMBÉRIEU À AMBÉRIEU, 1898

«  Point de départ et de retour, Ambérieu-en-Bugey où le premier train me dépose à 7 heures du matin. Je n’ai pas jugé nécessaire de me munir de mon appareil de tourisme et d’une bicyclette à 4 vitesses  ; je n’ai en perspective que la montée du Cerdon et j’ai pensé que deux développements 3,40 et 5,90 me suffiraient  ; en fait de bagage je n’emporte qu’un maillot et une pèlerine, ma bicyclette qui est une très forte machine de route à pédalier haut, avec grosses pédales caoutchouc, deux freins, gros pneus Michelin, etc., n’en pèse pas moins 20 kilos  ; le poids ne me gêne que lorsqu’il me faut porter ma machine, mais quand c’est elle qui me porte, je ne m’aperçois guère de quelques kilos de plus ou de moins.  »
Vélocio, «  D’Ambérieu à Ambérieu », Le Cycliste, Août 1898, re-publié en 1948, Rétrospective p.151

 VERS LA MÉDITERRANÉE, 1899

«  J’avais fait remplacer sur ma bicyclette le développement alpestre de 2m,50 par celui de 7m, 25 de sorte que je disposais des quatre développements ci-après  : 3m,30, 4m,40, 6m,04 et 7m,25 qui me paraissaient mieux répondre aux routes que j’allais aborder et qui me furent tous utiles. Sur mon porte-bagage arrière j’amarrai un paquet de linge et mon manteau et je suspendis an guidon mon sac-musette où se mêlent les objets les plus hétéroclites. N’ayant pas en perspective de longues descentes je n’emportai pas mon frein spécial et me contentai de faire remplacer le patin en caoutchouc du frein ordinaire par un long patin de buis  ; ma roue directrice était munie d’un compteur de tours et d’une lanterne, car je comptais bien voyager un peu de nuit tant le matin que le soir.  »
Vélocio, «  Vers la Méditerranée », Le Cycliste, 1899 et 1900, p.216-22, p.243-246, p.36-41, Source Archives départementales de la Loire, cote PER1328_6 et Le Cycliste, Décembre 1957, Rétrospective «  Cyclo-Alpinisme à la Sainte-Baume  »

 UN RAID DE 600 KM À BICYCLETTE, 1900

«  La veille, mes affaires m’ayant appelé à Roanne, je fis, pour m’affûter les muscles, le trajet entier aller et retour (170 kilomètres) à bicyclette, et nous partîmes, samedi 17 mars, à midi et quart, de Saint-Étienne pour Marseille, avec l’intention d’être de retour le lundi suivant. K..., mon compagnon, est un homme vigoureux  ; dans la force de l’âge (37 ans)  ; il n’avait pour tout entraînement depuis octobre, que deux balades dominicales  ; sa machine est munie de deux développements  : 6 mètres et 4m, 20.
J’étais mieux entraîné et je partais sur ma vieille monture du Galibier, de la Furca, de la Sainte-Baume, armée de la selle oscillante et de quatre développements  : 7m,25, 6 mètres, 4m, 40 et 3m, 30  ; par contre, j’ai dix ans de plus et j’emporte un bagage assez lourd, sans lequel je ne puis me décider à partir, bien que souvent il ne me serve de rien. Toute harnachée, ma bicyclette pèse 22 kilos et, avec son propriétaire sur les reins, elle arrive actuellement à 92 kilos.  »
[…]
«  J’avais pris pour ce raid ma vieille bicyclette à quatre multiplications faute d’avoir encore pu obtenir ma monture 1900 qui fera le voyage de Paris et de Schaffhouse et qui aura, elle, deux ou trois multiplications à droite sur la roue libre et autant à gauche sur la roue ordinaire, si bien qu’elle réunira de quoi contenter tout le monde. Je suis du reste très étonné de l’opposition que l’on fait à la roue libre, alors qu’il est si facile de la fixer et de la transformer en roue ordinaire, si, après en avoir tâté, on se refuse à en admettre l’utilité et les avantages. Cela me rappelle l’obstination avec laquelle je refusai longtemps de me servir de pneumatiques, parce que, dès ma première sortie, j’eus la malchance d’attraper un clou.
J’étais encore un obstiné de même calibre lorsque, en 1896, on me fit essayer un des premiers freins Juhel et que je me plaquai dès le premier virage  ; je déclarai tout net que c’était un casse-cou et que je ne monterais jamais de roue libre. Depuis cette époque je suis devenu moins... obstiné. Ce doit être un effet du régime végétarien que je suis fidèlement, voilà bientôt quatre ans. Croyez-moi, il y a du bon dans ce régime et l’esprit trouve beaucoup plus de lucidité au fond d’un verre d’eau qu’au fond d’une coupe de champagne.  »
Vélocio, «  Un raid de 600 km à bicyclette », Le Cycliste, 1900, p.66 à 72, Source Archives Départementales de la Loire, Per1328_7

 DE SAINT-ÉTIENNE À CANNES ET RETOUR PAR LES MAURES ET L’ESTÉREL, 1900

«  Mon compagnon R..., jeune homme de 21 ans, est depuis plus d’un an végétarien convaincu et pratiquant  ; il étrennait une bicyclette à trois développements, 3m,20, 4m,40 et 6m,60  ; les deux extrêmes étaient à gauche solidaires du moyeu, et le moyeu à droite sur encliquetage à galets faisait roue libre.
J’avais encore ma vieille bicyclette à 4 développements, 3m,30, 4m,40, 6 mètres, 7,25 et un mois de plus que le mois dernier, ce qui ne tire pas à conséquence lorsqu’on n’est plus qu’à trois étapes de la cinquantaine. Voilà pour les lecteurs qui aiment savoir à quoi s’en tenir sur l’âge et les moyens des narrateurs.  »
Vélocio, «  De Saint- Étienne à Cannes et retour par les Maures et l’Estérel », Le Cycliste, 1900, p.105 à 114, Source Archives Départementales de la Loire, Per1328_7

 FORÊT DE LENTE ET VERCORS, 1900

Nous n’avions pas encore, en août 1900, les bicyclettes à changement de vitesse en marche par deux chaînes directes, et cette excursion dans le Vercors fut une des dernières faites avec le système primitif par déplacement de la chaîne sur plusieurs couples de pignons. Ferions-nous beaucoup mieux aujourd’hui avec nos machines soi-disant perfectionnées  ? Peut-être  ! ce serait un essai à tenter l’année prochaine et je le tenterai si quelque néophyte me demande de le conduire dans le Vercors.
Vélocio, «  Forêt de Lente et Vercors  », Le Cycliste, 1904, p. 230 à 234, Source Archives Départementales de la Loire, Per1328_8

L’usage de la roue libre à bicyclette arriva d’Angleterre à partir de 1899/1900, il permit ensuite les changements de vitesse en marche.
En complément d’un article cyclotechnique, Paul de Vivie citait ce courrier d’un lecteur au fil de la vallée du Rhône  :

 À L’ACTIF DE LA ROUE LIBRE, 1900

— M. le Dr Bayle, d’Annonay, qui monte une Cleveland à deux vitesses et roue libre mais sans le frein à contrepédale qu’il supplée par un ingénieux frein à main de son invention agissant sur le bandage de la roue motrice, nous écrit  :
«  C’est sur ces belles routes de la vallée du Rhône, aux pentes douces, au tracé presque rectiligne que j’ai enfin compris de quelle utilité et de quel charme pouvait être la roue libre.
J’ai goûté le plaisir de planer, ce plaisir qu’on peut comparer à celui qu’on a à se sentir emporté sur une barque rapide au fil de l’eau, et j’ai goûté ce plaisir sans mélange d’aucune crainte parce que les pentes étaient douces, que les tournants dangereux n’existaient pas et que la vitesse ne risquait pas de devenir vertigineuse.
Pour se familiariser avec la roue libre, nos routes de la montagne, avec leurs pentes accentuées, leurs tournants brusques et aussi leurs ornières et leur boue sont bien moins propices que les belles routes de la plaine.
À quand le raid pour Marseille  ? On marche si bien le long du Rhône que je me sens presque capable de vous accompagner au moins jusqu’à Avignon. Et si au lieu de prendre Marseille pour but, on prenait Aigues-Mortes  ? Ce serait un peu moins long et un peu moins dur pour commencer et l’on aurait tout de même le plaisir d’aller prendre son bain de mer.  »
Vélocio, «  Roue libre Des différents systèmes en usage  », Le Cycliste, Janvier 1900, p. 18-19, «  Des différents systèmes de roues libres en usage  », Le Cycliste, 1950, p.39, Rétrospective 1900

La roue libre obligeait aussi à disposer de meilleurs freins.
Simple et élégant comme changement de vitesse, le Capitaine Perrache se fit à partir de 1901 le chantre de la rétrodirecte. Ce type de bicyclette permettait de pédaler en arrière sur une autre vitesse, grâce à deux roues libres indépendantes. Paul de Vivie testa bien sûr, en vendit aussi avec une licence du système Hirondelle. Il ne fut cependant jamais convaincu pour lui-même, préférant pédaler en direct.
Alors que Vélocio était déjà rompu aux changements de vitesses, il lui arrivait de faire de mauvais choix comme pour sa première excursion au Ventoux.

 RÉPLIQUE, 1901

«  Ainsi, pour aller au Ventoux, j’avais pris une bicyclette qui n’avait justement que deux développements  : 4m, 25 et 8 mètres  ; c’est celle dont je me sers habituellement quand je descends dans le Midi.
Or, 4m,25 c’était beaucoup trop pour grimper au Ventoux, et j’ai dû faire la plus grande partie de la montée à pied, tandis qu’avec 3 mètres, j’aurais pu, comme mes compagnons, arriver au sommet.
En descendant à Orange, un vent contraire assez fort m’avait rendu les pédales dures avec 8 mètres  ; 6 mètres ou 6m, 50 auraient bien mieux fait mon affaire. En revenant par Malaucène et Valréas, le terrain accidenté me fit de nouveau regretter de n’avoir pas un intermédiaire entre 4m, 25 et 8 mètres. Mais ensuite après Grignan et jusqu’à Andance, le vent favorable me rendit très agréable mon grand développement.
Quatre vitesses sont, à mon avis, un minimum pour celui qui veut mettre à sa portée nos étapes, et quand tous le voudront, nos étapes seront donc à la portée de tous et on ne pourra pas nous accuser d’être des êtres extraordinaires  !  »
Vélocio, «  Réplique  », Le Cycliste, 1901, p.90-92, Source Archives Départementales de la Loire, cote Per1328_7
En 1901, inspiré par le C.T.C. anglais, Le Touring Club de France organisait son premier concours, un concours de frein, à Chambéry. Paul de Vivie s’y rendit en spectateur, par le chemin de l’école. Il passa par le Bugey, joli massif que contourne le Rhône, avec une machine remarquable pour l’époque (aujourd’hui aussi  !), combinant roue serve (pignon fixe) et roue libre.

 ÇÀ ET LÀ, 1901

«  Disposant de quatre jours pour me rendre au concours de freins organisé par le T. C. F., j’ai pris le chemin de l’école et j’ai voulu faire connaissance avec quelques routes classiques où fréquentent régulièrement les cyclotouristes, dont il a été parlé maintes fois dans le Cycliste et que j’ignorais encore  ; mon programme n’ayant rien de précis et de particulièrement attrayant si ce n’est son imprécision même, je ne sollicitai point de compagnons, et partis seul de Saint-Étienne le 14 août à 5 heures du soir pour Lyon, route monotone et désagréable s’il en fût mais qui m’est devenue si familière que je finis par m’y intéresser. Il me faut en moyenne de 3 heures à 3 heures et demie pour dérouler ce ruban de 65 kilomètres dont le bon quart est pavé. J’arrivai à Lyon à 8 heures.
Je montais ma nouvelle bicyclette à huit développements  : 2m,40, 3, 4 et 5 mètres, à droite sur roue libre  ; 4m,50, 5m,70, 7 et 8m,40 à gauche sur roue serve. Ces huit développements sont interchangeables deux à deux en marche par le système des deux chaînes et je puis accoupler indifféremment tel ou tel développement de droite avec tel ou tel développement de gauche. J’ai de cette façon toujours à ma disposition roue serve et roue libre, grande et petite multiplication.
Mes développements favoris sont 7 mètres et 4 mètres. Cependant, au cours de ce voyage de 4 jours, il n’y a pas de développement que je n’aie utilisé au moins une fois.
Bien outillé pour les montées, je ne l’étais pas moins pour les descentes. Premier frein sur jante AR à contrepression, deuxième frein sur pneu AR à large patin de caoutchouc tendre actionné par la selle oscillante et suffisant pour bloquer la roue sur n’importe quelle pente, et troisième frein à long et large patin de bois sur le pneu AV. En outre, comme il pouvait arriver que j’eusse besoin d’arrêter rapidement alors que je me trouverais sur la roue serve et que mon frein sur jante à contre-pression serait par conséquent inutilisé, j’avais disposé mon patin AV de telle sorte, qu’en l’appliquant il exerçait une traction vigoureuse sur les patins dudit frein sur jante et qu’il bloquait la roue AR avant de bloquer la roue AV.
Je m’étais offert des chambres à air dites indégonflables et qui malheureusement ne l’ont pas été suffisamment pour me mettre à l’abri de tout accident de pneu ainsi que je l’avais espéré. Après avoir passé le premier jour à pomper tous les dix kilomètres, il me fallut procéder à un démontage long et ennuyeux, et le quatrième jour, un clou m’immobilisa et me força de coucher à Saint-Laurent-de-Mure à 20 kilomètres de Lyon. J’ai cette année une de ces guignes  ! Pendant ces mêmes quatre jours, cinq Stéphanois parcourent en tous sens le Vercors, trois autres vont de Saint-Étienne à Turin et en reviennent sans avoir un coup de pompe à donner  ; ils n’ont pourtant ni les uns ni les autres des chambres indégonflables. J’en suis muni, je suis seul et je ne m’en tire qu’avec deux crevaisons. Ai-je pas raison de récriminer  ?
Qu’avais-je encore sur ma machine ? Mon hamac, mon bagage, mes provisions  ; le tout pesait 28 kilos. Depuis que les mathématiciens m’ont prouvé que le poids signifiait peu de chose, je me soucie comme d’une guigne de quelques kilos de plus ou de moins, mais tout de même il me semble que j’étais un peu lourd cette fois et que si je n’avais traîné que 18 kilos par exemple j’aurais pu enlever les montées d’une façon beaucoup plus alerte. Il faudra, l’année prochaine, tâcher de m’alléger.
Quoi qu’il en soit c’est dans cet attirail que je me mets définitivement en route, le 15 août, à 4 heures et demie du matin, de Lyon, pour le col de la Faucille, et à peine ai-je dépassé Montluel que mon pneu AR s’affaisse. Démonter et remonter ces chambres indégonflables, c’est tout une affaire, aussi je préfère m’astreindre à regonfler de temps en temps, dans le vague espoir que les assertions de l’inventeur finiront par se réaliser et que la fuite s’obturera d’elle-même. Vaine espérance, la scie dure jusqu’au soir.
À Saint-Denis-en-Bugey, je reste sur la rive gauche de l’Albarine et par Bettant, évitant Ambérieux, je file droit sur Torcieux, route plus courte et plus agréable.
À Saint-Rambert, j’achète quelques fruits et à Tenay je déjeune. Il y a là plusieurs cyclistes, mais aucun d’eux ne va de mon côté  ; ma bicyclette est fort entourée et critiquée à cause de son poids et de sa complication, j’y suis habitué et je laisse dire car expliquer m’entraînerait trop loin.  »
Vélocio, «  Çà et là  », Le Cycliste, 1901, p.138-142 et 152-154, Source Archives Départementales de la Loire, cote Per1328_7
À force d’observations et d’essais, les systèmes de vitesse se transformèrent peu à peu. Ainsi ces explications au départ de la seconde excursion pascale :

 EXCURSION PASCALE DES 29, 30 ET 31 MARS, 1902

«  Pour pousser une pointe rapide jusqu’à la Méditerranée, je ne choisis jamais une des lourdes et fortes bicyclettes qui me servent dans les Alpes  ; néanmoins, ma monture avait quatre développements par pignons doublement contrariés, un guidon à deux étages qui m’a servi puissamment dans ma lutte contre le Mistral, la tige de selle oscillante dont je ne puis plus me passer, une roue libre pouvant être rendue serve en un clin d’œil et deux freins dont un Bowden  ; c’est une bicyclette démodée, de 1895, à roues inégales (70-75), qui déplairait à un snob mais que je prise fort à cause de ses qualités de roulement et de solidité  ; je l’ai dotée de quelques perfectionnements et elle fera sans nul doute encore un long service  ; aussi je ne cesse de donner aux cyclistes qui me consultent le conseil de conserver leurs vieilles bicyclettes tant qu’elles ne laissent pas voir des signes manifestes d’affaiblissement. On vend aujourd’hui à si bas prix les machines usagées que ce n’est pas la peine de s’en défaire.
Quoique je me serve volontiers de changements de vitesse en marche, mes quatre développements  : 7m,50, 5m,50, 3m,80 et 2m,75 m’obligeaient à mettre pied à terre pour déplacer, allonger ou raccourcir ma chaîne. Par contre, je n’avais ni double chaîne, ni pignons satellites d’aucune sorte à faire mouvoir. Il m’est encore impossible de dire d’une façon positive si les changements instantanés sans descendre de machine valent mieux, autant ou moins que les changements par déplacement de la chaîne, lesquels exigent une minute environ. Cela dépend évidemment des régions où l’on excursionne, et l’on ne pourra jamais formuler sur ce point de règle sans exception.
Par pignons doublement contrariés, j’entends des pignons qui se regardent tout à fait de travers, et cette solution du problème des changements de vitesse est, au point de vue théorique, déplorable  ; au point de vue pratique, elle est excellente, puisqu’avec deux couples de pignons qui, en principe, ne doivent permettre que deux multiplications, on en obtient quatre.
Dans la bicyclette, la pratique a bien souvent fait la nique à la théorie  : nous en avons là un nouvel exemple.
La chaîne passant de la roue dentée intérieure du pédalier sur le pignon extérieur du moyeu, ou de la roue dentée extérieure du pédalier sur le pignon intérieur du moyeu, tire avec une obliquité de 9 à 10 millimètres sur les deux développements moyens  : elle tire d’aplomb sur les deux extrêmes  : dans aucun cas on ne s’aperçoit qu’elle tire mieux ou plus mal, quoi qu’en puissent dire les théoriciens.
Quand les pignons sont simplement contrariés, l’obliquité de la chaîne n’est que de 4 à 5 millimètres, mais deux couples de pignons ne donnent que trois développements au lieu de quatre.
Tout ça, c’est du truquage, concluent doctoralement les professionnels de la mécanique  ; je l’accorde., mais c’est du truquage qui permet de faire sans fatigue et à peu de frais, kilomètres sur kilomètres. Et comment a-ton été amené à truquer ainsi  ? Simplement en observant que sur la plupart des machines monomultipliées, le plan de la roue dentée coïncidait très rarement, après quelques centaines de kilomètres, avec celui du pignon, qu’il y avait souvent un écart de quatre ou cinq millimètres, quelquefois davantage, et que... ça marchait tout de même. Il ne faut donc pas trop s’arrêter aux broussailles de la théorie quand on veut pratiquement aboutir.
Vélocio, «  Excursion pascale des 29, 30 et 31 mars  », Le Cycliste, 1902, p.47-51
Les systèmes de vitesses furent combinés entre eux, ici entre les vitesses dans le moyeu par engrenages et les systèmes de chaîne et de changements de pignon.

