Excursion pascale des 29,30 et 31 mars 1902
mercredi 22 mai 2024, par
Excursion pascale des 29,30 et 31 mars.
Départ de La Digonnière, octroi, le samedi à 16 heures précises : Col des Grands-Bois, Boulieu, Andance, Valence, Loriol (114 kil., coucher) ; départ le dimanche à 4 heures : Montélimar, Orange, Avignon (218 kil., jonction avec le groupe marseillais de 9 h. 1/2 à 10 heures) ; Pont-de-Bonpas, Orgon, Salon, Rognac, Marseille (323 kil.. arrivée à 16 heures, visite de la ville, coucher) ; départ le lundi à 4 heures pour 1’Estaque. Carri-le-Rouet, Martigues, Istres. les Baux, traversée des Alpines. Tarascon. Remoulins, Pont-Saint-Esprit, et rentrée le mardi matin, soit à 1 h. 19 par le train, soit avant midi par la route. Dépense probable : 20 francs.
A l’occasion des fêtes de Pâques, nous sommes allés faire notre tour habituel dans le Midi. Et bien nous en a pris ; car, alors que nous nous morfondions sous la pluie à Saint-Etienne, à Lyon et dans tout le centre au point d’en avoir des inondations, ces heureux Provençaux jubilaient sous un soleil de printemps, tempéré par les caresses rafraîchissantes d’un léger vent du Nord.
Pas moinsse. c’était bien héroïque à nous d’oser, conformément à notre programme, partir la veille de la fête à 4 heures du soir, sous une pluie battante. La traversée du plateau de la République et celle des Grands-Bois, dans une boue dont on ne saurait se faire une idée sans y avoir pataugé, nous mirent déjà mal en point. Mais après un long arrêt chez Courbon, la descente à toute allure sur Bourg-Argental, c’est-à-dire douze kilomètres de pluie et de boue, nous assaillant de toutes parts, l’une, projetée en fusées par les roues, nous attaquait de bas en haut, l’autre, tombant dru des voûtes célestes, nous cinglait de haut en bas ; tout cela eut raison de notre constance et nous capitulâmes, entre chien et loup, devant la remise de l’hôtel à Bourg-Argental. alors que nous devions pousser le soir même jusqu’à Loriol ; continuer jusqu’à Andance dans l’obscurité eût été par trop dangereux.
Mon compagnon avait été le plus maltraité ; mais aussi s’embarquer pour un voyage de cette envergure, sans le moindre paquet d’effets de rechange, sans pèlerine et sans garde-boue sérieux ; à vrai dire, c’était son début en cyclotourisme, il s’en souviendra. Quant à moi, suffisamment protégé par ma pèlerine et par un large garde-boue, je n’eus à emprunter à mon bagage que des bas et des souliers, pour me trouver parfaitement au sec. On maugrée parfois contre la surcharge de quelques kilos de bagage dont bien souvent l’on n’a pas l’occasion de se servir, pas plus que de la chambre à air de rechange que tout cyclotouriste prudent n’oublie pas d’emporter, mais l’on est bien aise, le cas échéant, de retirer de sa valise de quoi manger quand on a faim, de quoi se couvrir quand on a froid, et de quoi se sécher quand on est mouillé. On fait le même reproche aux machines compliquées, à moyeux-freins, à polymultiplication ; pourquoi m’embarrasserais-je de tout cela, alors que pour les neuf dixièmes de mes promenades je n’en aurai pas besoin ? Mais survient à l’improviste telle circonstance fâcheuse, vent contraire ou défaillance momentanée, qui vous réduit à l’inaction si vous n’êtes pas armé pour la combattre. Tout compte fait, j’estime que les cinq ou six kilos que je pourrais, à la rigueur, m’abstenir d’emporter, me sont plus utiles que nuisibles, et je n’en dégarnirai pas de sitôt ma bicyclette de route.
