Rhône
jeudi 5 mai 2022, par
Le Rhône s’était transformé au cours du 19e siècle, avec l’apparition des machines à vapeur. L’ancienne batellerie se pratiquait avec une décize en barque, et remontée avec les embarcations tirées par des chevaux. Elle apparaît avec des descriptions précises dans Le Poème du Rhône de Mistral. La navigation à vapeur la remplaça rapidement, elle-même concurrencée par le chemin de fer. Elle restait périlleuse, à cause de la rapidité du fleuve, et difficile, à cause de la présence de fonds bas. Suite au plan Freycinet (1878) et à l’action d’Henri Girardon, ingénieur en chef de la navigation du Rhône, le cours du fleuve fut systématiquement aménagé et unifié. Des digues, des épis submersibles perpendiculaires aux rives et des enrochements dans les parties concaves améliorèrent la navigabilité du chenal principal, en favorisant son propre creusement. Si une profondeur minimale fut garantie et les jours de chômage réduits, la puissance du courant fut aussi légèrement augmentée. La circulation fluviale n’en fut pas beaucoup plus importante.
La flotte parcourant le Rhône fin 19e et début 20e était variée. Il y avait des bateaux à aube, des bateaux grappin. Les gabarits étaient parfois impressionnants, comme le Missouri et le Fulton, de respectivement 135 m. et 150 m., parfois beaucoup plus modestes comme des radeaux de tronc de bois descendant depuis la Saône. À la remontée, des trains de plusieurs péniches étaient tirés par des remorqueurs. Sur certaines portions, ce remorquage était effectué par des relais de toueurs. Ces bateaux avançaient à la montée grâce à un câble de 12,5 à 15 km actionné par un treuil et une machine à vapeur, et déroulaient ce câble au fond du lit à la descente. On peut retrouver de nombreuses cartes postales numérisées du Rhône dans les fonds Guy Dürrenmatt et Pierre Rondeau (bibliothèque municipale de Lyon).
Malheureusement Paul de Vivie ne parlait pas de ces aspects lors de ses descentes (sinon le récit d’une joute), ni de la vorgine, végétation caractéristique des berges.
Au 20e siècle, des aménagements hydro-électriques d’ampleur furent menés (ensevelissant notamment la perte du Rhône), régulant aussi la violence des crues. Dans la seconde partie du siècle, l’industrialisation et les changements de modes de vie détournèrent les villes et villages du fleuve. Des saulaies furent détruites, des bras morts disparurent (lônes), des parkings, routes et autoroutes occupèrent de nombreuses rives ou provoquèrent des coupures urbaines, la pollution des eaux fut excessive. Plusieurs centrales nucléaires furent construites, utilisant l’eau du fleuve pour refroidir leurs installations.
Début 21e, un retour aux rives par des aménagements de détente et de loisir s’est toutefois amorcé pour les habitants, avec une amélioration de la qualité de l’eau (sinon une pollution aux pcb au long cours). Pour les cyclotouristes, un itinéraire européen longe dorénavant le fleuve. D’autres inquiétudes apparaissent avec le réchauffement climatique : le glacier du Rhône recule de quelques mètres chaque année.