 MON PREMIER JANVIER, 1903

«  J’ai mon bagage habituel et ma bicyclette pèse en ordre de marche ses 28 kilos réglementaires.
C’est une monture nouvelle que j’essaie, pour la première fois, dans une excursion de quelque longueur. La pôvre, elle s’en est vu de cruelles et elle a fini par succomber devant ses ennemis acharnés. Ils sont trop, a-t-elle dû gémir en son for intérieur quand pour la dernière fois elle s’est abattue sous moi, le corps, c’est-à-dire l’axe, du pédalier, brisé.
Cadre en X extraordinairement solide, moyeu Hub donnant à droite, par pignons contrariés, 4 développements interchangeables en marche deux à deux  : 8 mètres avec 6 mètres et 4 m. 35 avec 3 m. 30, et à gauche 2 autres développements, 5 m. 20 et 2 m. 80, également en marche et tout à fait indépendants du changement de vitesse du Hub. Ces deux derniers développements qui constituaient par le fait une bonne combinaison de machine à deux vitesses par 2 chaînes juxtaposées, étaient commandés par un embrayage sur le pédalier. Je pouvais donc en réalité disposer sans avoir à mettre pied à terre des deux jeux suivants de 4 multiplications.
A. 2 m. 80, 3 m. 30, 4 m. 35 et 5 m. 20.
ou
B. 2 m. 80, 5 m. 20, 6 mètres et 8 mètres.
Roue libre, à cliquets d’un côté, à galets de l’autre, partout, sauf sur 3 m. 30 et 6 mètres qui, par le mécanisme Spé du moyeu Hub sont sur roue serve, ce qui est encore prisé par quelques cyclistes, quorum pars ego sum pour les 3 motifs suivants que je réexpose parce que dans le dernier numéro du Cycliste, page 211, une coquille a rendu ma phrase inintelligible  :
1° Quand il fait très froid et qu’on éprouve le besoin de se réchauffer en contre-pédalant.
2° Quand les freins sont endommagés et ne m’inspirent pas une confiance absolue.
3° Quand une avarie  ; non pas une averse  !  ; (pédales ou manivelles cassées), m’oblige à pédaler d’un seul pied.
Mais, de même que toute médaille a son revers, de même la roue serve intermittente a des inconvénients, et il faut savoir en jouer, sinon on risque de récolter de son emploi plus de mal que de bien.  »
Vélocio, «  Mon premier janvier 1903  », Le Cycliste, décembre 1902, p . 225-230, reparu en 1953, p.49


Le raid pascal de 1903 le mène à Nice, avec son guidon à deux positions  :

 MON RAID PASCAL, 1903

«  J’ai pris mon ordinaire machine de tourisme  : guidon à deux positions, selle oscillante, cinq développements dont deux interchangeables en marche par deux chaînes, roue libre partout, un frein sur jante AR et un frein à patin sur pneus AV, gros pneus, poids en ordre de marche 29 kilos. Tel est son signalement. Elle date de 1900 et semble se porter très bien encore, bien qu’elle m’ait servi dans la plupart de mes plus longs voyages tra los montes. C’est à ce vieux clou que je puis abandonner à n’importe quel coin de rue sans crainte qu’on me le vole, tant il est d’apparence hétéroclite et peu séduisant, que je me confie le plus volontiers dès qu’il s’agit d’aller loin et longtemps ou d’affronter les routes scabreuses.
Je pars sur les développements 7m,25 et 4 mètres et je regretterai souvent dans la soirée de n’avoir pas au moins 8 mètres pour profiter de l’aide momentanée du vent.  »
[…]
«  Un coude soudain de la route vers le Nord-Ouest me permet de juger de la force du vent et de l’agrément qu’on aurait à remonter la vallée au lieu de la descendre. Avec 7m,25, il faut se coucher à plat ventre sur le guidon faire jouer la selle oscillante et saisir les poignées basses du double guidon, pour franchir ce passage.
À cette occasion et en bien d’autres, je me remémore quelques-unes des assertions ultra-théoriques dont M. Carlo Bourlet a émaillé son rapport sur le concours de bicyclettes de tourisme du 18 août 1902.
À propos des doubles guidons il y est écrit page 26  : « Quelques machines étaient munies de guidons à deux étages. Les avantages qu’on peut en retirer pour le tourisme ne semblent pas compensés par la complication qui en résulte. »
Et tout d’abord qu’entendez-vous par complication  ? Un simple changement de forme, une augmentation de quelque deux cents grammes, ou bien une articulation nouvelle, l’introduction d’un boulon de serrage, d’une crémaillère, dans une pièce telle qu’un guidon, dont la qualité première est d’être solide, rigide, indéformable  ?
À mon avis, la complication c’est l’articulation des guidons mobiles auxquels M. Bourlet ne fait pas le reproche d’être compliqués et qu’il juge au contraire très pratiques. Un changement de forme peut être inesthétique, une augmentation de poids peut être inutile, mais ni l’un ni l’autre, ne constitue une complication
Un théoricien pur a tôt fait de donner son avis sur des choses qu’il ne connaît pas  : sa réputation exige qu’il ne soit jamais pris au dépourvu et, selon son caractère, il hasarde une explication on tranche net la question  ; alors que nous, modestes praticiens, nous allons à droite et à gauche, nous essayons, nous tâtonnons, nous oscillons dans tous les sens, avant de conclure contre ceci et en faveur de cela. Ah  ! certes oui, on peut nous accuser d’être ondoyants et divers et de ne jamais nous prononcer de façon nette et décisive. Et par hasard, ne serions-nous pas les véritables théoriciens  ? Que signifie en effet théorie  ?
Théorie vient de θεωρέω, considérer  ; un théoricien considère les faits, les rapproche, les groupe, les analyse, les soumet au raisonnement et à l’expérience, mais il ne conclut pas, et surtout il ne préjuge pas  ; il ne s’efforce pas de créer un courant favorable ou défavorable à des idées ou à des applications d’idées nouvelles, telles que (pour rester dans notre sujet) le pneumatique, la roue libre, la polymultiplication, la selle oscillante et le guidon à deux étages.
J’ai essayé la plupart des guidons mobiles et je n’y ai pas trouvé d’avantages réels, faute de pouvoir instantanément et sans mettre pied à terre changer de positions toutes et quantes fois j’en avais envie. C’est pourquoi j’ai imaginé, pour mon usage personnel, un guidon à deux étages qui me donne trois positions bien distinctes  :
1° La position normale de promenade que j’utilise toujours à la descente et très souvent en plaine  : dans cette position, le buste est droit et peut être rejeté en arrière pendant les descentes.
2° La position avancée, dans laquelle je saisis paumes en l’air, c’est-à-dire les mains placées en supination, le tube des guidons au point d’intersection. J’aime beaucoup cette position quand il s’agit d’aller vite en plaine ou d’enlever, en chaussant les pédales sans faire osciller la selle, les montées moyennes  ; le buste est fortement incliné en avant et fait, avec l’horizontale, un angle de 45/50°, tandis que dans la 1re position cet angle est de 70 à 80°.
3° La position basse. Je saisis alors les poignées basses et chausse entièrement les pédales  ; la selle oscillante étant abaissée à toucher le tube horizontal, je suis alors dans les meilleures dispositions pour lutter contre le vent et pour enlever les montées dures  ; le buste est très incliné et fait un angle de 40 à 45° avec l’horizontale. Les coureurs exagèrent encore cette inclinaison et arrivent, ainsi que j’en ai vu plusieurs au concours de Tarbes, à la position littéralement horizontale  ; ils n’en luttent que mieux, évidemment, contre la résistance de l’air et du vent, mais ce serait bien fatigant pour moi de pédaler ainsi des heures durant. Je ne conserve jamais très longtemps la position basse.
Je me sers de la tige de selle oscillante Cadet depuis six ans et des guidons à deux étages depuis deux ans  ; je ne saurais me passer de l’un ni de l’autre pour les excursions où il s’agit de fournir le meilleur rendement. Il est bien entendu que pour les promenades où rien, distance, vitesse de marche et difficultés du terrain, ne sort de l’honnête moyenne, je m’en passe sans peine.  »
Vélocio, «  Mon Raid Pascal  », Le Cycliste, Avril 1903, p. 65-77

Après le concours de bicyclette de 1902 au Tourmalet, le débat est vif autour de la rétrodirecte. Dans une digression technique faisant suite au récit de l’ascension du Ventoux, Paul de Vivie expose son point de vue et sa pratique  :

  LE VENTOUX. – À PROPOS DU RÉTRO, 1903

«  Depuis quatre ans je m’exerce à pédaler à retro et je recueille avec soin les impressions des retroïstes de mon entourage, de sorte que j’ai acquis une certaine expérience sur cette question controversée. Or, jusqu’ici, un seul avantage réel se dessine en faveur du rétro  : c’est qu’il permet de pédaler très lentement à la montée  ; et dame, plus lentement l’on va, moins l’on se fatigue. Mais en ce siècle où l’on songe avant tout à aller vite, cet avantage n’est guère fait pour séduire les masses  ; c’est pourquoi le retropédalage ne sera jamais, à mon avis, adopté que par le très petit nombre.
Quant à la retro-directe qui permet de pédaler aussi bien en direct qu’en retro, son avenir dépend surtout des perfectionnements qu’on ne manquera pas d’y apporter de saison en saison.
Elle a pour elle actuellement sa grande simplicité, son bon marché, la facilité d’adaptation du système à beaucoup d’anciennes machines, l’instantanéité du changement de vitesse, l’avantage de n’imposer aucun rapport fixe entre les deux vitesses qui peuvent être aussi éloignées ou aussi voisines l’une de l’autre qu’on le désire. Elle a contre elle l’obligation d’apprendre à retro-pédaler et la répugnance de beaucoup de cyclistes pour un mouvement qui paraît, de prime-abord, anti-naturel et que personne n’a encore osé qualifier d’élégant. Quelques-uns lui reprochent encore de supprimer le frein à contrepédale et d’imposer obligatoirement la roue libre partout.
Toutes les retro-directes qui ont été mises jusqu’à présent sur le marché ont deux chaînes distinctes. Cependant, dès le commencement de l’année 1902 la Gauloise nous offrait une combinaison J donnant deux vitesses interchangeables en marche, l’une en retro l’autre en direct, avec une seule chaîne et les développements ad libitum. Ce résultat était obtenu de deux façons  : soit par l’intercalation d’un axe secondaire et d’engrenages de renversement du mouvement, à prise extérieure, soit par la poulie de Viviès. Le premier dispositif entraînait les frottements parasites inhérents à tous les systèmes superposés  : le second dispositif conduisait forcément aux pignons contrariés qui n’ont pas l’heur de plaire à tout le monde, bien qu’au point de vue strictement pratique ils ne soient en rien inférieurs aux doubles pignons. Quelques échantillons de chaque type furent essayés, mais on préféra généralement s’en tenir à la retro-directe à deux chaînes, l’une à droite l’autre à gauche ou les deux du même côté  ; avec les deux chaînes, les pignons commandeurs et commandés restaient ben toujours en ligne et les bons principes mécaniques étaient sauvegardés. Seulement, pour avoir 4 vitesses, il fallait 4 chaînes, ce qui était bien un peu beaucoup, alors qu’en acceptant les pignons contrariés on pouvait obtenir les 4 vitesses interchangeables en marche, deux en rétro, deux en direct, avec 2 chaînes seulement.
Quelques amateurs à qui l’on avait livré des retro-directes avec les 2 chaînes côte à côte, c’est-à-dire avec 2 roues dentées au pédalier et 2 pignons à roue libre juxtaposés, découvrirent d’eux-mêmes qu’on pourrait avoir le même résultat avec une seule chaîne et obtenir mieux encore, puisque l’on pouvait commander les deux pignons à roue libre tantôt par l’une tantôt par l’autre des roues dentées du pédalier.
Supposons en effet que ces 2 roues dentées ont respectivement 60 dents et 40 dents et que les pignons à roue libre correspondants ont 18 et 35 dents ainsi disposées  :
60.....18
40.....35
Plaçons la chaîne unique sur 60 X 18 et 35, nous obtiendrons les 2 développements 7m,30 et 3,75. l’un rétro l’autre direct, et en plaçant la chaîne sur 40 X 18 et 35. nous obtiendrons les développements 4,90 et 2,50, l’un rétro et l’autre direct. C’est ce que, dans son catalogue, la Gauloise appelle  : avoir deux jeux de 2 développements en marche par pignons doublement contrariés.
Ce qui, dans cette combinaison J, n’est pas le moins intéressant, c’est qu’on peut indifféremment avoir le grand développement en rétro et le petit en direct ou vice-versa, le petit en rétro et le grand en direct ; même en cours de route, et en moins d’une minute, grâce au crochet P. de V. décrié par M. Bourlet dans son inoubliable Rapport sur le concours du T. C. F., on peut passer du grand rétro au petit rétro, du grand direct au petit direct. Ce détail, auquel il n’avait pas été songé tout d’abord, est de nature à faire accepter l’idée de la retro-directe dans les milieux les plus réfractaires au retro-pédalage, puisque du moment où il plaît d’avoir en direct tel ou tel développement, on peut se l’offrir. Un autre avantage moins important, puisque depuis 1896 la difficulté de la différence de tension des chaînes sur les divers couples de pignons a pu être tournée, réside en ce fait qu’aux «  deux chaînes retro-directes  » point n’est besoin de se préoccuper de la différence de tension, puisque les tendeurs sont supprimés et remplacés par les poulies de Viviès  ; chaque chaîne est tendue séparément, distinctement, sans que la tension de la chaîne voisine soit affectée le moins du monde.
Pour avoir 4 développements en marche, il faut caler deux autres pignons à roue libre sur un changement de vitesse à débrayage au pied ou à la main  ; on a alors 4 roues libres indépendantes sur le moyeu AR et il importe quelles soient très libres, car 3 d’entre elles opposent constamment une résistance passive, et dame, l’union fait la force partout et toujours. Là où la résistance d’une roue libre peut être tenue pour nulle, celle de 3 roues libres finit par compter. Or, l’on ne trouve pas encore sur le marché de roues libres jumelles à cliquets montés sur billes et d’une étroitesse acceptable.
Les inventeurs devront porter leurs efforts de ce côté, car sans être grand prophète, on peut prévoir une assez grande demande de roues libres jumelles, lesquelles conviennent aussi bien pour les changements de vitesse retro-direct que pour les directs-directs à 2 chaînes. Et le sentiment général se dessine de plus en plus en faveur des changements de vitesse juxtaposés d’où les engrenages seront systématiquement bannis.
La combinaison J à pignons contrariés et à poulie de Viviès présente, en outre des avantages que je viens d’énumérer, celui de se prêter de fort bonne grâce à la transformation à peu de frais des monomultipliées de tous modèles, même anciens, en retro-direct. Dans bien des cas, il ne sera même pas nécessaire de toucher aux tubes de chaînes.
Peut-être sera-ce par ce moyen détourné que le retro-pédalage finira par devenir d’usage commun parmi les cyclotouristes.
En ajoutant la R.-D.-M. au Variand ou aux moyeux et pignons à deux vitesses par superposés, on obtiendra des combinaisons, très intéressantes, de 3 ou 4 vitesses en marche avec une seule chaîne, et j’aurai à revenir sur ce côté de la question.  »
Vélocio, «  Le Ventoux. – À propos du rétro  », Le Cycliste, Septembre 1903, p.161-163

Pour son périple alpin de 1903 avec la Furka et le Stelvio au programme, sa bicyclette avait quelques particularités, dont certaines ont toujours leur utilité à l’arrêt, partie intégrale d’un voyage itinérant :