Pour pousser une pointe rapide jusqu’à la Méditerranée, je ne choisis jamais une des lourdes et fortes bicyclettes qui me servent dans les Alpes ; néanmoins, ma monture avait quatre développements par pignons doublement contrariés, un guidon à deux étages qui m’a servi puissamment dans ma lutte contre le Mistral, la tige de selle oscillante dont je ne puis plus me passer, une roue libre pouvant être rendue serve en un clin d’œil et deux freins dont un Bowden ; c’est une bicyclette démodée, de 1895, à roues inégales (70-75), qui déplairait à un snob mais que je prise fort à cause de ses qualités de roulement et de solidité ; je l’ai dotée de quelques perfectionnements et elle fera sans nul doute encore un long service ; aussi je ne cesse de donner aux cyclistes qui me consultent le conseil de conserver leurs vieilles bicyclettes tant qu’elles ne laissent pas voir des signes manifestes d’affaiblissement. On vend aujourd’hui à si bas prix les machines usagées que ce n’est pas la peine de s’en défaire.
Quoique je me serve volontiers de changements de vitesse en marche, mes quatre développements : 7m,50, 5m,50, 3m,80 et 2m,75 m’obligeaient à mettre pied à terre pour déplacer, allonger ou raccourcir ma chaîne. Par contre, je n’avais ni double chaîne, ni pignons satellites d’aucune sorte à faire mouvoir. Il m’est encore impossible de dire d’une façon positive si les changements instantanés sans descendre de machine valent mieux, autant ou moins que les changements par déplacement de la chaîne, lesquels exigent une minute environ. Cela dépend évidemment des régions où l’on excursionne, et l’on ne pourra jamais formuler sur ce point de règle sans exception.
Par pignons doublement contrariés, j’entends des pignons qui se regardent tout à fait de travers, et cette solution du problème des changements de vitesse est, au point de vue théorique, déplorable ; au point de vue pratique, elle est excellente, puisqu’avec deux couples de pignons qui, en principe, ne doivent permettre que deux multiplications, on en obtient quatre.
Dans la bicyclette, la pratique a bien souvent fait la nique à la théorie : nous en avons là un nouvel exemple.
La chaîne passant de la roue dentée intérieure du pédalier sur le pignon extérieur du moyeu, ou de la roue dentée extérieure du pédalier sur le pignon intérieur du moyeu, tire avec une obliquité de 9 à 10 millimètres sur les deux développements moyens : elle tire d’aplomb sur les deux extrêmes : dans aucun cas on ne s’aperçoit qu’elle tire mieux ou plus mal, quoi qu’en puissent dire les théoriciens.
Quand les pignons sont simplement contrariés, l’obliquité de la chaîne n’est que de 4 à 5 millimètres, mais deux couples de pignons ne donnent que trois développements au lieu de quatre.
Tout ça, c’est du truquage, concluent doctorale-ment les professionnels de la mécanique ; je l’accorde., mais c’est du truquage qui permet de faire sans fatigue et à peu de frais, kilomètres sur kilomètres. Et comment a-ton été amené à truquer ainsi ? Simplement en observant que sur la plupart des machines monomultipliées, le plan de la roue dentée coïncidait très rarement, après quelques centaines de kilomètres, avec celui du pignon, qu’il y avait souvent un écart de quatre ou cinq millimètres, quelquefois davantage, et que... ça marchait tout de même. Il ne faut donc pas trop s’arrêter aux broussailles de la théorie quand on veut pratiquement aboutir.
Il plut toute la nuit et je commençais à désespérer lorsque, à 6 heures, une éclaircie survint ; j’arrimai à la hâte mon bagage, et mon compagnon étant résolu à prendre le train, je mis seul le cap sur le Midi, à tout hasard, sans bien savoir si j’irais jusqu’au bout. La descente sur Andance par Boulieu, Daveizieux et Saint-Cyr, dans une boue collante, mit ma patience à une rude épreuve, mais combien je fus récompensé en trouvant sur les bords du Rhône non seulement des routes convenables, mais encore un joli vent du Nord qui m’enlevait comme une plume et qui alla crescendo jusqu’au soir.
Prendre mon plus grand développement fut l’affaire d’une minute, et me voila filant à grande allure vers un ciel sans nuages pendant que derrière moi l’horizon restait sombre et que la pluie allait continuer, deux jours durant, à tomber à torrents.
Je ne dirai rien du trajet Andance à Arles, dont j’ai maintes fois parlé et qui m’est devenu si familier que j en connais presque toutes les bornes-fontaines. C’est la partie transport que l’on pourrait tout aussi bien faire en express si l’on était par trop pressé ; mais avec le Mistral pour soi, on ne perd guère de temps à la faire par la route ; ce n’est pas plus fatigant et c’est infiniment plus agréable.
Après Arles j’allais fouler des routes nouvelles et j’entrais dans la partie excursion de mon itinéraire.
