Plage
samedi 20 juillet 2024, par
De l’importance de multiples développements 1901
« Quand nous disposons de l’après-midi du samedi et de la matinée du lundi, notre programme s’allonge et nous pouvons en ces 48 heures aller passer quelques heures sur le bord de la mer aux Saintes-Maries, au Grau-du-Roi, à Saint-Chamas, et même à Marseille. Les routes sont belles de ce côté et très roulantes, à la condition de n’avoir pas le mistral dans le nez. On peut aller coucher le samedi soir à Orange ou à Pont-Saint-Esprit, être le dimanche matin à 9 heures sur les bords de la Méditerranée, en repartir à une heure et remonter aussi haut que possible afin de n’avoir le lundi matin que 120 ou 150 kilomètres à faire pour rentrer au logis.
Quand on trace de tels itinéraires devant un touriste banlieusard, pour qui 100 ou, au grand maximum, 150 kilomètres représentent le summum de déplacement dominical dont une bicyclette est susceptible, on le fait bondir, et, neuf fois sur dix, il vous traite de gascon. »
Sur le terrain 1901
« Une de nos promenades favorites, au printemps et à l’automne, quand nous pouvons disposer de deux jours, est d’aller prendre un bain de mer à Berre, à l’Estaque, aux Saintes-Maries, au Grau-du-Roi, environ 600 kilomètres, mais des kilomètres faciles. »
Excursion de Pâques 1901
« Nous continuons pendant quelques kilomètres dans la direction de Berre jusqu’à ce que nous trouvions un bout de plage assez abrité des regards indiscrets pour prendre un bain complet, agréable et hygiénique délassement ; puis nous flânons jusqu’à six heures sur les bords de l’eau, avides d’aller plus loin et retardant le plus longtemps possible le moment de tourner bride. »
Excursion de l’ascension 1901
« Après un excellent repas, à 2 h. 1/4, nous descendons — ignorants de ce qui nous attend — sur la plage, que nous devons, d’après le programme, suivre jusqu’aux Saintes-Maries ; ces 32 kilomètres ont été le clou de l’excursion. Nous sommes dans des parages semblables à ceux où s’est perdu la Russie, une plage de sable fin que la mer bouleverse à tout propos : mais la mer est aujourd’hui relativement calme et tout d’abord nous nous tirons assez bien d’affaires. La difficulté consiste à rouler aussi près de l’eau que possible sur le sable mouillé, car, sur le sable que le flot ne vient plus lécher, il est impossible de rouler et difficile de marcher. Nous apprenons vite à contourner les franges d’écume, à descendre avec la vague qui se retire et à remonter avec celle qui revient à l’assaut du rivage ; de temps en temps, cependant, nous sommes pris en défaut et nous n’arrivons pas à protéger nos pneus contre les baisers de l’onde amère. Après avoir passé la pointe de l’Espiguette, la situation s’aggrave, la mer devient de plus en plus agitée, et il n’est bientôt plus question de suivre les sinuosités des vagues qui s’avancent et se reculent souvent de plusieurs mètres ; il faut carrément rouler dans l’eau, nous nous débarrassons de nos bas et de nos chaussures et, pantalons relevés aussi haut que possible, comme si nous allions pêcher des crevettes, nous pédalons à travers les flots qui montent souvent jusqu’aux moyeux. Et faut-il encore faire attention et ne pas s’écarter trop de la rive, car on risquerait de tomber dans un trou. On roule assez facilement ; parfois, cependant, on se sent arrêté par une main invisible, c’est la roue arrière qui s’enlise dans du sable mouvant, il faut mettre pied à terre, tirer sa monture par la bride et aller remonter plus loin. Quelques vagues plus fortes, dépassant les limites ordinaires, vont remplir à dix mètres des sortes de lagunes et l’on se trouve tout à coup en pleine eau ; pour regagner le bord, il faut alors franchir le chenal qui sert d’écoulement à la lagune et qui est parfois plus profond qu’on ne le désirerait. Au cours d’une de ces évolutions je rencontre un banc de sable argileux très mouvant dans lequel mes roues s’immobilisent et s’enfoncent, je mets pied à terre, et je me sens pris tout à coup jusqu’aux chevilles. Je me couche vivement dans l’eau et arrache non sans peine par une traction oblique mes pieds et ma bicyclette de ce sable perfide. La même aventure arriva à un de nos amis de Beaucaire et nous rendit les uns et les autres plus prudents. Çà et là, à demi enfouis dans le sable, des barriques, des paniers, des pièces de bois, débris de naufrages, abandonnés sur cette plage déserte où, pendant les 4 heures qu’a duré le trajet nous n’avons pas rencontré âme qui vive ; des traces de pas, des câbles retenant des filets, des sillons de roues indiquaient cependant que nous n’étions pas dans l’île de Robinson Crusoé. Enfin, nous arrivons sur les bords du Rhône que nous traversons dans le bateau de la douane et nous voici aux Saintes-Maries jurant, mais un peu tard, qu’on ne nous y prendrait plus. »
En tandem 1916
« Puis on alla au Grau du Roi où C... qui nage comme un dauphin s’ébattit un moment ; l’eau était bonne, mais l’air restait froid. Cette plage est triste ; le sable y est pollué par des détritus de toutes sortes et par des algues que la mer y amoncelle en tas de boue visqueuse. C’est de là qu’il y a une dizaine d’années, je partis, moi quatrième, pour les Saintes-Maries. Il s’agissait de faire une trentaine de kilomètres à bicyclette sur le sable mouillé, piste idéale, quand la mer est calme et qu’on peut suivre le bord de l’eau ; mais quand elle est agitée comme nous la trouvâmes après quelques kilomètres, c’est une autre affaire et je n’oublierai pas de sitôt cette équipée. Nous restâmes assez longtemps au bout de la jetée parmi les blocs de maçonnerie et les pierres énormes qui la défendent contre les vagues ; assez loin, en haute mer, nous apercevions une trentaine de voiles grises qui se déplaçaient lentement ; des bateaux de pêche sans doute occupés à relever des filets. »
Source des extraits : Le Cycliste, Archives départementales de la Loire, cote PER1328, IJ871