 SIX JOURS EN SUISSE ET EN ITALIE, 1903

«  Un examen minutieux de la monture qui m’avait conduit en juillet au col du Parpaillon et qui possède six vitesses en marche, m’ayant révélé quelques fêlures dans les engrenages du Three Speed, j’avais renvoyé ce moyeu au fabricant pour qu’il me le remît en état de supporter de nouvelles fatigues, et j’avais fait armer ma bicyclette 1900 à cinq vitesses dont deux en marche par embrayage au pied, une vieille et fidèle amie.
Je me contentai de remplacer le grand développement de 7m,25 par 4m,50, de façon à avoir les 5 combinaisons suivantes interchangeables en marche  : 5m,70 avec 3m,80, 3 mètres ou 2m,40 et 4m,50 avec 3 mètres ou 2m,40. Un grand développement était inutile pour le parcours que je m’étais tracé, j’avais roue libre à galets partout, un frein sur jante AR à contrepression et un large frein à patin bois doublé de cuir sur le pneu AV  ; ce frein AV était disposé de façon à agir sur le frein AR et à bloquer la roue motrice avant la roue directrice, afin d’éviter les panaches. À mon bagage habituel, j’avais ajouté un réchaud de voyage à alcool me permettant de préparer en cours de route des boissons chaudes et dont je me suis servi journellement. Si j’avais été bien inspiré, j’aurais, par contre, supprimé ma lanterne, bien inutile dans un voyage d’où la partie transport est rayée. Quand on excursionne à travers les Alpes, on s’arrange toujours pour s’arrêter avant la nuit. Ma bicyclette en ordre de marche telle que je l’enfourchai en sortant à cinq heures de la gare de Berne pesait 30 kilos.  »

«  Sur le pont, en entrant à Interlaken, je cueille une première pelle que tout d’abord je ne sais à quoi attribuer  ; ni boue, ni poussière et pas de tramway  ; ma roue s’est peut-être engagée entre deux pavés  ? […]
Eurêka  ! ce doit être mon verrou d’arrêt qui m’a joué ce tour pendable  ; je descends et m’assure que j’ai présumé juste. Un verrou d’arrêt est un petit rien du tout qui rend, lorsqu’on met pied à terre, beaucoup de services, en bloquant momentanément la roue directrice dont les mouvements désordonnés sont souvent, pour les cyclistes à lourd bagage, très désagréables. Une bicyclette dont la direction est bloquée peut être appuyée contre un mur, contre un arbre, elle peut être maintenue, quand on déplace sa chaîne ou qu’on fouille dans son sac, beaucoup plus facilement.
Il est donc utile d’avoir un verrou d’arrêt, et j’avais trop souffert de son absence pendant quelques excursions précédentes pour ne pas en faire poser un au moment de partir. Le système que j’imaginai au dernier moment était simple et pratique  ; il consiste en un chien qui, relevé, vient s’encastrer dans le collier de serrage du guidon et, abattu, repose sur le tube horizontal. Dans la première position, il bloque la roue AV  ; dans la seconde, il lui rend la liberté. On comprend sans peine qu’une roue AV qui se bloque tout à coup en pleine marche, a pour effet immédiat une chute plus ou moins grave, selon les circonstances. Il faut donc avoir soin, quand on rabat le chien, de s’assurer, avant de repartir, qu’il repose bien sur le tube et que rien ne peut le relever en cours de route, c’est-à-dire qu’il ne faut pas se contenter de faire le mouvement à moitié et laisser le chien en l’air entre les deux positions extrêmes. Or, c’est ce que j’avais fait après mon arrêt au sommet de la montée, les trépidations firent le reste, si bien que, petit à petit, le verrou d’arrêt s’encastra, proprio motu, dans le collier de serrage et ma direction fut bloquée. Cet accident, dû à mon étourderie, m’arriva trois ou quatre fois pendant mon voyage et un certain jour, en pleine descente  ; je m’en aperçus toujours à temps, à une certaine dureté du guidon pour m’arrêter avant la catastrophe. Ces verrous d’arrêt doivent, d’ailleurs, être fixés de telle façon qu’on puisse, même lorsqu’ils sont fermés, les ouvrir par un brusque coup de guidon  ; c’est ainsi qu’est disposé le mien, et si je pellai ainsi à Interlaken, ce fut faute de tenir fermement ma direction.
Je me suis étendu sur cette particularité pour montrer combien il est important de ne partir pour une longue excursion qu’avec une machine dont tous les détails vous sont devenus familiers.
J’avais aussi, pour ce voyage, fixé à un des tubes de chaîne de ma bicyclette une béquille dont la fonction — qu’elle a, du reste, très bien remplie — était de tenir la machine au repos, droite sur n’importe quel terrain  ; on ne trouve pas toujours, à point nommé, un arbre, un mur ou une borne. Une béquille pèse 200 grammes et ne présente aucun danger, aucun inconvénient même. Si l’on part en oubliant de la relever, le pire qu’il puisse arriver, c’est qu’elle se torde et on peut la redresser à la main.
Satisfait d’avoir découvert la cause de ma culbute sur le premier pont, j’arrive au deuxième pont qui me ramène sur la rive droite  ; la route est bonne, faiblement ondulée  ; je déjeune à quelques kilomètres d’Interlaken.  »
Vélocio, « Six jours en Suisse et en Italie », Le Cycliste, 1903, p.141-146, p.173-179, p. 186-195

 LE PAYS DU SOLEIL, 1903

«  Quelques mots sur la bicyclette que j’essayai pendant ce premier voyage et qui me servit encore pendant le second, huit jours après. C’était une nouveauté dont j’attendais merveille et qui s’est, en somme comportée convenablement. L’ayant créée de toutes pièces, j’avais pour elle les yeux d’un père et j’espérai qu’elle justifierait toutes mes espérances. Elle n’en a justifié qu’une partie. Le fait de m’avoir permis d’effectuer en 12 heures le trajet Saint-Étienne – Arles suffit à lui seul pour démontrer qu’elle a un bon rendement, mais je n’en ai pas moins, au bout de 80 kilomètres, été manifestement inférieur à mon compagnon qui, à son tour, marchait moins bien que moi dès que nous faisions l’échange de nos machines.
C’est ainsi que nous faisons nos expériences comparatives quand nous avons à apprécier le rendement d’une nouvelle machine. Deux cyclistes d’à peu près égale force entreprennent une excursion de quelque importance, montés l’un sur une machine déjà classée, l’autre sur la machine à essayer. On ne commence généralement à s’apercevoir de quelque différence en plaine qu’après 50 ou 60 kilomètres à l’allure maximum, tandis qu’à la montée dure 5 ou 6 kilomètres suffisent pour placer le moins bien monté dans un état d’infériorité qui va s’accentuant très rapidement. On fait alors l’échange des machines, et si les rôles sont intervertis, qu’après plusieurs essais, celui qui pilote la nouvelle machine soit toujours laissé derrière, il paraît démontré que l’infériorité vient de la machine et non pas du cycliste.
Quand on ne compte que sur soi-même pour apprécier le rendement d’une machine, on risque fort de se tromper.
Par le procédé que je viens d’indiquer, nous avons reconnu que certains systèmes de changements de vitesses à transmissions superposées qui à vide tournent si bien qu’on peut tenir pour nulle ou égale à peine à 1 % la déperdition de force due à la présence des engrenages, donnent sur le terrain, quand on s’efforce d’obtenir la vitesse maximum en plaine comme à la montée, l’impression qu’on traîne un boulet  ; la machine ne répond pas, n’avance pas et le 1 % de résistance théorique devient petit à petit 5, 10, 15, 20 %, à tel point qu’à fatigue et toutes autres choses égales, on ne marche bientôt plus qu’à la moyenne de 20, tandis que votre compagnon continue aisément à 25 et même davantage.
La bicyclette dont il est question en ce moment n’a pas, tant s’en faut, révélé une aussi grande infériorité et elle ferait, j’estime, très bonne figure à côté de beaucoup de machines que leurs fabricants disent incomparables. Elle a quatre développements en marche, tous en direct, bien entendu, un axe intermédiaire commandé par deux petites chaînes et commandant à son tour par deux chaînes ordinaires le moyeu de la roue motrice  ; toutes ces transmissions sont renfermées dans un carter, que l’on pourra faire étanche et à bain d’huile.
La combinaison réalisée par ce dispositif dérive directement du changement de vitesse Delbruck dont il fut fait mention dès 1900 dans Le Cycliste  ; elle n’a donc rien de bien nouveau, mais l’exécution en a été simplifiée et tout le système ayant pu être fixé du même côté, le tout s’est trouvé allégé, si bien que la bicyclette avec ses quatre développements interchangeables en marche, équipée pour le tourisme, avec freins, gros pneus, etc., ne pèse que 15 kilos.  »
Vélocio, «  Le pays du soleil  », Le Cycliste, 1903, p.229-232

En 1904, il éprouva les lévocyclettes. Il s’en construit une, aujourd’hui conservée au Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne, et essaya longuement une Svea. La lévocyclette prit part au concours de bicyclette de tourisme de 1905 avec succès, avec la maison Terrot.

 LA “ SVEA ”, 1904

«  Je viens de parcourir exactement 2510 kilomètres sur une levocyclette Svea mise gracieusement à ma disposition pour tous et tels essais qu’il me plairait de faire. Ces kilomètres ont été faits sur routes de toute catégorie, bonnes, mauvaises, en montées, en descentes, sur les pavés, sous la pluie et dans la boue, une macédoine des plus variées. J’aurais voulu terminer ces essais par l’ascension du Ventoux qui devient le critérium des grimpeurs, mais j’eus la malchance de choisir un mauvais jour, et une pluie diluvienne m’empêcha d’aller au delà de Montélimar.
Je puis donc, il me semble, parler de la Svea en connaissance de cause. C’est une machine de tourisme parfaite  ; elle est confortable, elle est reposante, comme me l’écrivait récemment un abonné du Cycliste  ; elle permet de dépenser très peu de force, mais ce n’est pas une machine de combat, de match, de lutte, ce n’est pas un outil de course. Et les gens de bon sens comprendront que c’est justement pour cela que les levocyclettes bien construites, (car j’en ai essayé de pitoyables) s’imposeront tôt ou tard comme de véritables bicyclettes de tourisme, grâce à leur changement de développement qu’on peut sans hyperbole qualifier de progressif.
Il y aura d’autres excellentes machines de tourisme, mais je prétends que les levocyclettes du type Svea seront parmi les meilleures.  »
[…]
«  Toutes les fois qu’avec une Svea j’ai été seul, je l’ai trouvée très allante et très peu fatigante  ; le trajet archi-connu Saint-Étienne–Lyon par exemple, 60 kilomètres dont 15 de pavés, ne demandait pas plus de temps qu’avec toute autre machine  : 2h25, 2h45, 3 heures, selon le vent, l’état de la route et mes propres dispositions. Après 200 kilomètres couverts sans arrêt, il me semblait toujours être moins fatigué qu’avec une autre polymultipliée de voyage et j’attribuais cela à l’utilisation continuelle de changements de vitesse qui me permettaient de conserver la même pression sur la pédale et la même vitesse de jambes quelles que fussent les résistances à vaincre.
Cependant ma vitesse de marche, quand l’étape s’allongeait, baissait visiblement. Parfois je croyais avoir marché à 20 à l’heure et la montre impitoyable indiquait du 17 à 18 seulement. Rarement je pouvais, en m’y appliquant, faire du 30 à l’heure pendant plusieurs kilomètres. Dans toutes mes tentatives de ce genre, j’étais vite ramené au coup de pédale profond mais lent que recommande d’ailleurs le fabricant comme celui qui convient le mieux à la parfaite utilisation des muscles avec la Svea.
Dès le deuxième jour, j’avais gravi en 52 minutes, en suant, il est vrai, démesurément, la montée du barrage de la Valla à la Croix de Chaubourey (10 kilomètres et 700 mètres d’élévation), un excellent terrain d’expérimentation, que connaissent déjà maints abonnés du Cycliste qui s’y sont convertis à la polymultiplication.
Avec ma meilleure «  2 chaînes  », mon meilleur temps pour ces 10 kilomètres est de 45 minutes avec 3m,50. La Svea qui m’avait permis d’utiliser à tour de rôle ses trois faibles développements, 2m,70, 3m,90 et 5m,30, n’était donc pas inférieure de beaucoup à la «  2 chaînes  » et j’étais en droit d’espérer qu’après un mois de pratique il y aurait égalité. Il n’en fut rien  : j’eus même beaucoup de peine à refaire en 52 minutes avec la Svea ces 10 kilomètres à 7 %.
J’essayai ensuite à plusieurs reprises de lutter, à la montée de la République (6 k. 350 à 6 ¼ % avec mes compagnons d’excursion auxquels je tiens tête facilement d’habitude. La Svea fut toujours distancée, de peu il est vrai, mais à la condition de ne pas me ménager.  »
[…]
«  Voici une rampe moyenne (6 %) que vous gravissez en directe avec 3 m. 50, en levo, vous là gravirez plus commodément avec 4 m. 50 qu’avec 3 m. 50, mais si vous preniez 6 m., ce serait trop dur. Or, avec 4 m. 50 en levo, vous allez cependant moins vite qu’avec 3 m. 50 en directe. Non, voyez-vous, mettez-vous bien dans l’esprit qu’une levocyclette ne peut se mesurer, toutes autres choses égales, avec une directe, pas plus qu’un percheron ne peut lutter de vitesse avec un pur- sang. Ne l’engagez pas dans une voie où elle sera inévitablement battue. Le terrain du cyclotourisme où elle se montrera toujours à son avantage lui suffit.
Là, je puis dire que la Svea est parfaite  ; on s’y sent très à l’aise comme dans un fauteuil  ; les mouvements des jambes sont automatiquement réglés par la résistance du terrain, tantôt amples, tantôt restreints  ; on en arrive, dans certains cas, à pianoter sur les pédales, puis l’on allonge quelques grands coups de piston qui vous font bondir en avant, et entre ces deux façons extrêmes de pédaler, il y a tout une gamme de pédalées, vives ou lentes, courtes ou longues, et cela pour chacun des cinq développements, de sorte que j’ai pu dire avec raison que dans l’ensemble le changement de vitesse de la Svea était progressif.  »
Vélocio, Le Cycliste, Octobre 1904, source Archives départementales de la Loire, Cote PER1328_8

La rétrodirecte suscitait toujours débats et discussions  :

 NOËL, 1904

«  On oublie vite les mauvais moments  ; quelques instants après, bien enveloppé à cause du brouillard pénétrant qui ne nous quitte qu’à Loriol, nous pédalions côte à côte en devisant de choses et d’autres, et surtout des mérites de la rétrodirecte que montait mon compagnon. Cette rétro du type Hirondelle a 4 développements interchangeables en marche deux par deux par l’adjonction ou la suppression d’un bout de chaîne, opération qui exige à peine une minute et qu’on n’a pas à faire bien souvent, ce système est surtout apprécié pour sa simplicité et sa robustesse  ; je montais une «  3 vitesses  » en marche 3m,50 et 7m,20 par trois chaînes directes, toutes placées à droite sous un couvre-chaîne rudimentaire. Je suis satisfait de cette combinaison en attendant mieux, et il m’est très agréable d’avoir constamment ces trois vitesses à ma disposition immédiate. J’en deviens paresseux au point de me servir de 3 mètres alors que je pourrais encore, en forçant un peu, conserver 7 mètres, à la montée de Donzère par exemple. Je n’en vais pas moins vite, au contraire. Avez-vous remarqué combien on s’illusionne sur sa vitesse de marche aux montées dures et longues quand on s’obstine à les faire avec grand développement  ? On ne va guère plus vite qu’un homme au pas et l’on s’imagine avancer en proportion du poids qu’on met sur les pédales et de la peine que l’on se donne, tandis qu’avec un faible développement qui rend les pédales fuyantes, on avance plus vite sans s’en douter. Il est bon dans ces cas-là de se rendre compte de sa vitesse montre en main.  »
Vélocio, «  Randonnées hivernales (Noël)  », Le Cycliste, 1904, p.32-36, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_8

 À TORT ET À TRAVERS, 1905

«  Il est à craindre, malheureusement, que le rétropédalage ait peu de concurrents, tant les constructeurs semblent être convaincus que les suffrages des membres influents du jury du concours sont d’ores et déjà acquis aux bicyclettes rétrodirectes et qu’il est par conséquent inutile de présenter d’autres modèles. Les rétrodirectes, prétendent, non sans quelque raison, les faiseurs de mots, seront certainement «  personæ gratæ  » pour les examinateurs, et les autres systèmes, surtout les transmissions superposées, ne pourront être que «  personæ grattées  ».
Mais la rétrodirecte n’implique pas forcément le rétropédalage sur un itinéraire aussi singulier, et rien n’empêche de présenter des machines de ce type où le petit développement serait direct et le grand développement rétro. C’est ce que j’aurais fait si, pour diverses raisons, je n’avais résolu de ne pas participer au futur concours. D’ailleurs, j’ai été trop malmené, en 1902, dans le rapport de M. Bourlet, pour me hasarder à amener une seconde fois sur le terrain mes trucs de construction, mes combinaisons hybrides, mes machines arlequin et mes systèmes primitifs, sans parler des pignons contrariés sur lesquels les chaînes tirent «  horresco referens  !  » avec une obliquité de 5 à 10 millimètres...
Je me contenterai donc de suivre l’épreuve de bout en bout, afin de me faire autant que possible une opinion personnelle sur les mérites respectifs des machines engagées.  »
Vélocio, À tort et À travers, Le Cycliste, 1905, Rétrospective 1955, p.281-282

La question de la polymultiplication se portait aussi vers le tandem.