Je sors de l’antique cité gallo-romaine par la route de Salon, que je vais suivre jusqu’à Saint-Hippolyte où je m’engage à droite dans un chemin très bon tout d’abord qui à travers la Crau me conduira à Fos 127 kilomètres en moins d’une heure, malgré 7 ou 8 kilomètres de mauvais sol encombré d’ornières et de cailloux roulants, parmi lesquels on ne se dirige qu’avec difficulté. Les yeux, à dire vrai, ne sont pas sollicités par le paysage absolument plat et morne, animé çà et là par quelques troupeaux de moutons qui paissent une herbe rare et par quelques masures blanches et grises qu’avec un peu d’imagination on prendrait pour des voiles figées au milieu d’une mer pétrifiée. Parfois, des bouquets d’arbres entourent une ferme de quelque importance : ce sont les oasis de ce Sahara pierreux qu’on essaie par tous les moyens de fertiliser et qui se montre rebelle.
Bientôt, sur un monticule, je distingue de loin des pans de murs ruinés, débris de quelque château féodal ; c’est d’un très bel effet, et les photocyclistes peuvent y aller d’une plaque. Je suis à Fos-sur-Mer, rendez-vous dominical de la jeunesse qui s’amuse ; une immense farandole m’enferme dans son cercle et m’oblige à mettre pied à terre ; je m’exécute sans rechigner, prêt à acquitter le péage d’usage en pareille circonstance, mais les plantureuses Provençales qui m’ont fait prisonnier m’en tiennent quitte. Ainsi les pêcheurs laissent volontiers échapper sans rançon les vieux marsouins égarés dans leurs filets. Si mes jeunes compagnon- L... et B... avaient été avec moi, ils ne s’en seraient certainement pas tirés à si bon ou à si mauvais compte.
Après Fos, la grande mer bleue m’apparaît, je n’en suis séparé que par le canal et par une étroite bande de terre ; le Mistral agite les flots qui grondent, écument et se cabrent.
Je ne revois jamais la .mer sans en être impressionné, sans me sentir invinciblement attiré par elle, et c’est probablement, si je puis jamais, comme Horace, chanter mon hoc erat in votis, sur les bords de la Méditerranée que je donnerai mon dernier coup de pédale.
Tout en pédalant, je jette un coup d’œil à ce canal de Port-de-Bouc où je m’engageai si sottement, il y a deux ans, pour aller d’Arles à Martigues, au lieu de prendre la route que je viens de suivre et où je faillis laisser ma machine en miettes tant le chemin de halage me secoua.
Le Mistral me pousse rondement vers les Martigues que je traverse sans arrêt, me dirigeant sur le hameau de Saint-Pierre, où des souvenirs d’enfance me ramènent toujours avec plaisir. Je suis en pleine chaîne de l’Estaque : les collines qui constituent cette chaîne s’élèvent à l’altitude maxima de 200 mètres ; des routes bien tracées et bien entretenues les sillonnent du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, et en font une sorte de parc très accessible aux cyclistes, car les pentes ne sont jamais fortes ni longues, et par conséquent ni dures, sauf quand on y rencontre vent debout.
Les coteaux sont boisés, des miniatures de ravins côtoient les routes, quelques vallons y sont fertiles et bien cultivés, quelques sommets y sont restés, pelés et rocailleux, malgré des essais répétés de reboisement.
Si peu qu’on s’élève, on aperçoit au loin la grande ligne sombre des eaux méditerranéennes. Ce coin de la toujours et partout belle France me plaît infiniment ; il est tout indiqué comme lieu de villégiature pour les familles cyclistes qui s’y trouveront plus à l’abri qu ailleurs. grâce au défaut de communications rapides, des banlieusards aux joies faciles et bruyantes. Si quelque chose y manque, c’est l’eau : les rares ruisseaux qui naissent et meurent dans ce minuscule massif étant le plus souvent à sec.
