Gauloise à 2 ou 4 vitesses

jeudi 18 avril 2024, par velovi

Une vieille chanson 1898

Une des bicyclettes que j’ai le plus longuement essayées a deux multiplications extrêmes 2 m. 80 et 8 m. 20 et deux multiplications moyennes de 4 mètres et 6 mètres  ; je ne pensais pas au début avoir beaucoup à me servir des deux extrêmes et il se trouve que je m’en sers tout autant que des deux moyennes  ; il est vrai que notre région très accidentée nous présente des résistances de toutes sortes, pentes raides et vents adverses très violents qui justifient l’emploi de 2 m. 80 et puis j’ai pris l’habitude de faire les descentes avec 8 m. 20 un simple frein sur la roue directrice et de la prudence. Grâce à cette combinaison, j’ai fait, un des rares dimanches de mai où il n’a pas plu, le tour de Saint-Chamond, La Valla, le Bessat et retour par Rochetaillée, 46 kilomètres pendant lesquels on s’élève d’abord de 500 mètres à 600 pour redescendre à 350 et remonter d’une tirée à 1.200 mètres, après quoi une pente continue, vous ramène à 500. Malgré la montée initiale très douce du reste, je suis allé, avec 8 m. 20 jusqu’à Saint-Chamond, de là au Barrage, rampe douce, j’ai pris 4 mètres et du Barrage à la Croix-de-Chaubourey 2 m. 80  ; enfin de la Croix à Saint-Étienne, j’ai fait en 40 minutes à peine avec 8 m. 20 les 17 ou 18 kilomètres de descente. Or, j’avais dans le dos pendant la descente un bon vent du sud que j’avais eu dans le nez pendant une bonne partie de la montée  ; cependant je ne me suis pas senti une seule minute en danger et je n’ai appliqué le frein que de temps en temps  ; tellement on se sent maître de sa machine lorsqu’on n’a pas à remuer les jambes à plus de 60 à 70 coups à la minute  ; ce n’est pas qu’on puisse exercer une bien puissante action sur la pédale remontante, mais le peu que l’on fait, joint à l’action du frein, permet de s’arrêter en quelques mètres. Du reste, le moment vient plus vite qu’on ne le suppose, où la résistance de l’air fait échec à l’accélération de la vitesse et il m’a semblé que sur une pente de 5 à 6 % on arriverait difficilement à dépasser 35 à 40 kilomètres à l’heure en se laissant rouler sans frein et les pieds au repos. Parmi les expériences intéressantes que j’ai faites récemment à Lyon avec développement de 2 m. 80, je citerai la grimpette de Saint-Jean à Fourvière, raidillon de quelques centaines de mètres qui conduit... les piétons à la célèbre basilique, je l’avais tenté sans succès avec 5 mètres et l’on m’a pourtant assuré que quelques cyclistes lyonnais grimpent là avec 5 m. 50. Je les voudrais voir. Donc, quod erat demonstrandum, des écarts de 20 et 25 % entre les deux développements ne sont pas suffisants, et je ne vois nulle part des systèmes de changement de multiplication qui présentent les avantages des pignons accouplés avec lesquels l’écart n’a pratiquement pas de limite. Mais lorsqu’on a une telle latitude, c’est un peu comme lorsqu’on vous laisse commander une bicyclette à votre fantaisie  ; vous vous trompez cinq fois sur dix et vous choisissez des multiplications et une machine qui ne s’accordent guère avec ce que vous avez l’intention d’en faire.
Une vraiment bonne machine est comme le bon vin, elle se fait meilleure en vieillissant et c’est six mois après qu’on sait l’apprécier.  »
Vélocio, Le Cycliste, Mai 1898, republié en mai 1948, p.90.