 À TANDEM, 1904

«  Ce n’est pas seulement chez les grands esprits que les idées se rencontrent  ; cela peut arriver chez les hommes de simple bon sens, qui, ne se laissant pas hypnotiser par les résultats acquis, s’efforcent constamment vers un meilleur état de choses. En même temps que M.L.F., dans la Revue du T.C.F., je rappelais, il y a deux mois, dans Le Cycliste, l’attention sur le tandem et je signalais quelques expériences déjà faites. Cette coïncidence m’a valu une pluie de demandes de renseignements d’où je conclus que la question du tandem, non pas du tandem de course, mais du tandem outil de cyclotourisme, et surtout du tandem pour équipe mixte, que cette question importante a été réveillée au moment psychologique où le besoin s’en faisait sentir. Les lecteurs de l’Industrie feront donc bien d’avoir un œil ouvert de ce côté, car on leur demandera certainement, en 1904, des tandems polymultipliés, à roue libre et à freins puissants. Le mauvais temps est venu interrompre mes essais et m’empêcher d’en tirer des conclusions formelles, car je ne suis pas de ceux qui s’appuient sur la théorie pure ou sur des Idées préconçues, encore moins de ceux qui, après avoir gravi une taupinière, affirment qu’ils montent toutes les côtes. Je sais par longue expérience la différence qu’il y a entre un raidillon de quelques centaines de mètres, fût-il à 10 %, et, par exemple, les rampes ininterrompues du Ventoux, du Tourmalet, du Stelvio, etc.  ; la différence aussi qu’il y a entre une promenade de 150 km. et une randonnée de 300 km. Tant que je n’aurai pas poussé le tandem jusqu’aux limites extrêmes de la fatigue normale, je m’abstiendrai de conclusions formelles. Ma plus longue étape à tandem (équipe mixte) a été de 195 kilomètres et m’a laissé l’impression que, la femme se fatiguant moins et l’homme pas davantage qu’en pédalant chacun pour son compte, la vitesse de marche était sensiblement plus grande. En fait, nous fîmes, le 31 octobre, ces 195 kilomètres en 10 heures, tous arrêts compris, soit 75 kilomètres de Givors à Tain en 2 h. 50 et 120 kilomètres d’Avignon à Saint-Maximin par Trets en 7 heures, trajet modérément accidenté comme on voit  ; pourtant la nuit tombant vite à cette époque, nous força, après Aix, à ralentir sensiblement  : il y a aussi, entre le Pont-Royal et Aix, une série de montagnes russes qui nous obligèrent à échanger souvent les puissantes foulées de 7 m. 70 contre le modeste développement de 4 m. 40. Le lendemain, nous fîmes seulement 100 kilomètres  ; la grimpette de Nans à la Sainte-Beaume, environ 7 kilomètres de mauvais chemin étroit, à 6 ou 7 %, semé de cailloux avec des ornières profondes, de  !a boue et des tournants secs, la descente pouvait passer pour dangereuse. Ma coéquipière, à qui la direction était confiée, se tira, à son honneur, de toutes les difficultés et le développement de 2 m. 90 nous permit d’enlever les montées à 12 à l’heure environ et d’arriver bons premiers à l’hôtellerie À la descente nos quatre freins firent merveille, surtout le frein à tambour. On vint ensuite à Toulon par Tourves et Roquebrussanne et nous eûmes de fréquentes occasions d’utiliser tour à tour, avec profit nos trois développements, 2 m. 90, 4 m. 40 et 7 m. 70. L’arrivée à Toulon le soir, alors que les rues fourmillent de promeneurs, que voitures, autos, tramways circulent avec le plus d’intensité, mit à une rude épreuve le sang-froid de ma compagne qui réussit à éviter tous les obstacles, et nous ne mîmes pied à terre qu’au cœur de la ville, devant l’Hôtel des Postes. De ce fait et d’exemples analogues dont nous sommes fréquemment témoins à l’E. S., je crois pouvoir conclure qu’une femme est tout aussi apte qu’un homme à conduire un tandem et qu’il n’y a pas lieu de lui refuser la place d’honneur, ainsi que le propose M.L.F. ou de lui imposer la double direction, comme le veut le critique anglais Brown. D’autres raisons militent d’ailleurs en faveur de la femme placée devant, raisons qu’on trouvera développées dans un article de Brown traduit dans Le Cycliste du 30 avril 1896. Je ne vois pas pourquoi des maris qui se laissent si bien mener par leur femme dans leur ménage refuseraient de se laisser également mener par elle à tandem.  »
Paul de Vivie, «  À tandem  », 1904, Le Cycliste, Rétrospective 1954, p.233

C’était aussi vers cette période qu’il réfléchissait aux petites roues, avec lesquelles il fit de belles descentes de la vallée du Rhône. Voici ce qu’il en écrit après coup  :

 ANTHOLOGIE DU “CYCLISTE”, ÉPOQUE “VELOCIO”, 1921

«  Hauteur des roues, forme des jantes, grosseur des pneus, moyeux, rayons... autant de points qui s’offrent à notre examen, et ce que j’en vais dire, aujourd’hui, n’a que la valeur d’une opinion personnelle, que la discussion pourra confirmer, rejeter ou modifier.
C’est en 1904 seulement que je commençai à me demander s’il était vraiment nécessaire d’avoir des roues de 70 cm de diamètre, et si nous ne pourrions pas obtenir des machines plus légères, plus robustes, moins encombrantes, plus maniables, tout aussi roulantes en réduisant autant que possible ce diamètre de 70 cm, qui avait, déjà, été standardisé, on n’a jamais d’ailleurs su pourquoi. C’est ainsi que j’eus successivement un tandem et une bicyclette avec des roues de 60 cm, une autre bicyclette avec des roues de 50 cm seulement, tous garnis de pneumatiques souples et minces de 45 à 50 mm de diamètre, machines qui furent, je dois le dire, celles que j’ai toujours préférées, tant qu’il m’a été possible de me procurer des bandages de ce calibre, lequel me semble d’autant plus nécessaire que les roues sont d’un plus petit diamètre. C’est même avec ma monture no 5, à roues de 50 cm avec pneus de 50 mm que j’ai obtenu mes meilleurs résultats en fait de vitesse de marche, et allant en cinq heures, sans vent favorable, d’Andance à Orange, séparés par cent trente-quatre kilomètres, au cours d’une de mes habituelles randonnées vers la Méditerranée, durant lesquelles je ne manquais jamais de comparer les mérites respectifs de mes nombreux essais de polyxion, par différents systèmes. À l’actif de ma no 4, à roues de 60 cm, je trouve une belle étape de trois cent soixante et un kilomètres, de Saint-Étienne à Flassans, effectuée, avec vent favorable, en dix-sept heures, non sans plusieurs arrêts pour cause de crevaisons survenues à mon équipier, car je ne roulais pas en solitaire ce jour-là.
Aux descentes, avec de petites roues, je n’ai jamais été inférieur à mes compagnons les mieux montés, avec des roues de 70 cm, malgré que j’eusse trois roues libres sans billes à mes moyeux  ; car les trois machines, dont il est question, étaient munies de trois vitesses en marche par trois chaînes et deux débrayages au pied. Ni le dérailleur, ni la chaîne flottante n’avaient encore vu le jour en ce temps reculé, et nous ne jurions à notre École Stéphanoise, que par la polychaine qui, aujourd’hui encore, compte de nombreux partisans. La difficulté, que j’éprouvais à un certain moment, à obtenir des pneus à ces dimensions spéciales, me força à revenir aux roues de 65 et 70 cm de diamètre, aux calibres de 35 et 38 mm quand je me fis construire mes machines suivantes, les no 6, 7... Il n’en reste pas moins ancré, dans mon esprit, que pour une bicyclette de grand tourisme — destinée à passer partout et à rouler presque dans le lit des torrents — comme le voulait le Capitaine Perrache à l’époque, des roues de 500 X 50 mm sont nettement préférables à celles de 700 x 28 mm des modèles « Tour de France  », et même aux roues standardisées de 700 X 35 mm qu’on essaie de nous imposer si (et cela doit être) on fait entrer en ligne de compte, dans le rendement d’un outil, la fatigue de celui qui s’en sert. Cette dernière considération est-il vrai, indifférente aux coureurs de Henri Desgrange et de L’Auto, et aux jeunes utilitaires, ignorant tout du problème, qui montent les machines standardisées du commerce, mais elle ne l’est pas pour nous qui avons, en vue de longs voyages, le meilleur rendement et la moindre fatigue.
Par exemple, il faut bien comprendre que le calibre du pneumatique doit augmenter en même temps que diminue le diamètre de la roue  : si l’on admet, je suppose, que le calibre de 38 mm vaut pour la roue de 700 mm, il faut envisager au moins 42 mm pour une roue de 650 mm, 45 mm pour celle de 600 mm, enfin le calibre de 50 mm pour une roue de 500 mm de diamètre.
On peut d’ailleurs se référer à ce qui s’est passé dans l’automobile, en ce qui concerne le même problème. À l’origine, les roues de 125 cm de hauteur étaient monnaie courante, peu à peu, on en est venu a des diamètres de 90, 80, 65 et même 55 cm aujourd’hui. Si bien, qu’actuellement, on est étonné en comparant l’énormité, la masse, la hauteur de la superstructure d’un autocar ou d’une limousine aux roues minuscules qui les supportent, à la bicyclette et ses roues hautes et minces, laquelle parait bien frêle, et l’est en effet, tout compte fait, car de telles roues se voilent pour un rien, les jantes se bossellent, les rayons se détendent quand ils ne cassent point, désagréments qui ne sont jamais arrivés à mes roues de 500 mm dont les rayons sont d’autant plus courts — partant, plus solides — quoique moins nombreux et dont les jantes sont d’autant plus protégées que les pneus sont plus gros.
Que l’on ne croit pas, pour autant, qu’on n’ait jamais fait des bicyclettes à petites roues  ! Dans la décade 1890-1900, on a, je le répète encore une fois, tout essayé, et j’ai toujours été étonné de ne pas y avoir encore découvert un embryon de «  chaîne flot­tante  ». Vers 1897, nous vîmes une bicyclette de fabrication allemande, destinée, par son inventeur, au service de l’armée et munie de roues de 30 cm cela s’appelait le «  Colibri  », et avait des pneu­matiques de 35 et 38 mm de diamètre, défaut rédhibitoire. La «  Pliante  » du Capitaine Gérard, destinée en premier lieu à l’armée française, vint plus tard avec des roues de 600 mm, toujours avec de petits pneus. Il y a quelque six ans, une de nos grandes manufactures de bicyclettes mit sur le marché, un modèle à roues de 600 mm avec des pneus minuscules  : une tige de selle à ressort protégeait bien quelque peu le cavalier, mais les jantes, les rayons, le cadre souffraient terriblement. Si cette bicyclette avait eu des pneumatiques souples de 45 mm, elle aurait obtenu beaucoup de succès. Pour mon compte, je reste persuadé qu’on peut aller, sans inconvénient, jusqu’au diamètre de 500 mm, à condition d’adopter des enveloppes de 50 mm. Il y a, ici comme en toutes choses, des limites. Quos ultra citraque nequit consistere rectum...  »
Vélocio, Le Cycliste, 1921, Anthologie du “Cycliste”, Cahier no 11, Mai-juin 1968, p.163-165

 DE SAINT-ÉTIENNE À MARSEILLE EN 15H, 1905

«  Bien des motifs m’appellent donc là-bas dès le printemps  : j’en avais un de plus cette année. Je tenais à clore, par une randonnée sérieuse et rondement menée, la série des essais que j’ai fait subir cet hiver à ma nouvelle monture, type 4 des machines d’amateurs, dont les caractéristiques sont  : trois développements interchangeables en marche par trois chaînes et deux débrayages au pied, des roues de 60 centimètres, des pneus de 50 millimètres très souples et très légers, et un cadre excessivement robuste, relativement court de l’arrière et allongé de l’avant. J’ai muni cette machine dont la silhouette, de l’avis général, n’est point du tout déplaisante, bien qu’elle diffère de ce qu’on est accoutumé de voir, de la tige de selle oscillante et du guidon à deux étages qui font, depuis plusieurs années, partie de mon bagage de tourisme et que je transporte successivement, comme ma plaque d’impôt, sur mes différentes montures.
Je voulais étudier avec ce type 4, dont le dessin a été soumis, le mois dernier, aux lecteurs du Cycliste comment trois chaînes se comporteraient sur route  ; quelle augmentation de résistance devait en résulter  ; comment des pneus, dont la surface de roulement n’est constituée que par un protecteur de deux millimètres d’épaisseur, collé immédiatement sur la toile très mince elle-même, résisteraient aux morsures de la route  ; comment, enfin, des roues d’aussi faible diamètre que 60 centimètres, affecteraient le roulement et le rendement.
Je suis maintenant fixé, puisque j’ai parcouru depuis quatre mois, sur cette bicyclette, 2.700 kilomètres, et j’en puis parler avec quelque certitude.
La hauteur des roues me semble sans la moindre influence sur le roulement à la descente, pas plus que sur le rendement en plaine et à la montée.
Ceci résulte non seulement de mes impressions personnelles maintes fois passées au crible de la discussion, mais encore de nombreuses expériences comparatives. Je n’ai jamais été inférieur et j’ai souvent été supérieur aux descentes faibles ou fortes, aux mieux montés de mes compagnons.
À la montée, d’autres raisons entrent en ligne de compte  : la rigidité des tubes de chaînes qui, dans le cadre équiangle du type 4, est extrême, la base arrière courte (43 centimètres entre les axes du pédalier et de la roue motrice de centre à centre, tandis que la plupart des machines à roues de 70 centimètres mesurent 50 centimètres), la force des tubes (32 m/m X 8/10) du cadre de 55, petit et trapu, qui n’absorbe pas une parcelle de la force de traction des bras sur les poignées basses du guidon, tout cela concourt au rendement de la machine qui est très bon.
Cependant, il reste inférieur à celui d’une autre de mes machines à grand rendement, le type 1 des modèles d’amateurs de la Gauloise, qui a des roues de 70 et des pneus de 35 millimètres qu’il faut naturellement gonfler très dur, alors que je gonfle fort peu mes pneus de 50 millimètres. De là vient sans doute toute la différence, d’ailleurs faible. Il est incontestable que lorsqu’une vigoureuse pression sur la pédale écrase le pneu de la roue motrice sur le sol, plus le bandage est dur et indéformable, plus vite et plus complètement il répond  ; plus, au contraire, il est mou, plus il fléchit, s’affaisse, se déforme, se dérobe avant de se décider à marcher et moins il rend. Mais quand, par aventure, on grimpe sur un sol rocailleux, empierraillé, à têtes de chat, le gros pneu souple redevient vite supérieur au petit pneu dur auquel il faut pour vaincre une surface de roulement aussi idéalement unie que possible.
Donc, à tout prendre, les routes étant rarement unies comme marbre, au moins huit fois sur dix, le gros pneu souple qui boit l’obstacle est encore préférable, même à la montée, pour les bicyclettes de tourisme, au pneu crayon, qui bondit et ricoche d’obstacle en obstacle et, par ses continuelles trépidations, annihile, et au delà, les avantages de son indéformabilité.
En plaine, le gros pneu est toujours égal au pneu crayon sur les meilleures routes, et il lui est d’autant supérieur que le sol devient moins bon.
Conclusion  : les gros pneus s’imposent, mais il faut que ces pneus restent souples et légers, minces par conséquent  : les pneus de motocyclettes à triple ou quadruple entoilage, à chapes épaisses, constituent ce que nous condamnons sous la dénomination de pneus en bois, même gonflés modérément, ces pneus restent durs, sans souplesse, sans vie  ; ils ne boivent même pas l’obstacle.
Les compétences du T. C. F. rendirent un très mauvais service aux cyclotouristes quand elles recommandèrent des pneus increvables, des chambres à double épaisseur, des entoilages capables de résister à des pressions de cinq atmosphères  ! Je sais des cyclistes qui, pour avoir trop suivi ces conseils, absolument désintéressés, certes, mais marqués au coin d’une inexpérience absolue des choses de la route, se sont exténués à traîner un boulet pendant plusieurs années.
Une réaction à laquelle j’espère que Le Cycliste n’aura pas été étranger, commence à se dessiner nettement, et les increvables auront bientôt disparu de la circulation. On admet qu’il vaut mieux avoir quelques crevaisons de pneumatiques de plus que de se crever soi-même chaque fois que l’on sort.
Mais crève-t-on beaucoup plus souvent avec des pneus extra-minces qu’avec des pneus extra-forts  ? Il faudrait, pour pouvoir répondre à cette question, disposer d’un grand nombre d’observations qui n’ont être encore faites  ; mais j’ai noté avec soin les accidents dont mes légers pneumatiques de 600/50 ont été victimes en 2.700 kilom. (3.200 kilom. au moment où je corrige ces épreuves.)  : une épingle après 656 kilom., une épine après 1.152 kilom.. un clou après 1.806 kilom.., une épine après 2.198 kilom, et enfin, pendant mon dernier voyage à Marseille, un clou et une épine, total 6 crevaisons. Il semble bien que l’on crève deux fois plus avec ces pneus-là qu’avec des pneus ordinaires, et que les épines, en particulier, sont plus redoutables, mais leurs blessures n’entraînent pas une absolue nécessité de réparer sur place  : un clou même n’est pas très gênant, suivant la façon dont il s’est logé, et je n’ai vraiment été forcé de réparer de suite qu’une fois sur six. Les perforations des épingles et des épines m’ont toujours permis de continuer en regonflant de temps en temps. Par contre, je n’ai jamais crevé par pincement de la chambre entre la jante et les cailloux, et les arrêts les plus brusques immobilisant la roue n’ont jamais raboté la surface de roulement, qui ne pourrait d’ailleurs pas résister à ce traitement, puisqu’elle n’a que deux millimètres d’épaisseur.
J’attribue cette immunité à l’extrême souplesse des pneus que les silex et les morceaux de verre n’entament pas. À noter que 2.000 kilom. ont été faits pendant les mois où l’on recharge les routes et que j’ai dû, maintes fois, traverser à toute vitesse des rapiéçages de fraîche date, comme on en rencontre fréquemment sur nos chemins de grande communication où passe rarement le rouleau à vapeur.
Mon opinion sur le calibre et la légèreté des pneumatiques commence, d’ailleurs, à être partagée par les très nombreux cyclotouristes qui s’efforcent avant tout d’augmenter leur rendement, mais il n’en est pas de même en ce qui est de la hauteur des roues, et seulement un petit nombre entre dans la voie que j’ai ouverte.
Contre la réduction du diamètre des roues à 60 centimètres, nous avons le préjugé pseudoscientifique du coefficient de roulement, croissant en raison inverse de la hauteur des roues  ; acceptable peut-être pour des roues à jantes indéformables, bois ou fer, cette loi ne l’est pas pour les roues à bandages pneumatiques qui, absorbant les menus obstacles, rendent la surface la plus rugueuse semblable à une surface polie. Or, des expériences bien conduites ont démontré que des rouleaux polis de diamètres très inégaux poussés sur des surfaces polies avec la même force initiale continuaient à rouler aussi vite les uns que les autres. Il n’y a donc aucune raison pour que des bandages pneumatiques de 60 et même de 50 centimètres de diamètre roulent moins bien que ceux de 70, 80 et même de 200 centimètres, à la condition qu’ils soient assez gros et assez souples pour boire l’obstacle.
Le seul côté faible des petites roues se révèle sur les routes à ornières profondes d’où il est plus difficile de les dégager parce qu’elles s’y engagent plus profondément  ; la direction est aussi plus sensible avec une roue directrice de 60 centimètres qu’avec une roue plus haute, et ce n’est pas sans motif que l’on fit, il y a 15 ans, des bicyclettes à roues directrices de 80 à 90 centimètres, tout en laissant la roue motrice à 70 et même à 65 centimètres. Mais on se familiarisa vite avec cette sensibilité de la direction et je n’ai jamais eu à craindre de ce côté.
La solidité de la roue croît à mesure que son diamètre diminue  ; cela se comprend de soi et, avec les freins sur jante, cet avantage n’est certes pas à dédaigner.
J’ai adopté les petites roues parce que, sans enlever quoi que ce soit aux qualités foncières d’une bicyclette, solidité, rigidité, stabilité, elles me permettent d’en réduire le poids d’environ 2 kilos, d’en diminuer l’encombrement et d’en faciliter le maniement et le logement.
Le poids, vraiment utile et justifié, ne m’a jamais effrayé  ; cependant, j’ai toujours recherché les moyens d’alléger mes machines de tourisme sans toutefois consentir à me priver des avantages que je juge essentiels  : freins, polymultiplication, double guidon, etc.
Les trois chaînes que j’ai traînées d’un bout à l’autre de mes 2.700 kilom, bien que j’aie eu rarement l’occasion de me servir de l’une d’elles, la montagne n’ayant pas été accessible cet hiver, ne m’ont pas causé le moindre embarras. Elles me donnent, interchangeables en marche, 6 m. 30, 4 m. 50 et 2 m. 90. Il faut, naturellement, les tenir au point, surveiller leur allongement suivant que l’on fait travailler les unes plus que les autres, les égaliser et les tendre ni trop ni trop peu. Ce dispositif n’est pas nouveau  : une des trois machines qui figuraient, sous la marque de La Gauloise, au concours du Tourmalet, le no 19, en était déjà munie en 1902 et fut une des cinq machines qui parvinrent au col sans avoir été poussées un seul instant...
Mais trois chaînes et deux débrayages au pied rendaient l’ensemble un peu lourd, et c’est pour cela, pour ne pas abandonner les trois vitesses en marche, que je me suis efforcé de m’alléger d’autre part.  »
Vélocio, «  Excursion du “Cycliste”, De Saint-Étienne à Marseille en 15h, Le Cycliste, 1905, p. 41 à 49, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_8

