Les précurseurs de la bicyclette pliante (1898)

samedi 9 avril 2022, par velovi

EXTRAIT DE LA COLLECTION " LE CYCLISTE " JUIN 1898 (rétrospective juin 1948)
Les Précurseurs de la bicyclette pliante

Nous avons eu l’occasion, il y a quelque temps, de rechercher quels pouvaient bien être les véritables inventeurs de la bicyclette pliante, un certain nombre de constructeurs se disputant la priorité à ce sujet et faisant naturellement d’autant plus de musique que leurs prétentions étaient moins fondées.
Nous sommes arrivés, un peu par hasard, à un résultat tout à fait inattendu qui intéressera probablement les vieux lecteurs du Cycliste et qui ne sera pas sans étonner Vélocio lui-même.
Voici, d’abord, ce que nous avons découvert au bureau des brevets, au Ministère du Commerce  :
Dans les premiers mois de 1895, on relève deux brevets relatifs aux machines pliantes  :
1° Le brevet Hénault, 246-977, du 29 avril 1895, lequel est relatif à un tube pliant pour bicyclette.
La machine Hénault qui est une machine à cadre figurait d’ailleurs au Salon du Cycle 1895. Le système d’articulation qui est très solide, et qui donne de fort bons résultats, est une espèce de joint universel, assez ingénieux, avec manchon de recouvrement glissant  ;
2° Le brevet Morel-Gérard, 243-485, du 10 janvier 1895, c’est le brevet de la bicyclette pliante Gérard que tout le monde connaît par la publicité qui a été faite autour d’elle. Il s’agit, du reste, en réalité ici, d’un certificat d’addition, le brevet principal datant du 8 décembre 1894  ; mais, chose singulière, ce brevet principal ne comportait pas de pliage pour la machine, il s’appliquait seulement à une machine à corps droit, ayant sa selle au-dessus de l’axe de la roue arrière. Ce dispositif, imité d’une vieille machine anglaise qui n’avait pas réussi, le Broncho, avait pour but de donner, autant que possible, à la bicyclette, les propriétés du monocycle que les inventeurs considéraient comme «  l’idéal  » (?) du mode de locomotion vélocipédique.
En 1894, on trouve le brevet Noël, 231-164, du 27 juin 1894. La machine décrite dans ce brevet est presque identique comme articulation et comme aspect général, à la pliante Morel-Gérard, qu’elle précède de six mois. Ce n’est donc pas du tout, ainsi qu’on l’a prétendu à tort, un bicycle, mais bien une machine à corps droit.
Le manchon glissant qui maintient l’articulation est une sorte de verrou à baïonnette, d’un système analogue à celui des fermetures de culasse à vis de l’artillerie française. Il comporte en effet trois secteurs lisses et trois secteurs filetés, ce qui permet un serrage solide et rapide.
Le brevet Noël est un certificat d’addition à un brevet du 27 juin 1893.
En remontant, plus haut, nous trouvons, d’abord en 1893  :
1° Le brevet de l’articulation Gladiator qui est de décembre 1893. C’est le système qui a été appliqué aux machines Gladiator essayées à l’Ecole de Joinville en 1896. Après la réussite de ces essais, le même système a été adopté aux machines commandées par le Ministère de la Guerre pour les manœuvres de l’Est en 1897, machines actuellement en service au 26e régiment d’infanterie à Nancy  ;
2° Le brevet Simon, 232-424, du mois d’août 1893. Ce brevet s’appliquait à une bicyclette à cadre, qui paraît avoir servi de modèle à la bicyclette autrichienne Czeipek. Il a été ensuite appliqué à des tandems convertibles fort ingénieux et très solides, mais malgré tous ses avantages, il n’a pas eu de succès, probablement faute d’une réclame suffisante  ;
3° Le premier brevet Noël qui est du 27 juin 1893.
Ce brevet ne comporte à vrai dire la description d’aucun organe mécanique. Il revendique simplement  : la disposition de une ou plusieurs charnières (qu’il ne décrit pas) sur les pièces du cadre qui peut être ainsi replié sur lui-même en vue de faciliter le transport de la machine.
Le croquis joint au texte n’indique pas non plus la disposition de la charnière, et ne comporte même pas de direction pour la roue avant.
Le brevet Noël de 1893 ne revendique donc en réalité qu’une idée, un principe, sans donner les moyens de réalisation pratique aux constructeurs.