Le soleil s’éteignait dans la mer, et l’ombre crépusculaire s’étendait rapidement autour de moi. quand je dévalais à grande allure sur la Couronne et jusque sur les bords de l’eau furieusement agitée. A 7 heures et demie je mettais enfin pied à terre devant le Grand-Hôtel de Carri-le-Rouet, où trois cyclistes marseillais avaient eu l’aimable pensée de venir m’attendre. J’avais, depuis Bourg-Argental, couvert en 13 heures 290 kilomètres, ce qui ne m’était pas arrivé de longtemps, mais le mérite doit en être attribué à l’excellence des routes et à l’aide du vent qui ne m’avait pas fait défaut un seul instant. Je m’étais alimenté, chemin faisant, de pain et de fruits sans mettre pied à terre, si ce n’est à Arles, où j’avais, en quelques minutes,
absorbé une bolée de riz et une assiettée de pommes de terre ; ma vitesse moyenne avait été de 22 kilomètres à l’heure. Pour des trajets de cette longueur et en pays plat, je ne table en général que sur une moyenne horaire de 20 kilomètres, arrêts non déduits.
Un dîner végétarien me fut servi, sans que s’en offusquât l’ichtyo-et créophagie de mes voisins, docteurs en médecine, qui, à l’instar de beaucoup de leurs confrères, penchaient en faveur du régime mixte, et nous abordâmes les innombrables sujets de discussion cyclotechnique que les cyclotouristes de nos jours préfèrent, avec raison, aux conversations oiseuses. Ces sujets ont été si souvent traités dans Le Cycliste que je m’abstiendrai d’en parler ici.
Carri-le-Rouet n’est qu’un petit village de pêcheurs caché dans une crique du rivage très découpé qui joint les Martigues à Marseille par l’Estaque ; on n’y peut accéder, d’un côté comme de l’autre, que par la mer ou par 15 ou 16 kilomètres de route, très bonne d’ailleurs. Depuis quelques années, un hôtel, fort bien aménagé et dirigé, est à la disposition des touristes et reçoit des pensionnaires aux conditions très modérées de la plupart des hôtels de la côte méditerranéenne. On y est à l’abri du Mistral et l’on a, pour se distraire, d’un côté la pleine mer, de l’autre côté des collines boisées d’où la vue s’étend fort loin.
J’eus en m’éveillant à 4 heures, le lundi matin, une agréable surprise : de mon lit, par la fenêtre que, selon mon habitude, j ’avais laissée toute la nuit grande ouverte,j’apercevais jusqu’à l’extrême limite de l’horizon la mer moutonnante que la lune, au zénith, blanchissait étrangement ; sur cette immensité, et comme si les hommes jaloux de la nature avaient voulu troubler la sereine majesté de ce spectacle par une note discordante, le phare du Planier jetait, par intervalles, sa stridente clarté.
Mes compagnons se lèvent, les appels s’entrecroisent : Debout ! Allons ! c’est l’heure de partir ! Nous nous hâtons, nous bouclons nos sacs et ficelons nos paquets sur les porte-bagages. Puis à 5 h. 1/2. en route pour le retour, que le Mistral, dont la violence s’accroît au lever du soleil, me rendra dur. Nous refaisons en sens inverse une partie de la route que j’ai suivie la veille, jusqu’à Sausset où nous quittons le rivage et, par un vallon ombragé et frais au possible, nous nous dirigeons sur Martigues. Aux Vendrons la beauté du panorama qui se déroule soudain devant nous comme si l’on avait déchiré un rideau, nous empoigne, et le docteur R... cueille deux clichés que je regrette vraiment de ne pouvoir reproduire.
Entre Martigues et Saint-Mitre, déjeuner tiré des sacs ; nous n’avions encore fait que 18 ou 20 kilomètres, mais, avec le Mistral contre soi, cela compte double et nous fîmes largement honneur à nos provisions. Qu’on déjeune bien plus agréablement en plein air, en face d’un beau site, que dans une salle d’auberge, voire dans un restaurant di primo cartello ! voilà un des plaisirs sains et peu coûteux que l’Ecole Stéphanoise offre à ses adeptes.