 EXCURSION PASCALE, 1905

«  D... montait une bicyclette à deux chaînes, à six développements interchangeables en marche deux à deux  ; j’avais choisi le no 4 dont je vous ai entretenu le mois dernier et qui a trois développements 6m,30, 4m,50 et 2m,90 en marche par trois chaînes.  »
[…]
«  Nous partîmes en plusieurs groupes  ; les uns par la route, les autres par le P.-L.-M., et nous eûmes le plaisir de nous rencontrer à différentes reprises, tantôt entre Stéphanois, tantôt avec des Lyonnais, des Tarasconnais, des Beaucairois, des Marseillais, voire des Parisiens, tous polymultipliés. Ah  ! certes, les temps sont changés  ! La propagande par le fait et par la plume, à laquelle Le Cycliste s’est consacré depuis 1896, a fini par porter ses fruits, et en cette année 1905, la dixième de l’ère de la polymultiplication, on ne rencontrera plus, je crois, de cyclotouristes monomultipliés dans nos régions favorites, sauf des étrangers, des anglais surtout, qui tombent plus que jamais de la lune quand ils nous voient gravir, en causant et le sourire aux lèvres, les rampes les plus invraisemblables auxquelles ils font régulièrement les honneurs du pied. Drôles de gens qui ne sont à la tête du progrès que lorsque celui-ci marche à reculons  »
Vélocio, «  Excursion pascale  », Le Cycliste, avril 1905, p.66-74, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_8

 NOËL AU SOLEIL, 1905

«  Supposant — mais j’ai été cette fois cruellement détrompé — que l’hiver, dans le Midi, était toujours plus clément que dans nos montagnes, le 23 décembre dernier, je tournais vers Marseille les guidons de ma bicyclette no 5, impatiente de terminer ses épreuves par un grand voyage. Je n’allais pas seulement vers le soleil, j’allais vers des compagnons de route que leur éloignement ne me permet pas de rencontrer aussi souvent que je le voudrais, vers des sites que je ne me lasse pas de revoir.  »
[…]
«  Un peu partout, ma machine liliputienne excite l’étonnement et les cris des enfants. Les Vé  ! Qu’ès aco  ! et autres exclamations provençales me saluaient dans chaque village.  »
[…]
«  Mon n° 5 se tirait à son avantage de cette première épreuve de transport. Si réellement le coefficient de résistance au roulement avait été, comme le prétendent les théoriciens, de 30 % plus élevé que pour une autre machine, à roues de 70 centimètres, il est douteux que j’eusse pu, sans la moindre fatigue appréciable, effectuer un tel parcours à l’allure moyenne de presque 22 kilomètres. Il est vrai que je ne m’étais pour ainsi dire pas arrêté  ; j’avais vécu uniquement sur mes provisions et j’étais seul, deux conditions essentielles pour aller vite et d’un train régulier.  »
[…]
«  Mon n° 5, qui compte dans ce total pour 1.514 kilomètres couverts en décembre, c’est-à-dire pendant un des plus mauvais mois de l’année, s’est parfaitement comporté au cours de sa première randonnée, et de telle façon que, pour moi, les grandes roues et les grands pignons n’ont plus de raison d’être au point de vue du meilleur roulement et du rendement optime. Avec des roues de 50 centimètres et un tout petit pignon de 12 dents au pas de 12,7, lequel combiné avec 46 dents au pédalier me donne mon grand développement de 6 mètres, j’ai pu marcher aux allures habituelles sans plus de difficultés qu’avec les immenses pignons de 60 et 72 dents que les théoriciens nous conseillèrent jadis. Je ne note plus aussi exactement qu’au début de mes randonnées l’horaire de mes étapes-transport, cependant j’ai noté mon temps entre Donzère et Orange, 38 kilomètres que j’ai couverts en 1 h. 35, du 24 à l’heure sans le moindre vent. Je n’ai mieux fait avec grands pignons et grands développements qu’avec vent favorable. Il m’a semblé pourtant que je tournais à mon maximum et que si j’avais eu le mistral derrière moi je n’aurais pu en profiter pour activer l’allure en augmentant la cadence, à moins d’en arriver à une dépense anormale de calories. Donc puisque nous pouvons, en réduisant les diamètres des roues et des pignons, obtenir plus de légèreté, plus de solidité et moins d’encombrement sans renoncer à aucun des avantages de nos polycyclettes de tourisme, nous aurions, ce me semble, tort de ne pas le faire.  »
Vélocio, «  Noël au soleil  », Le Cycliste, décembre 1905, Page 224 à 230, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_8

N°5
La bicyclette n°5, 1907

 5 JOURS EN MONTAGNE, 1909

«  Se rapprocher de Lyon le plus possible dans la soirée afin de réintégrer Saint-Étienne le lendemain d’aussi bonne heure que possible, tel est notre nouveau programme.
Et d’abord, dans une brasserie connue, sur le quai, déjeunons solidement  ; le garçon qui nous sert a examiné nos machines et il me demande tout à coup pourquoi je n’ai pas ma bicyclette à roues de 50 centimètres, mon no 5. Stupéfaction  ! Il m’a vu circuler à Saint- Étienne sur cette machine liliputienne qui, entre parenthèse, est une de mes meilleures et à laquelle je reviendrai.  »
Vélocio, «  5 jours en montagne  », Le Cycliste, 1911, p. 228 à 232 et 249 à 251, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_11

En janvier 1907, le sujet de discussion d’une excursion dominicale dans le Forez fut  : De l’influence de la hauteur des roues sur le roulement d’une bicyclette.

  L’ÉCOLE STÉPHANOISE, JANVIER 1907

«  La discussion sur la hauteur des roues souffrit de la température polaire, car nous ne pouvions parler qu’à glaçons rompus, tant la bise obstruait de véritables banquises notre orifice buccal, pourtant j’ai cru comprendre que la majorité se rangeait à cet avis que le roulement des roues munies de pneumatiques était, sur routes normalement entretenues, indépendant de leur diamètre, contrairement à l’opinion généralement admise, laquelle veut qu’une roue roule d’autant mieux qu’elle est de plus grand diamètre. Cela peut être vrai pour des roues cerclées de fer, donc à surface de roulement indéformable  : mais les pneumatique buveurs d’obstacles ont modifié la question du tout au tout.  »
Vélocio, «  L’École stéphanoise  », Le Cycliste, Janvier 1907, p.10-12, Source Archives départementales de la Loire, cote PER1328_9

Paul de Vivie montait aussi une bicyclette acatène, la Touricyclette, lorsque le temps était mauvais. On le voit dans le texte suivant passer à Serrières avec celle-ci. Il était toujours prêt à réfléchir à la cyclotechnie et aux améliorations possibles, ainsi avec la mythique Magnat-Debon modèle H.

 UNE «  12 VITESSES  » EN MARCHE (1906)

On ne peut vraiment plus dire que le cyclotourisme se meurt, et l’aimable conteur que fut, pour les lecteurs du «  Cycliste  », que sera encore je l’espère M. d’Espinassous, ne pourrait plus traverser nos grands bois sans voir l’ombre d’un cyclotouriste, comme il s’en plaignit il y a quelques années. Dimanche dernier, 10 juin, en redescendant à 4 heures du matin du plateau de la République où j’étais allé voir lever l’aurore, j’ai eu le plaisir de croiser, en trente minutes, douze (pas un de plus pas un de moins) cyclistes stéphanois qui, isolément ou par petits groupes, s’en allaient pédaler sur les bords du Rhône ou en Dauphiné.
Saint-Étienne marche donc à grands pas dans la bonne voie, mais il faut croire que nos voisins de Lyon, de Grenoble et d’ailleurs, ne veulent pas s’y laisser devancer, et pour ne citer qu’un fait des plus récents, le 29 avril dernier, le jour même où j’entrais, toutes pédales dehors, dans ma 54e année, j’eus le plaisir de rencontrer à Serrières, un groupe compact de onze cyclotouristes venus de Grenoble malgré un temps plus que douteux, pour ascensionner le Pilat, sous la direction de mon vieil ami Féasson qui tenait à faire les honneurs de nos montagnes à la section grenobloise de l’E. S.
Ce fut une belle journée... de pluie et nous échouâmes à St-Julien-Molin-Molette, où du moins nous eûmes la satisfaction de rencontrer un des doyens du cyclotourisme, M. Aug. C., dont les récits d’excursion émaillèrent les toutes premières colonnes du «  Cycliste  » en son berceau et qui pédale plus vigoureusement que jamais, tantôt sur sa Terrot H, tantôt sur sa Brossard 3 vitesses. J’avais, ce jour-là, choisi dans mon écurie, justement à cause du temps menaçant, ma touricyclette et je n’eus pas lieu de m’en repentir. Mais les onze Grenoblois montaient onze Magnat-Debon. Qu’on vienne dire après cela que nul n’est prophète en son pays  ! Naturellement tous les modèles des excellents constructeurs de Grenoble étaient représentés, y compris la monomultipliée sans garde-boue, extra-simple, dont le propriétaire prit une de ces douches de boue et d’eau dont on se souvient. Les rétro-directes l’emportaient mais le type qui attira le plus mon attention, et qui semblait aussi le plus apprécié fut le nouveau modèle H (cette lettre est décidément destinée à désigner les meilleures machines de voyage). Cette bicyclette est une combinaison du dispositif rétro-direct à 2 chaînes de Magnat-Debon et du pédalier à 2 vitesses aussi desdits, cela fait 4 vitesses en marche, très bien échelonnées, deux en direct  : 5 m. 70 et 3 m. 30  ; deux en rétro  : 4 m. 30 et 2 m. 50. On peut faire varier ces chiffres dans d’assez grandes limites  ; Féasson, qui est plus que jamais partisan du moindre effort, a sur son H 5 m. 35, 3 m. 55, 3 m. 10 et 2 m. 05 et j’aurais sur la mienne 6 m. 10, 4 m. 50, 2 m. 70 et 2 mètres  ; une échelle baroque à première vue mais que je n’ai pas choisie sans motif ainsi qu’on le verra ultérieurement.
Je n’ai rien à ajouter à l’éloge que le capitaine Père H., le rapporteur du récent concours du T.C.F. a fait du pédalier à 2 et 3 vitesses de Magnat-Debon et du dispositif rétro-direct de cette maison.
Or, bien que Bourlet ait affirmé que réunir sur une même machine une transmission juxtaposée, qui avait obtenu le premier prix, à une transmission superposée qu’il avait jugée digne du troisième prix, c’était faire œuvre inepte, idiote et monstrueuse, je persiste à penser que lorsqu’on réunit sur un même outil, toutes autres choses restant égales, deux bons dispositifs de deux vitesses en marche, on obtient un excellent «  4 vitesses  ».
Le modèle H de Magnat-Debon en est la preuve indiscutable.
Depuis le concours de 1905, mon opinion sur la valeur pratique des transmissions superposées s’est modifiée de façon radicale. Je sais maintenant m’en servir et je ne les rejette plus d’emblée comme autrefois. Pour en tirer bon parti, il faut simplement ne jamais imposer aux engrenages intermédiaires, multiplicateurs ou démultiplicateurs, une pression supérieure à celle à laquelle ils doivent normalement résister. Tant que cette pression n’est pas dépassée, la force absorbée par les engrenages est égale au coefficient de 1 à 2 % qu’indiquent le calcul et les expériences des divers auteurs qui se sont occupés de cette question  : cela veut dire qu’à égalité d’efforts nous avancerons de 5 mètres en prise directe, et de 4 m. 90 à 4 m. 95 en prise indirecte. La perte est donc insignifiante mais elle devient énorme, cette perte, quand la pression sur les engrenages croît et dépasse la normale.
Que faut-il pour ne pas être obligé d’en venir à cette extrémité  ?
D’abord, que les engrenages soient assez robustes pour ne pas s’offusquer d’une pression un peu forte  ; ensuite qu’on ait à sa disposition une échelle de développements assez nombreux pour qu’on puisse toujours en trouver un qui permette de ne mettre sur la pédale que juste la pression convenable, quitte, si l’on est pressé, à accroître la vitesse des jambes de la quantité dont on diminuera la pression sur la pédale.
De l’avis des examinateurs les plus hostiles aux transmissions superposées, les engrenages du pédalier M.-D. sont d’une robustesse à toute épreuve et d’une douceur surprenante due à la taille des dents qui n’est pas celle usitée en mécanique et qui dérive de la taille des dents usitée en horlogerie.
Nous voilà donc rassurée sur le premier point  : quant au second point, l’adjonction du dispositif rétro-direct qui met à notre disposition deux développements par juxtaposés, c’est-à-dire en prise directe, nous donne également satisfaction.
Voilà sans doute pourquoi on reconnaît sur le terrain, donc en se plaçant à un point de vue strictement pratique, que le modèle de Magnat-Debon est une des meilleures solutions du problème posé depuis longtemps de «  4 vitesses en marche  ». Il est regrettable que cette machine n’ait pas été produite au concours de 1905  ; elle aurait eu un grand et légitime succès.
Telle qu’elle offerte dans le catalogue Magnat-Debon, la bicyclette H, avec ses 4 développements bien choisis, est suffisante pour les cyclotouristes les plus exigeants. Son roulement remarquable lui donne, soit en direct, soit en rétro, un go extraordinaire et l’on pédalera toute une journée avec cette machine sans se fatiguer, à condition de bien savoir choisir le développement qui convient à chaque changement de résistance.
Mais avec la manie qui me pousse à combiner les uns avec les autres les bons systèmes de polymultipilication, qui m’a déjà amené à doter le modèle H de Terrot de 5 développements en marche au lieu de 3 et de 3 autres développements en marche, pour les cyclistes adroits, presque en marche pour les autres  ; avec cette manie de perfectionner dans le sens du confortable ce qui semble déjà parfait, je veux faire du modèle H de Magnat-Debon.
Une polymultipliée monochaine de 12 développements en marche  !
Après cela, je crois qu’on pourra tirer l’échelle.
Je me propose d’ajouter à cette machine un moyeu Sturmey et d’obtenir ainsi 12 vitesses en marche parfaitement échelonnées sans plus de poids et, pour ainsi dire, sans plus de complications, par exemple  : 8 m. 25, 7 m. 15, 6 m. 25, 5 m. 45,
4 m. 75, 4 m. 15, 3 m. 50, 3 m. 15, 2 m. 75, 2 m. 35, 2 m. 10 et 1 m. 80.
Ces 12 vitesses pourront être toutes directes ou bien nous pourrons en avoir 6 rétro et 6 directes, mais toutes en marche.
Je ne connais pas d’autres moyens d’obtenir pratiquement et sans perte de force une aussi remarquable échelle de développements. C’est bien là le changement progressif que seule jusqu’à ce jour pouvait nous donner la lévocyclette. C’est grâce à l’heureuse combinaison (qui tout à l’heure semblait baroque) des 2 développements du pédalier M.-D. que l’on peut obtenir un si parfait résultat. Les pertes de forces dues aux transmissions superposées ne dépasseront jamais 3 %, puisque nous n’aurons jamais besoin de dépasser la pression de régime des engrenages intermédiaires.
Le passage d’une vitesse à l’autre, quelle que soit sa position au haut, au bas ou au milieu de l’échelle, sera instantané sans qu’il soit nécessaire de passer par les vitesses intermédiaires.
Bref, il me semble que je tiens là une polymultipliée de premier ordre et j’en reparlerai.
Vélocio, Le Cycliste, 1906, Rétrospective octobre 1956, p.287

Il piochait dans son écurie selon les besoins et les circonstances.