AMBÉRIEU À AMBÉRIEU, 1898

«  Point de départ et de retour, Ambérieu-en-Bugey où le premier train me dépose à 7 heures du matin. Je n’ai pas jugé nécessaire de me munir de mon appareil de tourisme et d’une bicyclette à 4 vitesses  ; je n’ai en perspective que la montée du Cerdon et j’ai pensé que deux développements 3,40 et 5,90 me suffiraient  ; en fait de bagage je n’emporte qu’un maillot et une pèlerine, ma bicyclette qui est une très forte machine de route à pédalier haut, avec grosses pédales caoutchouc, deux freins, gros pneus Michelin, etc., n’en pèse pas moins 20 kilos  ; le poids ne me gêne que lorsqu’il me faut porter ma machine, mais quand c’est elle qui me porte, je ne m’aperçois guère de quelques kilos de plus ou de moins.  »
Vélocio, «  D’Ambérieu à Ambérieu », Le Cycliste, Août 1898, re-publié en 1948, Rétrospective p.151

Excursion au Lautaret et à la Grande Chartreuse, 1898

Quelques détails sur ma monture et sur mon équipement.
Bicyclette Gauloise, type omnibus, à 4 développements  : 3m30, 4m40, 6m04 et 7m22, pneumatiques Michelin avec jantes bois et aluminium, frein ordinaire sur la roue directrice et, suspendu derrière la selle, le puissant sabot en bois dont j’ai souvent parlé et que j’applique sur le pneu d’arrière, au moyen d’une ficelle, avant d’aborder les longues pentes de 5 % et au-dessus  ; — au-dessous de 5 % ou quand la pente quoique plus forte est courte, le frein ordinaire me suffit.
Ce sabot en bois est si simple de construction et d’adaptation à n’importe quelle machine, que tout cycliste peut, en un quart d’heure, s’en fabriquer un semblable avec un couteau et de la bonne ficelle, deux choses qu’on doit toujours avoir sur soi.
Il est aussi plus puissant que le fagot traîné et n’a aucun désagrément pour les passants, tandis que celui-ci finira par être interdit tant il laisse derrière lui de poussière et d’imprécations.

MONT-BLANC,SUISSE, JURA, 1899

«  A quatre heures du soir, dès la veille, pour éviter un trop long séjour dans les compartiments surchauffés du P.-L.-M.. je partis sur ma fidèle monture dont les cuvettes cette fois avaient été dûment éprouvées et qui, je m’empresse de le dire, ne m’a pas joué le moindre tour désagréable. Par curiosité je la pesai au départ et constatai 22 kilos, j’en pèse 68 ; total  : 90 kilos, retenons ce chiffre qui me servira à calculer mon effort et mon travail dans diverses circonstances.  »

VERS LADITERRANÉE, 1899

«  J’avais fait remplacer sur ma bicyclette le développement alpestre de 2m,50 par celui de 7m, 25 de sorte que je disposais des quatre développements ci-après  : 3m,30, 4m,40, 6m,04 et 7m,25 qui me paraissaient mieux répondre aux routes que j’allais aborder et qui me furent tous utiles. Sur mon porte-bagage arrière j’amarrai un paquet de linge et mon manteau et je suspendis an guidon mon sac-musette où se mêlent les objets les plus hétéroclites. N’ayant pas en perspective de longues descentes je n’emportai pas mon frein spécial et me contentai de faire remplacer le patin en caoutchouc du frein ordinaire par un long patin de buis  ; ma roue directrice était munie d’un compteur de tours et d’une lanterne, car je comptais bien voyager un peu de nuit tant le matin que le soir.  »
Vélocio, «  Vers la Méditerranée », Le Cycliste, 1899 et 1900, p.216-22, p.243-246, p.36-41, Source Archives départementales de la Loire, cote PER1328_6 et Le Cycliste, Décembre 1957, Rétrospective «  Cyclo-Alpinisme à la Sainte-Baume  »