En continuant les recherches dans les années antérieures à 1893 on ne trouve plus rien, et en particulier on ne trouve aucun brevet pour machine pliante à cadre, contrairement à ce que l’on a souvent prétendu, probablement dans un but de réclame.
On voit donc qu’en bornant ses recherches aux seuls brevets, on serait amené à conclure que l’inventeur de la bicyclette pliante, au point de vue légal, c’est-à-dire le premier qui a réalisé pratiquement une machine de ce genre, serait M. Simon, puis viendrait la Maison Gladiator, que suivraient M. Noël, MM. More ! et Gérard, M. Hénault, etc, etc.
Mais si l’on recherche maintenant quel est celui qui, sans la réaliser, a eu le premier l’idée de la bicyclette pliante, on trouve d’abord M. Noël avec son brevet 231-164 du 27 juin 1893, qui n’est, comme nous l’avons indiqué, qu’un brevet de principe puis, en remontant plus haut, on trouve... Le Cycliste lui-même.
Voici en effet ce qu’on lit dans Le Cycliste, du mois d’octobre 1891  :
«  Maintenant quels sont les engins qui conviendraient le mieux pour tenter cette rude épreuve (Il s’agit d’une exploration armée). Avant tout des machines robustes, tout en étant assez légères pour pouvoir être portées sur le dos, de plus, pliantes et facilement démontables, ce qui n’est pas le diable à trouver.
«  Quelques tricycles porteurs pour les vivres et pièces de rechange, et aussi quelques tandems convertibles, à trois ou quatre places, pour les malades et les blessés.  »
Cet article portait la signature bien connue du Docteur Vélo.
Mais il y a plus fort encore, dans Le Cycliste du 1er mars 1889, page 61, l’auteur d’un article fort remarquable sur la Vélocipédie militaire lequel signe simplement de l’initiale M., s’exprime ainsi  :
«  Nous demanderions aussi que la bicyclette du cycliste militaire puisse se démonter, pour qu’avec des courroies ou des bretelles, elle soit facilement transportable à dos d’homme  ; cela doit être possible et permettrait de passer partout. Dans les endroits accidentés, où il est nécessaire de porter l’instrument, ce n’est pas son poids qui gêne, mais la difficulté qu’on éprouve pour le saisir.  »
N’est-il pas curieux de voir ainsi décrire, il y a neuf ans, la bicyclette pliante et son emploi tels que les décrivent aujourd’hui les plus ardents propagateurs du nouvel (?) engin  ? Tout y est, jusqu’aux multicycles de pièces de rechange.
L’idée était, du reste, aussi simple qu’ingénieuse, et elle devait venir de suite à tout homme intelligent qui s’occuperait de la question. Il n’en a pas moins fallu plusieurs années pour que cette idée si juste fit son chemin. Rien ne prouve d’ailleurs que cette idée ne remonté pas encore plus haut que les articles du docteur Vélo et de M. M.., mais nous n’avons jusqu’ici rien trouvé à ce sujet antérieurement à 1889.
Le docteur Vélo est bien connu de tous les lecteurs du Cycliste. Quand à l’écrivain distingué que dissimule l’initiale M., nous n’avons pu arriver à percer son incognito. Ces deux messieurs n’en sont pas moins, jusqu’à nouvel ordre, les véritables précurseurs de la bicyclette pliante. Il est vrai qu’ils n’ont pas jugé à propos jusqu’ici de monter pour cela au Capitole, en déclarant qu’ils avaient sauvé la patrie.
Ils avaient cependant là une belle occasion de se poser en inventeurs méconnus, et, à leur place, je n’hésiterais pas à parler bien haut de procès en contrefaçon. C’est si facile dans notre fin de siècle de faire de la musique  !
Et Vélocio se doutait-il qu’il recelait ainsi des précurseurs dans son sein  ?
Plaisanterie à part, quelle mine de renseignements précieux que ce vieux Cycliste, et comme on fait bien de le relire de temps en temps  ! C’est du reste ce que déclare M. Bourlet, qui, dans la nouvelle édition de son Traité des Bicycles et Bicyclettes parus le mois dernier, ne se fait pas faute d’indiquer combien Le Cycliste lui a été utile pour la rédaction de cet ouvrage à la fois si intéressant et si documenté. C...

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