 RANDONNÉE PASCALE, 1907

«  J’avais moi-même, pour diverses raisons, dont quelques-unes indépendantes de ma volonté, choisi mon no 1 qui date de 1903 et tient le milieu entre la machine à grand confortable et la machine à grand rendement. Elle a des Clincher à talons de 35 m/m très souples, cinq développements  : 7m,40, 5m,30, 4m,30, 3m,30 et 2m,65 interchangeables en marche deux à deux par 2 chaînes du même côté, des garde-boue, deux freins, et elle pèse 16 kilos sans bagages  ; d’ailleurs je ne regrettai pas ce choix, car de tout le voyage je n’eus pas à donner un coup de pompe à mes pneus, pas une goutte d’huile à mes roulements  ; sauf le 2m,65, tous mes développements furent mis à contribution.  »
Vélocio, «  Randonnée pascale  », Le Cycliste, mars 1907, p.41 à 45, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_9

 EXCURSION PASCALE, 1909

«  J’avais choisi mon numéro 6, une G. R. du type dit de voyage, à 4 vitesses en marche 2m, 90, 3m, 85, 5m,25 et 7m par moyeu Villiers, deux chaînes et l’embrayage au pied de la Gauloise.  »
Vélocio, «  Excursion pascale  », Le Cycliste, 1909, p.98 à 101, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_10
(Note  : G.R.  : Grand rendement, modèle proposé par La Gauloise)
En 1910, Paul de Vivie proposait un nouveau modèle, la randonneuse, entre la machine de course et de voyage, conçue pour rouler sur de bonnes routes (que nous appellerions pistes aujourd’hui, le macadam étant une succession de couches de cailloux et de graviers tassés).

 LA RANDONNEUSE, 1910

Ce sera la nouveauté de la fabrication «  La Gauloise  » en 1910. J’en suis le père et c’est pourquoi je crois devoir la présenter moi-même sans rien celer de ses qualités ni de ses défauts. J’en profiterai même pour dire quelques vérités qui, mieux connues, épargneraient aux cyclistes des récriminations oiseuses.
Comme son nom l’indique, cette bicyclette sera la monture, par excellence, des randonneurs de l’École Stéphanoise, et permettra, à tout cycliste capable de rester vingt-quatre heures en selle, d’aller de Saint-Étienne à Nice en sa journée, donc de faire une moyenne horaire de 20 à 21 km., arrêts compris, toujours sans fatigue anormale.
Pour un trajet plus court, cette moyenne pourra très bien s’élever à 25/26 kmh. et même au-dessus  ; car la «  Randonneuse  » se rapproche, beaucoup plus, de la machine de course à très grand rendement, que d’un carrosse de gala à très grand confortable.
En fait de confortable, tout ce que je lui donne se résume à ceci  : des pneumatiques à tringles de 35 mm., extra-souples, très saillants en dehors de la jante bois et aluminium  ; des garde-boue en bois très légers  ; une selle avec quelque ressort, et même, pour les reins délicats, une tige de selle vaguement élastique, oscillante, ou à coussins, deux développements  : 6 et 4 m. par deux chaînes et embrayage au pied  ; roue libre partout et un frein à tenaille sur jante arrière.
Pour tout le reste, la «  Randonneuse  » dérive directement de la machine de course  ; elle est trapue, basse de cadre (hauteur 55 cm.), ramassée (roues de 65 cm.), courte de base (40 cm. entre les axes du pédalier et de la roue motrice)  ; elle a un pédalier étroit (axe de 11 ½ cm.)  ; des manivelles de 16 ½ cm. facilitant les cadences rapides (80 à 100 tours-minute)  ; et elle pèse 12 ½ kg.
Cela veut dire que si elle est capable de résister à n’importe quelle pression du pied sur la pédale, en palier ou à la montée, il faut, à la descente, au passage des caniveaux, sur le pavé et sur les très mauvaises routes, savoir la ménager un peu.
Le guidon, dont je n’ai rien dit, pourra être choisi ad libitum, mais, si l’on veut mon avis, je penche pour le simple guidon droit de 48 cm. entre poignées, qui me botte à merveille et me donne une position moyenne, dont je dois me contenter, à défaut du guidon double. Il faut bien savoir se borner, et j’estime à 3 kg. la surcharge en confortable que porte déjà la «  Randonneuse  » qui, équipée absolument pour la course, ne pèserait que 9 ½ kg. C’est dire qu’on devra la traiter avec autant de ménagement qu’une bicyclette de course de ce poids minime, si l’on veut qu’elle dure.
Les professionnels maltraitent leurs machines, c’est entendu  ; mais on les leur remplace ou on les leur répare. Les randonneurs de l’E.S., ne jouissant pas de semblables avantages, sauront, je l’espère, se montrer économes de leur propre bien, et se rendre légers à leur légère monture, en se dressant sur les pédales, dans les cachots trop rudes.
Si j’avais à préfacer quelque catalogue, je me garderais bien de dire à mes futurs clients ce que leur affirment, sans broncher, la plupart des fabricants  : que mes machines sont incassables, indéréglables, à l’épreuve de tout accident, quelle que soit la façon dont on les mène, le poids qu’on leur inflige, et les chocs qu’on leur fait subir.
Je leur dirais plutôt (surtout quand il s’agirait de bicyclettes de 9 ½ kg., comme la «  Randonneuse  » en tenue de course, c’est-à-dire délestée de ses trois kilos de confortable qui l’alourdissent sans la renforcer)  : que cette machine a été fabriquée avec le plus grand soin pour qu’elle puisse faire longtemps le service régulier de transport rapide sur bonnes routes, auquel elle est destinée. Et elle le fera, ce service, à la condition que vous la ménagiez sur les mauvaises routes, que vous lui évitiez les collisions avec les arbres, les bornes kilométriques et même les gros cailloux, que vous ne la prêtiez pas à des «  cent kilos  » puisqu’elle est faite pour les poids moyens de 65 à 75 kilos, que vous la montiez légèrement, et non comme un sac de farine, etc...
J’ai vu des cyclistes, point dénués pourtant d’intelligence, surpris au delà de toute expression parce que, après avoir buté à 10 km h., me disaient-ils, obliquement contre une borne, leur cadre s’était faussé  ! Un choc de face, si faible soit-il, «  quand le cycliste reste en selle  », suffit à faire ployer les deux tubes du cadre ou la fourche directrice  ; quand le choc est oblique, le cadre tout entier subit une déviation inexplicable pour qui ne sait pas quelle force l’inertie incorpore à une masse de 80 kg. en mouvement.
Ceci, vrai pour une forte bicyclette de route, l’est plus encore pour une légère bicyclette de course et tout cycliste qui se croira qualifié pour monter une «  Randonneuse  » devra bien se pénétrer de cette vérité  : qu’il doit ménager sa monture...
Si les cyclistes, dont je parle, doivent s’étonner de quelque chose, n’est-ce pas plutôt de voir un outil aussi léger, aussi frêle qu’une bicyclette, résister aussi longtemps au travail énorme qu’on lui impose. Quel autre engin de locomotion peut lui être comparé  ? L’extraordinaire résistance de cet assemblage de tubes et de fils d’acier déconcerte tous les calculs, et il a bien fallu que l’empirisme s’en mêlât, car jamais la théorie et la science même n’auraient osé confier à un véhicule de dix kilos la tâche de transporter un individu de cent kg. à 40 kmh. et même davantage à la descente du Col de Porte à Grenoble, pour ne citer que celle-là.
Tous les constructeurs garantissent leurs machines, c’est entendu  ; mais encore faut-il comprendre ce qu’ils entendent par garantie. Ils garantissent leurs machines contre tout vice de construction, sans que cette garantie puisse entraîner, pour eux, d’autre obligation que celle de la réparation ou du remplacement gratuit des pièces reconnues défectueuses  ; et à la condition que le défaut ne provienne pas de négligence, d’abus, de manque de soins, et, a fortiori, d’accidents.
Pour qui sait lire entre les lignes, cela signifie qu’on ne garantit pas que les fourches, tubes, jantes, etc..., ne casseront jamais, que les cônes, cuvettes et billes ne se piqueront jamais, que les chaînes ne se casseront jamais, etc...
Je conseillerais donc, tout d’abord, de ne jamais se mettre en route sans, comme je ne manque jamais de le faire moi-même, s’assurer que la tête de fourche et le tube de direction sont francs de toute fêlure, que les tubes ne se débrasent pas dans les raccords, que les écrous sont bien tous serrés, surtout ceux qui fixent les roues et le guidon, que la commande de mon, ou de mes changements de vitesse est bien réglée, que les câbles ou les tiges à écrous multiples de mes freins ne risquent pas de me lâcher au moment critique.
En moins de cinq minutes, quand on en a l’habitude, on passe sa machina en revue, des pieds à la tête, car 99 fois sur 100, heureusement, il n’y a rien d’insolite.
Les catalogues passent trop vite, sur les dangers que le défaut de soins et de surveillance peut faire courir aux cyclistes. Ceux-ci, je le sais bien, risqueraient d’être éloignés par le constructeur qui voudrait les éclairer de cette brutale façon, et iraient acheter chez les bonisseurs qui garantissent leurs machines pendant cinq ans  ! quelle que soit la manière dont on les traite  ! mais qui ont soin de changer de quartier, ou d’enseigne, tous les six mois, de sorte qu’on ne les retrouve plus quand on invoque leur généreuse garantie.
Sachons donc accepter notre part de responsabilité et quand, par un effort brutal et fait mal à propos, nous cassons une chaîne, ou que, nous laissant lourdement retomber sur la selle, nous démolissons un ressort, n’accusons que notre propre maladresse, ne ressemblons pas aux «  pédards  », qui se vantent d’arracher leur guidon, de tordre leurs manivelles  : «  Hein  ! sommes-nous forts  ?  » Vous n’êtes que maladroits et brutaux  ! Ils feraient mieux d’apprendre à arrondir leur coup de pédale  ; à ne tirer que modérément, et dans le sens convenable, sur le guidon  ; «  à ménager leur monture  » et à s’en servir comme un outil de locomotion et non comme un jeu de massacre. L’effort que l’on fait pour tordre une manivelle ou casser un cliquet de roue-libre est perdu pour la propulsion, et les vraiment bons cyclistes sont ceux qui font du chemin avec leur bicyclette, et non avec de la marmelade.
Donc, qu’il soit bien compris que la «  Randonneuse  » est faite pour randonner à grande allure, sur routes moyennes, quelles que soient les rampes  ; mais que, sur mauvaises routes et surtout aux descentes, elle doit être conduite avec plus de précautions qu’une lourde poly-cyclette de voyage, laquelle a les qualités et les défauts absolument opposés.
Vélocio, «  La randonneuse  », Le Cycliste, 1910, 1960, Rétrospective p.60

 CURE DE PRINTEMPS, 1910

«  J’avais choisi ma randonneuse Luchon-Bayonne munie de trois développements en marche par trois chaînes, 2m,60, 3m,80 et 5m,60 dont les deux extrêmes peuvent devenir 2 mètres et 6m,60 par un déplacement des chaînes. Ainsi armée, avec sacoche et garde-boue léger, ma monture pèse 14 kilos, mais, en ordre de marche, avec bagages et vivres, elle marqua au départ exactement 20 kilos. Elle a des roues de 65 cm., des pneus très souples de 35 mm., des jantes bois et aluminium, une selle oscillante, un guidon quelque peu élastique et faisant office d’un double guidon  ; elle est surtout très courte à l’arrière à l’instar des machines de course sur route dites Stayer et elle a des manivelles de 16 ½ centimètres. Le confortable y est en somme réduit au minimum qui m’est indispensable pour une longue randonnée.  »
«  Il me faudrait donc pour ces excursions mixtes qui commencent par une randonnée de deux jours et finissent par des promenades à la papa de trois jours, une randonneuse plus confortable que ma Luchon-Bayonne qui par contre, est la meilleure monture que j’aie jamais eue pour négocier rapidement une étape de 500 kilomètres en quelque pays que ce soit.  »
Vélocio, «  Cure de printemps  », Le Cycliste, Avril 1910, p. 63 à 72, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_11

 RANDONNÉE PASCALE, 1912

«  À midi et demi, la veille de Pâques, nous quittons St-Étienne. Avec mon compagnon Ch..., nous grimpons, à petite allure et sous un soleil ardent — avec un léger vent du nord dans le dos — au Col du Grand-Bois, où à 13 h. 30, nous attendait Cl..., jeune étudiant parisien en vacances, qui nous étonnera par l’aisance avec laquelle il enlèvera les côtes les plus raides avec une machine ne pesant pas moins de 26 kg alors que celle de Ch... ne dépassait pas 18 kg et la mienne 19. Ah  ! les temps sont changés  ! Je ne remorque plus comme en 1902 et 1903 des 28 et 30 kg. Cependant j’emporte toujours un tas d’objets qui ne me servent guère, et j’en avais, cette fois, pour 5 kg  : enveloppe et chambre de rechange, lanterne garnie et provision de carbure, jambière et pèlerine caoutchouc, chandail, bas, chemises, mouchoirs, serviette, revolver, quatre cartes entoilées et, enfin, un kilo de provisions de bouche  : pain complet, bananes, kalougas et autres cartouches alimentaires. Ma sacoche contenait l’outillage ordinaire augmenté de quelques clefs spéciales et un supplément de nécessaire de réparation. Bref, j’en avais pour 5 kg, alors que Ch... n’emportait que 2 kg.  »
Vélocio, «  Randonnée pascale  », Le Cycliste, 1912, 72-80, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_12

 SAINTE-BAUME ET VENTOUX, 1913

«  Samedi à midi ce fut notre tour, et nous passions devant l’octroi à midi et demi, Ch... et moi en tandem, avec un joli itinéraire en poche. Puis les départs se succédèrent et il n’y eut pas moins de cinq tandems stéphanois, à ne compter que ceux qui se groupent autour du Cycliste, en balade dans le Midi. Et tous, les jeunes femmes surtout, qui ne connaissent encore que les voyages en chemin de fer ou en auto, revinrent avec le vif désir de recommencer au plus tôt. Le tandem sur lequel nous partions est celui qui, le premier janvier, nous emmena aux Saintes-Maries. Pneus très souples de 42 et Whippet de la Gauloise à deux jeux de trois vitesses, de 2m,50 à 8m,15. Échelle des vitesses et dérailleur de chaîne ont été modifiés et nous n’avons eu qu’à nous en louer au cours de cette randonnée de 625 kilomètres. Avec 2m,50 pour nous ménager nous gravissons à 9 ou 10 à l’heure la première rampe de six kilomètres, puis je place la chaîne sur le grand jeu, où elle va rester longtemps, car il nous donne 4m,05, 6m,35 et 8m,10.  »
Vélocio, «  Sainte-Baume et Ventoux  », Le Cycliste, 1913, p.111-117, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_12
Pendant la première guerre mondiale, Paul de Vivie stoppa ses grandes vélochées, sinon une avec son compagnon habituel de tandem, Ch.  : en permission celui-ci voulut retrouver les joies simples de la randonnée. Il roulait toutefois toujours autour de Saint-Étienne pour garder la santé. C’était l’occasion pour lui de revenir à la roue serve, et de mieux comprendre ceux qui la privilégiait  !