Saint-Mitre est le point culminant du tour de l’étang de Berre, une promenade dominicale très goûtée des cyclistes de Marseille, d’Arles et même d’Avignon. Istres, que nous atteignons bientôt, est remarquable par la fraîcheur de ses ombrages et par l’abondance de ses eaux, autant que par l’air de parfaite béatitude qu’on remarque chez ses habitants. Que ceux qui ont besoin d’une chemise d’homme heureux aillent la chercher à Istres, ils eu trouveront à foison, et comme l’eau n’y manque pas, il y a des chances pour qu’elles soient propres. A Istres, nous nous séparons : MM. les docteurs R... et M... et leur jeune compagnon se rendent directement à Saint-Chamas, tandis que je vais piquer droit sur les Baux, 33 kilomètres dans l’axe même du Mistral ! La lutte sera vive, je me mets sur 3=,80, saisis les poignées basses de mon double guidon, me couche sur mon paquetage pour offrir le moins de surface possible, et en avant. Je m’applique à ne pas exagérer le travail, afin de n’être pas trop tôt claqué, et je marche à 11 kilomètres à l’heure. C’est peu, mais je sens que je n’arriverais pas à Entresens si je voulais forcer le train. La résistance que j’ai à vaincre est égale à celle qu’un coureur filant à 75 kilomètres à l’heure dans un air calme, éprouverait, car j’estime à 20 mètres au moins par seconde la vitesse du vent. Ce n’est pas de la petite bière !
En dépit de l’économie avec laquelle je vide mon sac, à Mouriès, je sens que mon stock de kilogrammètres est épuisé, et je n’arrive à midi à Maussanne qu’à force de volonté. Deux heures 45 pour couvrir 30 kilomètres qu’en sens inverse j’aurais digérés, sans fatigue, en une petite heure !
Nombreuses fontaines à Maussanne : je procède à des ablutions rendues indispensables par la poussière, et achète du pain qui, avec les provisions, figues, dattes, amandes et chocolat que contient encore mon sac, me suffira, ce jour-là, pour mon principal repas que je vais prendre en montant aux Baux, sur le bord d’un ruisseau. Je grimpe ensuite au village afin d’y rencontrer un groupe d’alpino-cyclistes stéphanois ; d’après leur programme, ils auraient dû s’y trouver, mais j’en suis pour mes frais : mes concitoyens ne sont pas venus, pour la bonne raison qu’ils ne sont pas partis, à cause du temps, sans doute.
Il est 2 heures, je suis seul, le soleil est très chaud et le Mistral plus violent que jamais ; je sais qu’après Valence des routes humides, et après Andance des routes boueuses m’attendent et que, par la route, il me sera impossible dans ces conditions, de rentrer avant mardi à midi. Je me décide à recourir aux bons offices du P-L.-M., et redescends par le Paradou sur Fontvieille, visite en passant les ruines imposantes de l’abbaye de Montmajour, constate l’état déplorable de cette route, très fréquentée par les touristes, et je vais à Arles, passer quelques heures auprès de ma famille en attendant l’express qui me ramènera, dans la nuit même, à Saint-Etienne.
Mon compteur marquait seulement 420 kilomètres ; cette fois, on ne pourra pas m’accuser d’avoir poussé jusqu’à l’abus et d’avoir éreinté mes compagnons. Ceux-ci, en effet, séduits par les attractions marseillaises, retenus surtout par la cordialité de nos amis de là-bas, eurent bien le courage de venir jusqu’à Carri-le-Rouet, pour constater que j’y avais dormi, mais ne poussèrent pas plus loin, et rentrèrent dare-dare dans la vieille cité phocéenne pour en épuiser les séductions, avant de prendre (le plus tard possible) le train de retour.
Excursion dominicale du 6 avril.
Départ à 5 heures : Saint-Christo-en-Jarez. Sainte-Catherine, Saint-Martin-en-Haut, Yzeron, Sainte-Foy-l’Argentière, Bellegarde, Saint-Etienne, environ 140 kilomètres.
Promenade charmante, que quelques gouttes de pluie ont inquiétée au début mais qui a été favorisée ensuite par un très beau temps. Trois dames y ont pris part et ont effectué l’itinéraire de bout en bout sans la moindre fatigue anormale. Nos compliments.
Nous étions quinze au petit déjeuner à Saint-Christo et onze au déjeuner à Sainte-Foy. Quelques accidents de pneumatiques nous ont retardés le matin. Partis à 5 h. 1/2, nous rentrions à 18 h. 1/2. On a surtout apprécié le trajet de Saint-Martin-en-Haut à Yzeron et celui d’Yzeron à Sainte-Foy par Montromand. Le brouillard nous a empêchés de jouir complètement, à Yzeron, de la vue sur le Lyonnais. On distinguait pourtant Fourvières et la tour métallique. Si nous avons rencontré beaucoup de cyclistes et de chauffeurs dans la plaine, nous n’en avons pas vu un seul dans la montagne.
La prochaine excursion dominicale aura pour but les grottes de la Balme.
Vélocio.