UN RAID DE 600 KM À BICYCLETTE, 1900

«  La veille, mes affaires m’ayant appelé à Roanne, je fis, pour m’affûter les muscles, le trajet entier aller et retour (170 kilomètres) à bicyclette, et nous partîmes, samedi 17 mars, à midi et quart, de Saint-Étienne pour Marseille, avec l’intention d’être de retour le lundi suivant. K..., mon compagnon, est un homme vigoureux  ; dans la force de l’âge (37 ans)  ; il n’avait pour tout entraînement depuis octobre, que deux balades dominicales  ; sa machine est munie de deux développements  : 6 mètres et 4m, 20.
J’étais mieux entraîné et je partais sur ma vieille monture du Galibier, de la Furca, de la Sainte-Baume, armée de la selle oscillante et de quatre développements  : 7m,25, 6 mètres, 4m, 40 et 3m, 30  ; par contre, j’ai dix ans de plus et j’emporte un bagage assez lourd, sans lequel je ne puis me décider à partir, bien que souvent il ne me serve de rien. Toute harnachée, ma bicyclette pèse 22 kilos et, avec son propriétaire sur les reins, elle arrive actuellement à 92 kilos.  »
[…]
«  J’avais pris pour ce raid ma vieille bicyclette à quatre multiplications faute d’avoir encore pu obtenir ma monture 1900 qui fera le voyage de Paris et de Schaffhouse et qui aura, elle, deux ou trois multiplications à droite sur la roue libre et autant à gauche sur la roue ordinaire, si bien qu’elle réunira de quoi contenter tout le monde. Je suis du reste très étonné de l’opposition que l’on fait à la roue libre, alors qu’il est si facile de la fixer et de la transformer en roue ordinaire, si, après en avoir tâté, on se refuse à en admettre l’utilité et les avantages. Cela me rappelle l’obstination avec laquelle je refusai longtemps de me servir de pneumatiques, parce que, dès ma première sortie, j’eus la malchance d’attraper un clou.
J’étais encore un obstiné de même calibre lorsque, en 1896, on me fit essayer un des premiers freins Juhel et que je me plaquai dès le premier virage  ; je déclarai tout net que c’était un casse-cou et que je ne monterais jamais de roue libre. Depuis cette époque je suis devenu moins... obstiné. Ce doit être un effet du régime végétarien que je suis fidèlement, voilà bientôt quatre ans. Croyez-moi, il y a du bon dans ce régime et l’esprit trouve beaucoup plus de lucidité au fond d’un verre d’eau qu’au fond d’une coupe de champagne.  »
Vélocio, «  Un raid de 600 km à bicyclette », Le Cycliste, 1900, p.66 à 72, Source Archives Départementales de la Loire, Per1328_7

DE SAINTTIENNE À CANNES ET RETOUR PAR LES MAURES ET L’ESTÉREL, 1900

«  Mon compagnon R..., jeune homme de 21 ans, est depuis plus d’un an végétarien convaincu et pratiquant  ; il étrennait une bicyclette à trois développements, 3m,20, 4m,40 et 6m,60  ; les deux extrêmes étaient à gauche solidaires du moyeu, et le moyeu à droite sur encliquetage à galets faisait roue libre.
J’avais encore ma vieille bicyclette à 4 développements, 3m,30, 4m,40, 6 mètres, 7,25 et un mois de plus que le mois dernier, ce qui ne tire pas à conséquence lorsqu’on n’est plus qu’à trois étapes de la cinquantaine. Voilà pour les lecteurs qui aiment savoir à quoi s’en tenir sur l’âge et les moyens des narrateurs.  »
Vélocio, «  De Saint- Étienne à Cannes et retour par les Maures et l’Estérel », Le Cycliste, 1900, p.105 à 114, Source Archives Départementales de la Loire, Per1328_7

FORÊT DE LENTE ET VERCORS, 1900

Nous n’avions pas encore, en août 1900, les bicyclettes à changement de vitesse en marche par deux chaînes directes, et cette excursion dans le Vercors fut une des dernières faites avec le système primitif par déplacement de la chaîne sur plusieurs couples de pignons. Ferions-nous beaucoup mieux aujourd’hui avec nos machines soi-disant perfectionnées  ? Peut-être  ! ce serait un essai à tenter l’année prochaine et je le tenterai si quelque néophyte me demande de le conduire dans le Vercors.
Vélocio, «  Forêt de Lente et Vercors  », Le Cycliste, 1904, p. 230 à 234, Source Archives Départementales de la Loire, Per1328_8

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