 UN RETOUR EN ARRIÈRE, 1916

Il a failli m’en arriver une bien bonne  ! sans Guy d’Ondacier j’allais redevenir partisan de la monoserve tant décriée. Mais mon médiéviste collaborateur s’est indigné et je suis rentré en moi-même  ; bien que je n’aie pas pour cela lâché la vieille monoserve de 1891 que j’ai dénichée dans mon grenier et dont je me sers avec grand plaisir depuis quelques mois.
La longue descente du col des Grands Bois en roue libre, quand il fait froid, m’a toujours été désagréable, non pas que je redoute la pleurésie dont nous menaça le capitaine Perrache, mais j’y attrape facilement l’onglée  : puis les genoux sont un peu raides quand on arrive au bas de la côte, transi et mal à l’aise, juste au moment où l’on devrait, en rentrant chez soi, être en excellentes dispositions, n’avoir ni chaud ni froid ou plutôt chaud que froid.
J’avais donc rééquipé deux vieilles machines pour mon service d’hiver, l’une à deux vitesses la grande, serve, et la petite, libre, par débrayage au pied et deux chaînes dans un carter à bain d’huile, l’autre simplement monoserve et d’allure un peu archaïque avec son pédalier large, ses manivelles à coulisse et la chaîne à gros rouleaux au pas de 25,4 qui fut il y a vingt-cinq ans, si justement estimée quand elle succéda à la chaîne à blocs. Or, la première de ces deux machines me donna moins de satisfaction que la seconde  ; je m’y trouvai moins à l’aise  ; son cadre à doubles tubes extraordinairement rigide me secouait trop en dépit de pneus très gros (45 mm.)  ; tandis que la seconde à cadre ouvert pour dame me donnait un confortable auquel je ne suis plus habitué depuis que je recherche le rendement optime.
La monoserve eut donc mes préférences et comme son développement de 4 m. 60 est un peu fort pour le 7 à 8 % dans la boue ou contre le vent, je fais à pied, tout comme autrefois, les deux premiers kilomètres de la route qui nous sépare de la vallée du Rhône  ; dans le 5 % et même dans les quelques passages à 6 % que je rencontre ensuite, je puis pédaler sans effort anormal, et, au total, je ne perds pas beaucoup de temps à la montée  : j’en perds davantage à la descente, mais c’est tout profit puisque je conserve de la chaleur. D’ailleurs nous ne sommes pas forcés, même à l’E. S., de courir toujours la poste.
Ayant longtemps pédalé sur roue serve, puisque je n’ai accepté la roue libre qu’en 1898, pour ne l’adopter définitivement qu’en 1903, mes muscles n’ont pas protesté sérieusement contre ce retour en arrière et je n’ai ressenti — toujours comme autrefois — une légère courbature des cuisses, qu’après une descente longue et rapide avec grand vent dans le dos, pendant laquelle il m’avait fallu contrepédaler énergiquement. J’ai bien un bon frein sur jante, mais je ne m’en sers pas et je le garde pour les cas imprévus. En général le poids des jambes augmenté d’une très faible pression suffit d’ailleurs pour maintenir l’allure à 20 ou 22 kilomètres à l’heure dans les descentes moyennes à 6 %.
J’ai retrouvé des sensations de ma jeunesse cycliste et j’ai compris la mentalité des cyclistes qui, comme M. L. dont le cas m’avait paru curieux, reviennent à la monoserve après avoir fait un essai loyal de la polylibre. On sent mieux sa machine, on fait davantage corps avec elle, on se dégage peut-être plus facilement dans un encombrement, au milieu de la foule  ; on saute en arrière avec plus de promptitude  ; on sent enfin augmenter nettement sa cadence et moi qui, d’ordinaire, n’aime pas à tourner à plus de 60 tours, je me surprends à tricoter automatiquement en palier à 80 tours  : la pédale remontante, entraînée par l’élan même de la machine, relève plus vivement une jambe paresseuse que ne peut le faire, avec roue libre, le seul poids de la jambe descendante.
Le promeneur et même le touriste peu pressé pourrait donc parfaitement se contenter d’une polyserve si toutefois on en trouvait sur le marché. Mais il m’a paru que la vitesse commerciale serait moindre avec la roue serve et que la fatigue se ferait sentir plus vite à cause du manque des périodes de repos si fréquentes avec la roue libre. Il y a bien les repose-pieds  ! n’en tenons pas compte, ce serait dangereux pour le randonneur. Celui-ci n’a rien à gagner à revenir à la roue serve d’antan, mais les autres et surtout ceux qui pédalent en tout temps, ne se trouveraient pas mal d’avoir dans leur écurie une bonne vieille roue serve du temps jadis.
Il est seulement fâcheux qu’on ne puisse plus avoir des moyeux à plusieurs vitesses et à roue serve tels que furent pendant la décade 1890–1900 le Bi-Gear, le U. et R., le Hub et d’autres encore.
Actuellement je ne vois guère de possible avec roue serve que le système primitif et la poly-chaîne  : et encore celle-ci doit-elle obligatoirement1 avoir roue libre sur les petites vitesses.
Mais on pourrait fort bien n’avoir qu’une roue motrice à deux pignons serves qu’on attellerait pour l’hiver au lieu et place du moyeu polymultiplié et qui serait préparée pour donner deux développements par déplacement de la chaîne.
Vélocio.

(1) Sauf avec les systèmes à baladeur dans le pédalier ou dans le moyeu qui donnent la roue folle entre les deux.

Vélocio, «  Un retour en arrière  », Le Cycliste, 1916, p.24, Source Archives départementales de la Loire cote IJ871/3 

Après la guerre, c’est le col du Rousset qui a les honneurs du retour aux grandes excursions.

 COL DU ROUSSET – FORÊT DE LENTE, 1919

«  On cause en pédalant et l’on a toujours beaucoup de choses à se raconter entre cyclotouristes. Incidents de routes, régions explorées, bagages, pneumatiques, machines, etc. À propos de machines, les nôtres sont assez distinctes. Ch. monte une six vitesses par moyeu BSA et deux chaînes, de 2 mètres à 7 m. 60, bonne marque anglaise  ; L... ne dispose sur son léger routier que des trois vitesses de son moyeu, 3 m. 30, 4 m. 40 et 5 m. 85  ; Émile C .. est le plus polyxé des quatre  ; sa poly est armée d’un moyeu à trois vitesses et d’un whippet à trois pignons  ; il possède donc une échelle de neuf développements qui commence au-dessous de 2 mètres et finit au-dessus de 8 mètres  ; j’ai ma vieille flottante de 1912 à trois vitesses, 3 m. 35, 4 m. 75 et 6 mètres sur cadre de course sur route et moyeu roue libre et frein à contrepédale.
Ch. et L... ont des pneus très souples à toile apparente. Émile C... et moi nous sommes moins bien partagés sous ce rapport et aux moindres descentes faites en roue libre, nous sommes promptement distancés par nos compagnons. Je roule pourtant un peu mieux, parce que de mes deux pneus l’un est très souple et l’autre semblable à ceux de C. . Nous avons très bien pu constater ainsi l’influence des pneus sur le roulement, dont tant de cyclistes se doutent encore si peu.  »
Vélocio, «  Trois expériences  », Le Cycliste, Juin-Juillet 1919, p. 69-74, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_13

 LE TOUR DU MÉZENC, 1919

«  Pour mon compte, sur ma vieille «  Flottante  » de 1912, je disposais de 3,35 m, 4,75 m et 6,10 m, trois vitesses bien échelonnées, mais système de changement de vitesse trop lent à côté de l’instantanéité de la manœuvre du B.S.A. et trop incertain à cause de l’état du sol qui, souvent, m’obligea à mettre pied à terre pour replacer ma chaîne qu’un cahot soudain faisait sauter hors des «  doigts d’acier  » qui la guident. Cela et le pneu de «  facteur  » que j’avais à ma roue avant firent que, toute la journée, je fus une cause de moindre allure pour tout le groupe.  »
Vélocio, «  Le tour du Mézenc  », Le Cycliste, 1919, Rétrospective 1971, p.17-19

 HYGIÈNE ET PHILOSOPHIE, 1921

«  Je tenais, avant d’entreprendre quelque longue randonnée, telle que le grand tour du Dauphiné, par Grenoble, Lautaret, Gap et Valence, à essayer mes forces sur un parcours de 250 kilomètres que je fis souvent avant la guerre et qui est pour l’E. S., en quelque sorte, un terrain d’épreuve.
Le mauvais temps s’y opposa d’abord  ; cependant, le 22 mai, il me sembla que la journée me serait favorable et je me mis en route à 7 heures seulement, ce qui fut une première faute, mais il avait plu jusqu’à minuit et il convenait de laisser le sol se raffermir un peu.
J’avais choisi dans mon écurie ma meilleure randonneuse à pneus très souples collés à la main qui déjà bien usagés, craignent l’eau dont l’infiltration à travers les mille petites écorchures des enveloppes, atteint et pourrit les fils et décolle les chapes.
C’est une bicyclette relativement légère, 13 kilos, à roues de 650 x 35, garde-boue, deux freins sur jante, à quatre développements par bi-chaîne et flottante  : à gauche, 7 m., 5 m. 25 et 4 m. 10 sur embrayage au pied  ; à droite, un tout petit 2 m. 70, que je me propose toujours de remplacer par un 3 m., voire un 3 m. 20, car je le trouve bien faible pour un outil à grand rendement et il ne m’a vraiment été nécessaire que pour faire du remorquage.
Cette combinaison de bi-chaîne et flottante me paraît de plus en plus indiquée à tous ceux qui recherchent le minimum des résistances passives allié à une échelle complète de développements et rien n’empêche de placer à droite deux vitesses au lieu d’une et d’obtenir ainsi cinq développements bien échelonnés, ce qui me paraît être un maximum pour le randonneur  ; il n’y aura bientôt plus que les coureurs du Tour de France, les géants de la route, pour en désirer un plus grand nombre, car le temps n’est plus où Desgranges raillait la polyxion et écrivait dans l’«  Auto  » du 25 août 1902, immédiatement après le premier concours du T.C.F., qui avait révélé la supériorité des bicyclettes à changement de vitesse  : «  Je voudrais que les jeunes gens considèrent ces résultats comme une chose qui ne les regarde pas. De mon temps, nous n’abordions pas la difficulté en la tournant, mais nous allions droit à elle, bien en face, et nous triomphions par nos muscles et notre volonté. Une multiplication était chose qu’on ne choisissait pas à la légère, mais une fois prise, nous ne la lâchions plus et nous montions les côtes avec les seuls moyens du bord. C’est une belle chose de monter une forte côte et de pouvoir se dire en haut  : je n’ai pas triché  !
«  Allons, les jeunes, les vigoureux, les énergiques, dites-vous bien que ce que vient de faire le T. C. F. est une aimable attention de sa part... pour vos papas et vos mamans.  » Et, dare-dare, l’«  Auto  » institua le Tour de France et continua de railler de plus en plus fort la poly, conviant les touristes à venir se mesurer sur le terrain avec les Faber, Garrigou et autres dompteurs des côtes.
Mais le bon sens et la raison reprennent toujours leurs droits et la polyxion s’infiltra dans le Tour de France, d’abord sous forme de relais de machines diversement multipliées les coureurs étaient toujours monoxés, mais leur unique développement était ici 4 m., là 5 m. ou 6 m. et même 7 m. Puis ce fut Georget qui installa deux couples de pignons sur sa machine et voici que, cette année, l’«  Auto  » recommande à ses coureurs de munir leurs bicyclettes de quatre couples de pignons et leur assure que, grâce à ces quatre développements, ils obtiendront plus de vitesse avec moins de fatigue  !
Desgranges a la boîte crânienne très dure, à l’épreuve des poings de Dempsey, il a fallu frapper dessus pendant vingt ans pour y faire entrer cette simple vérité, qu’il faut en mécanique équilibrer la puissance avec la résistance en faisant varier la longueur du levier par lequel la première agit sur la seconde, et que devant cette loi il n’y a pas de différence entre jeunes et vieux, entre coureurs et touristes. Mais voici qu’au moment où Desgranges conseille à ses coureurs de se polyxer, des cyclotouristes, le Dr Ruffier dans la Revue du T. C. F., G. Rozet, dans le Miroir des Sports, d’autres encore ailleurs, nous conseillent de laisser là tous les perfectionnements mécaniques ou de les tenir pour peu importants et de nous munir, pour cyclotourister, simplement d’un mono légère et rendant bien, puis d’une bonne paire de jambes et d’une bonne tactique de pédalage, donc, exactement ce que conseillait Desgranges il y a vingt ans  !
Voilà certes de l’imprévu, une bizarre évolution, un comique chassé-croisé  !
Dieux immortels, s’écriait je ne sais quel sage, je me charge de mes ennemis, mais défendez-moi contre mes amis. Nous faudra-t-il recommencer contre le T. C. F. la campagne que nous menâmes dès 1896 contre l’Auto  ?
«  En fait, et sauf exceptions rares, écrivait Bourlet en 1898, la bicyclette ordinaire à un seul développement suffit toujours.  »
On semble revenir à cette formule dont nous pensions avoir fait justice en démontrant par des faits maintes fois répétés que la polyxée permet à quiconque, fort ou faible, entraîné oui non entraîné, de tirer le meilleur parti de ses propres moyens, quels qu’ils soient. Et nous prétendons, en nous servant des formules mêmes du Dr Ruffier, que le cycliste qui dispose d’une certaine force, qui possède une bonne technique de pédalage, qui a une machine à bon rendement fera deux fois plus de chemin ou se fatiguera deux fois moins avec une poly qu’avec une mono  ; et nous prétendons aussi qu’il n’est pas nécessaire d’être un athlète pour cyclotourister en tous pays et que le cycliste qui ne réalise que d’une façon très imparfaite, les trois conditions ci-dessus peut, grâce à la poly, faire quelque chose alors qu’avec la mono il ne ferait rien du tout.
Je m’étais appliqué à mettre au point ma machine moi-même, pour me conformer au précepte du «  Cycliste  », mais je m’y pris sans doute mal et ma patience philosophique fut mise à une rude épreuve au cours de la journée. Ainsi, je n’avais pas fait 3 kilomètres en grimpant dans le terrain très détrempé de la côte de Planfoy, que, sous un coup de pédale un peu dur, l’axe de la roue motrice glisse dans les pattes de tension et le pneu se bloque sur le tube de chaîne. Ce n’est pas grave, mais il ne faut pas tarder à remettre les choses à leur place, sinon en quelques tours de roue on use l’enveloppe jusqu’à la toile et voilà un pneu bien malade. Mon pneu avant a été justement éraflé de cette manière et son existence en sera fatalement abrégée, malgré le soin que je prends de coller sur la blessure de la toile ou de la feuille anglaise, afin d’empêcher la chape de se décoller.
Après Bicêtre, dans le bois Farost et jusqu’à Saint-Genest-Malifaux, la route est dans un état déplorable  : ornières profondes pleines d’eau, trous de grandeurs variées, boue épaisse cachant des lits de cailloux, bancs de sable où l’on s’enlise, tout est réuni pour le déplaisir du touriste. De Saint-Genest à Marlhes, ce n’est guère meilleur et ma légère randonneuse danse tellement, est secouée de telle façon, qu’après un passage particulièrement mauvais, à mi-chemin de Marlhes et de Dunières, j’entends un grincement bizarre qui me fait vivement mettre pied à terre. J’engage les cyclotouristes à ne pas hésiter à faire de même dès qu’ils entendront un bruit suspect, et je pourrais citer maints exemples de cas où le désir de se rendre compte de la provenance d’un léger craquement se reproduisant par intervalles, a prévenu des chutes graves  ; une tête de fourche en train de se casser craque ainsi quelquefois. Dans mon cas actuel, il s’agit de la roue directrice qui a pris un tel jeu que la fourche n’est plus assez large pour en modérer les oscillations, tellement qu’au premier examen je crois l’axe cassé et, sans hésitation, je tourne bride et regrimpe à toute petite allure avec mon 2 m. 70. Mais, chemin faisant, je réfléchis et j’en suis bientôt à penser que mon observation a été trop précipitée et mes conclusions trop promptes. Je remets ma machine sur le dos et ne tarde pas à constater qu’il n’y a là qu’un déréglage énorme, dû sans doute à ce que les écrous n’ayant pas été suffisamment bloqués n’ont pu résister aux vibrations excessives d’un sol trépidant  ; le cône mobile s’était dévissé en même temps que les écrous, et les billes, heureusement retenues par la graisse consistante qui les enveloppait, étaient encore là. Il suffit de procéder à un réglage minutieux, à serrer à fond les écrous et je n’eus pas d’autre ennui de ce côté.  »
Vélocio, «  Hygiène et philosophie  », Le Cycliste, 1921, p.37-42, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/3

 RANDONNÉES EXPÉRIMENTALES, 1921

«  Je traversai donc le passage à niveau à la gare d’Andance à 4 h. ¼ précises. J’avais cette fois, pour épargner un peu ses pneumatiques si éprouvés par mes deux randonnées précédentes, laissé à l’écurie ma randonneuse à grand rendement et j’avais choisi ma flottante de 1912 dont les pneus moins souples mais moins fragiles sont à l’épreuve d’une baignade prolongée. Cette machine ne me donne que 3 vitesses par déplacement à la main  : 3 m. 30, 4 m. 75 et 6 m. Elle a donc moins de confortable et moins de rendement tout à la fois. Si j’avais dû pédaler de compagnie, je ne l’aurais pas prise, mais quand on voyage seul, on ne s’aperçoit guère du plus ou moins de rendement de son outil  ; on va à l’allure qu’il permet, voilà tout.  »
Vélocio, «  Randonnées expérimentales  », Le Cycliste, Sept 1921, p.65-70, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/3

 RANDONNÉE PASCALE, 1923

«  J’ai de nouveau choisi ma randonneuse à 4 vitesses par bichaîne et flottante et j’espérais être à 5 h. 30 à Andance, mais je n’y fus qu’à 6 heures, tant je suis, à la descente, gêné, la nuit, à cause de mes faibles yeux, par des tas de choses, et peut-être aussi par l’excès de prudence dont s’accompagne la vieillesse.  »
Vélocio, «  Randonnée Pascale  », Le Cycliste, juillet-août, 1923, p.73-75 Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_14

 MEETING PASCAL, 1924 (LES BAUX)

«  J’avais choisi une randonneuse à cinq vitesses par bi-chaîne et double flottante, mais je n’en utilisai que trois  : 7 mètres, 5 m. 25 et 3 m. 30  ; des pneus de gros calibre, 650 x 42 m/m, me protégèrent contre les trépidations et les cailloux flottants, si bien que toute crevaison me fut épargnée.  »
Vélocio, «  Meeting pascal  », Le Cycliste, Mai-juin 1924, p.60-62, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_14

Bien que cette machine ne prît pas ce jour-là la direction de la vallée du Rhône, on ne résistera pas à cet extrait qui présente la manière de Vélocio de retaper des vélos inutilisés, ici en «  vélo tout terrain  »  :

 EXCURSIONS DU “CYCLISTE”, 21 FÉVRIER 1926

«  Au début de la saison, j’utilise volontiers mes excursions dominicales pour essayer différentes machines et me rendre compte de leurs défauts et de leurs qualités. J’ai donc laissé à l’écurie, le 21 février, ma légère randonneuse à 4 vitesses, je suis parti sur un véritable carrosse de gala pesant en ordre de marche 20 kilos, construit pour être utilisé quand bon semblerait comme vélo-moteur et il l’a été pendant 1.500 km  ; après quoi son propriétaire dégoûté du Lutetia qu’il avait fixé sur la roue arrière, a voulu s’en servir comme d’une simple bicyclette. Mais le dispositif de polixion prévu pour aider le moteur ne pouvait convenir à une bicyclette et, en fin de compte, cette machine est entrée dans mon écurie. Je l’ai dépouillée de son harnachement et je l’ai dotée provisoirement de deux développements, 4 m. et 4 m. 80, par deux chaînes et débrayage au pied. Voilà deux gros défauts  : poids excessif et développements trop rapprochés. Voyons maintenant les qualités de ce carrosse  ; il n’en a qu’une  : un confortable inégalable grâce à ses pneus confort de 45mm et à sa fourche élastique  ; quoique gros les pneus sont souples et rendent bien. J’allais donc pouvoir de nouveau opposer le confortable au rendement.
Nous avons discuté beaucoup autrefois sur la question du confortable et du rendement comparés dans une bicyclette et la discussion reste ouverte.
Je déjeunais de chicorée pure et d’olives noires près d’un feu pétillant en lisant un passage intéressant du traité des devoirs et paresseusement, je laissais fuir l’heure, si bien qu’au lieu de partir dès la pointe du jour, je ne quittai Saint-Étienne qu’à 6 heures et demie en pleine lumière.  »
[...]
«  Quand je quitte l’hôtel, le temps, indécis et même froid jusqu’à midi, s’est nettement amélioré, une chaleur agréable me pénètre, le soleil illumine toute la nature et la joie de vivre éclate partout, violettes et primevères vont éclore et les bourgeons grossissent aux pointes des buissons. Et je me laisse aller dans l’allégresse universelle, mollement bercé par les gros pneus et la fourche élastique de mon carrosse de gala, qui m’a peut-être bien fait tirer un peu plus à la montée, mais qui prend maintenant sa revanche  ; la route est caillouteuse  ; je passe quand même  ; les têtes de chat, les pierres éparses, je ne les sens pas  ; les rechargements partiels ne me gênent guère.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », Le Cycliste, janvier-février 1926, p.10-13, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/3
Et le mois suivant, c’est une autre machine qu’il ramène à la route  :

 EXCURSIONS DU “CYCLISTE”, 3, 4 ET 5 AVRIL 1926

«  Je me suis confié, pour cette excursion de trois jours, à une bicyclette qui date de 1903 et qui me donna, dès sa naissance, la joie des grandes allures, en m’emmenant, en cinq heures, de Saint-Étienne à Digoin (135 km.), ce qui lui valut d’être baptisée mon no 1. Elle fut pour moi la révélation de la machine à grand rendement, car je n’avais monté jusque là que des machines confortables. Je ne tardai pourtant pas à sentir l’épine sous la rose, et les trépidations de ce cadre rigide à l’excès, de ces pneus minuscules gonflés à bloc, me ramenèrent peu à peu vers un type nouveau où le rendement n’excluait pas aussi complètement le confortable, où j’obtenais le premier par la légèreté de l’ensemble et la rigidité de l’arrière-train et le second par les pneus souples et légers de gros calibre jusqu’à 50 et 55mm  ; j’avais dû, pour cela, réduire d’abord à 60 puis à 50 cm. le diamètre des roues. Si bien qu’avec mon n° 5, à roues de 500 x 55, je rééditai, trois ans plus tard, mon record de Digoin en allant de Saint-Étienne à Montélimar (135 km.) en cinq heures, avec vent favorable dans les deux cas.
Mon n° 1 avait pris sa retraite et vieillissait obscurément quand, après avoir passé l’inspection des bicyclettes capables de me conduire au sommet du Ventoux, but de ma randonnée pascale, je constatai qu’aucune d’elles ne répondait aux nécessités de cet itinéraire aussi bien que ce vieux serviteur. Je me hâtai donc de le désempoussiérer, de remplacer un pneu hors d’usage, de m’assurer que le débrayage du changement de vitesse fonctionnait, bref de lui donner tous les petits soins habituels, tout cela un peu trop précipitamment, la veille même du départ. Cette bicyclette, dont il a été souvent question dans Le Cycliste, possède cinq développements ou, pour mieux dire, elle a six jeux de deux vitesses en marche par deux chaînes, à savoir  : 7 m. 30 et 5 m. 30, 7 m. 30 et 4 m. 30, 7 m. 30 et 3 m. 30, 7 m. 30 et 2 m. 60, 5 m. 30 et 3 m. 30 et enfin 5 m. 30 et 2 m. 60. Si dans la vallée du Rhône le vent m’est favorable, le jeu de 7 m. 30 et 4 m. 30 est tout indiqué  ; sur d’assez longs parcours, celui de 7 m. 30 et 5 m. 30 est utilisable, surtout pour négocier à vive allure la plaine monotone derrière un compagnon  ; en deuxième position, on est plus à l’aise avec 7 m. 30 et, si l’on doit mener le train à son tour, 5 m. est préférable  ; on peut même, en emballant avec 5 m., passer soudainement à 7 m. et vivre assez longtemps sur la vitesse acquise pour qu’on n’ait pas besoin de réduire la cadence, d’où notable accroissement de l’allure moyenne. Le jeu de 5 m. 30 et 3 m. 30 est évidemment le plus utile  ; c’est celui qui me conviendra pour les six premiers kilomètres de rampe dure. Les déplacements de chaîne pour passer d’un jeu à l’autre se font en quelques secondes, grâce à un crochet spécial, et les chaînes sont toujours également tendues, sans qu’elles flottent ou qu’elles aient besoin de galopins tendeurs. Mon n° 1 est par excellence l’outil du randonneur dont le moteur doit avoir assez de souplesse pour qu’avec un jeu de deux vitesses en marche bien choisies en vue du travail à effectuer, il puisse pédaler longtemps sans éprouver le besoin de modifier son jeu. Il évite ainsi toute complication, toute résistance passive et tout risque d’être arrêté en cours de route. Même le cas de rupture d’une roue libre n’est pour lui qu’un désagrément et il peut continuer son voyage, car il dispose encore de tous ses développements et se trouve dans le cas des partisans du système primitif (déplacement de la chaîne à la main) que Lyon-Routier et de nombreux cyclotouristes patronnent encore. Ce désagrément me surprit en pleine descente, en arrivant à Andance, sur les bords du Rhône  ; la roue libre de ma chaîne de grande vitesse ne se cassa pas, mais un contre-écrou s’étant dévissé, l’embrayage en grande vitesse ne se fit plus. J’aurais pu m’arrêter et remettre les choses en état, mais j’étais à ce moment accompagné de deux bons déraillistes, parisien et stéphanois, que je ne voulais pas retarder, et je me contentai de placer ma chaîne unique sur 5 m. 30. Comme je prends toute chose de son bon côté, je me dis que j’allais faire une expérience intéressante et me mis à tourner à 80 tours, car nous filions plutôt à 25 qu’à 20 à l’heure.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », Le Cycliste, mars-avril 1926, p.22-28, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/3

 À LA TRAPPE D’AIGUEBELLE, 1927

«  J’avais choisi ma bicyclette Ballon à deux vitesses, 6 m. 10 et 3 m. 50 par flottante. Je ne sais pourquoi je n’ai pas encore doté cette machine, des quatre développements que je juge indispensables sur un outil de tourisme  : deux moyens, 3 m. 25 et 5 m. 25, qui suffisent presque toujours, et deux extrêmes, 2 m. 50 et 7 mètres, pour les circonstances exceptionnelles. Au fait, je sais bien pourquoi  : c’est qu’il me répugne d’enlever à cette bicyclette quoi que ce soit de sa simplicité et de sa légèreté, et je crois que je vais me contenter pour la saison prochaine de remplacer la flottante à deux vitesses par une autre flottante à trois vitesses  : 3 m., 5 m. et 7 m., à quelque chose près, l’échelle que je réclamais dès 1897. Je ne complique en rien et je n’alourdis que de 150 grammes.  »
«  Ma Ballon a maintenant plus de 6.000 km. à son actif, cinq crevaisons à son passif et ses pneus, chose surprenante, ne paraissent pas usés le moins du monde. Il y aurait lieu d’en féliciter le fabricant qui a su allier le confortable au rendement et à la durée, s’il n’avait eu l’idée saugrenue de laisser tomber ces bons pneus façon main et de les remplacer par de mauvais pneus moulés, vulcanisés, durcis, en bois, vous dis-je. Attrape, Dunlop  !  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste” À la Trappe d’Aiguebelle  », Le Cycliste, Nov.-Déc. 1927, p.94-99, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/3

 RANDONNÉE PASCALE, 1928

«  Puisque je suis condamné à randonner, me dis-je, randonnons et rentrons par la route  ; ce me sera l’occasion de soumettre à plus rude épreuve ma bicyclette Ballon n° 2 dont c’était le premier long voyage. Ma Ballon n° 1 est mon Aumon qui, depuis février 1927, a mis a son actif, d’abord en mono, puis en flottante, ensuite en dérailleur, plus de 9.000 km. Je me suis fait construire pour cette année une Gauloise à pédalier très bas, arrière court, cadre ouvert qui en permet l’accès aux dames, aux ecclésiastiques et surtout aux cyclistes âgés qui aiment pouvoir s’arrêter sans quitter la selle et se dégager rapidement  ; au lieu du col de cygne simple ou double qui caractérise les bicyclettes de dame, j’ai repris le dispositif des Gauloises de dame d’il y a vingt-cinq et trente ans dont je retrouve quelques squelettes dans mon grenier et auquel les Anglais sont venus l’an dernier  ; les tubes cintrés sont remplacés par deux tubes droits parallèles qui rendent un cadre ouvert à peu près aussi rigide que le cadre actuel des bicyclettes d’hommes. Ma Ballon no 2 est trixée  : 6 m. 60, 5 m. et 3 m. 30, par flottante, elle a des ballons façon main, demi-couverts, de luxe, sur jantes acier de 650 C. Elle pèse, avec ses larges garde-boue, ses deux freins Roc, une vulgaire selle 4 fils qui est pour moi la meilleure selle du monde, ses pédales à scie, larges, pour recevoir les semelles débordantes de mes sandales, son guidon Trial et sa pompe, juste 15 kg.
Je l’avais mise au point par quelques sorties préalables et, la veille du départ, Mme Masson m’ayant fait, comme il y a deux ans, la bonne surprise de venir de Paris à l’improviste, prendre part à notre excursion pascale avec deux de ses camarades du club des Audax, nous allâmes l’après-midi à Rochetaillée, et ma Ballon n° 2 termina là ses cent premiers kilomètres. Les montures de mes trois compagnons, qu’un incident malencontreux retarda tellement le lendemain que je ne pus les avoir un seul instant à mes côtés, différaient essentiellement de la mienne. Mme Masson elle-même, que j’avais vue munie pour donner l’assaut, et avec quel brio, au Ventoux, d’un dérailleur à six vitesses, ne montait cette année qu’un poly primitive à retournement de roue, la machine à la mode sans doute à Paris, que j’aurais aimé pouvoir juger à l’œuvre le lendemain. J’ai donc doublement regretté qu’une fatigue stomacale d’un des leurs ait empêché ce trio de bonnes pédales de me rejoindre à 7 heures à Valence  »
[…]
«  Ma Ballon n° 2 m’avait amené jusque-là sans me causer le moindre désagrément  ; la pluie, la boue n’empêchaient pas la chaîne flottante de fonctionner et mes délicats Ballons de luxe se comportaient aussi bien qu’auraient pu le faire des ultravulcanisés. Il en fut d’ailleurs de même jusqu’à mon retour et aujourd’hui encore, après le premier millier de kilomètres, je n’ai pas remarqué chez eux la moindre défaillance et (cela c’est une chance) pas eu de crevaison, pas même un coup de pompe à leur donner. Je traverse sans doute une période de veine et, dès demain peut-être, vais-je crever coup sur coup. Avec les pneus, il faut s’attendre à ces retours de fortune et je souris quand j’entends un cycliste se féliciter de la qualité de ses pneus parce qu’il n’a pas encore crevé. Des pneus indifférents aux clous et aux épines ne seraient pas plus souples que des Ducasble et crèveraient le cycliste à tous les tours de roue  ; ce serait autrement pire que d’user tout un sachet de rustines  ! Des pneus souples, minces et légers comme je ne cesse de les conseiller doivent être, au contraire, très sensibles aux perforations et, s’ils ne crèvent pas, c’est simplement parce qu’ils n’ont pas rencontré de corps perforants sur leur route. On peut pourtant, part des arrache-clous judicieusement placés, les protéger contre les attaques brutales des clous, et j’avais pris la précaution de placer avant mon départ sur ma Ballon no 2, les chaînes croisées de mon ami Durieu à qui je suis redevable aussi (si ce n’est à lui, c’est à son frère) de la vieille touricyclette qui me sert depuis 1905, pendant la période hivernale où la neige et la boue rendent nos routes presque inaccessibles aux machines à chaîne. Je finis aussi par croire, tant j’ai peu crevé pendant les 9.000 km. de ma Ballon no 1 qui n’eut jamais, elle, d’arrache-clous, que les pneus Ballons comme les Conforts des autos, échappent, grâce à leur souplesse, aux morsures des silex, des pointes de verre et même des clous  ; seuls sont à redouter les pinçons, les épines... et les épingles de la malveillance.
J’ai donc tout lieu d’être satisfait de ma Ballon n° 2, comme je l’ai été de ma no 1. Aussi je songe déjà à m’en construire une troisième avec des roues de 550 mm, des ballons de 60 mm, un cadre de forme toute nouvelle pour ceux qui n’ont pas connu le cadre Holbein  ; et cette Ballon no 3 pèsera, s’il ne dépend que de moi, dix kilos, comme ma Sumbeam de 1892, sans pourtant avoir recours à ces nouveaux alliages, Conlov ou Duralumin, qui sont cassants comme du verre et qui, s’ils allègent de 20 % une bicyclette, la rendent de 50 % plus fragile à ce qu’on m’assure, car je n’en ai pas fait encore l’expérience.  »
Vélocio, «  Randonnée pascale  », Le Cycliste, mars-avril 1928, p. 31-33, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_15

 3 JUIN 1928

«  J’avais d’ailleurs sous la main ma Ballon no 2, toute poussiéreuse encore des 380 km. de l’itinéraire des 27 et 28 mai, et c’est elle que je choisis.
Cette bicyclette, qui m’a servi à Pâques, à Pentecôte, dans plusieurs excursions dominicales et qui me sert presque tous les jours, peu ou prou, pour mes courses en ville, a maintenant près de 3.000 kilomètres à son actif  ; ses pneus façon-main demi-couverts de luxe, ne semblent pas fatigués le moins du monde et je n’ai encore à son passif qu’une seule crevaison. Voilà de bons états de service.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », mai juin 1928, p.39-40, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/4

 EXCURSIONS DU “CYCLISTE”, MARS AVRIL 1929

«  Nous causons longuement, pendant que M. J... se restaure à son tour  ; on a tant de choses à se dire entre cyclistes expérimentés, documentés par une longue pratique et qui défendent chacun son point de vue. Nous ne sommes pas d’accord sur tous les points, et pas plus que M. J... ne voudrait se servir de mes machines légères à pédalier bas, sans cale-pieds, à seulement trois vitesses par flottante, je ne voudrais monter la sienne, et nous avons l’un et l’autre de bonnes raisons à donner pour justifier nos préférences.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste” », Le Cycliste, Mars Avril 1929, p.30, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_15

 RANDONNÉE D’AUTOMNE, 1929

«  J’ai ma Ballon n° 2, à cadre ouvert, pneus façon mains, trois vitesses  : 6 m. 50, 5 m. et 3 m. 30, par flottante. Comme d’habitude, j’emporte une enveloppe et une chambre de rechange, et je conseille à tous les ballonnistes d’en faire autant, car il est vain d’espérer pouvoir se ravitailler en pneus en cours de route, pas plus en B qu’en C. Une enveloppe roulée convenablement sur elle-même en une couronne de 30 cm. et fixée sur le garde-boue, sous la selle, occupe peu de place, ne me gêne pas et me sert même de porte-bagage. Jusqu’ici, je n’avais jamais eu besoin de m’en servir, mais cette fois je fus bien aise de la trouver, après une fâcheuse collision avec un tesson de bouteille qui, aux environs de Montélimar, trancha net mon pneu avant  : chambre et enveloppe furent entaillées de 8 cm. et ne pouvaient être réparées sur place.  »
Vélocio, «  Randonnée d’automne  », Le Cycliste, 1929, p.100-102, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/4

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