Compte rendu sportif du Concours des Pyrénées accompagné d’une critique de la performance du vélo-car
Le Cycliste, 1935
jeudi 25 janvier 2024, par
Si certains peuvent penser qu’il y a pléthore de récits et commentaires inspirés des concours de machines de la saison dernière, les organisateurs de celui des Pyrénées sont bien parmi ceux-là qui, sollicités de communiquer les précisions relevées par le chronométreur de l’épreuve, nous ont répondu à peu près par... les Sonnet d’Anvers !
Faisant fi de tous ces mystères, je vais essayer, au moyen de mes notes personnelles, et grâce à la collaboration apportée par plusieurs autres concurrents, d’établir une relation anecdotique et sportive qui pourra peut-être susciter quelque intérêt parmi les cyclotouristes sportifs, Terme générique, dans lequel je mets un sens particulier, puisque les cyclotouristes sont tous des sportifs. Mais j’entends désigner avant tout, les grands et petits randonneurs, amateurs de l’effort pour l’effort, qui sont parmi les meilleurs adeptes du sport désintéressé.
Sans doute cette catégorie compte-t-elle aussi les pédaleurs par amour-propre. Race vitupérée, parait-il, par "l’École Stéphanoise", sauf le jour de la concentration Velocio. Ma foi, je ne ressens pas l’opprobre ; car, abondant dans leur sens, je me permettrai de dire que, sans ces pelés, ces galeux, il n’y aurait probablement jamais eu de Meeting de Chanteloup, ni de Concours de Machines de Tourisme. Au moins en 1934. C’est donc à eux, en premier lieu, que je dédie cet article.
D’autre part, la question de la participation au Concours du T.C.F., de la bicyclette horizontale ou vélo-vélocar ayant également attiré l’attention de nombreux cyclotouristes, j’en profiterai pour préciser, au cours de ce récit, sa situation dans la compétition et les conditions de réalisation, par l’homme et la machine, de la tache considérable que cette épreuve constituait. Pour satisfaire à cette dernière proposition, il est nécessaire que je rappelle, tout d’abord, les caractéristiques principales du vélocar, type Concours des Pyrénées, présenté par la maison Mochet.
Ce modèle de grand tourisme comportait huit vitesses par dérailleur de chaîne, sur roue-libre. quatre dentures au relais intermédiaire, et par double plateau de pédalier. Les roues à jantes Beier étaient équipées de pneus renforcés de 500x53. Freins à tambour avant et arrière. Éclairage par alternateur. Coffre à bagages contenant rechanges et outillage. Poids total, en ordre de marche réglementaire : 20 kgr. 300.
Il est non moins important que je passe, à présent, à la classification du pilote. Autant qu’il m’a été possible d’en juger, et avec l’appui d’opinions concordantes. H. Martin est d’une classe sensiblement égale à celle des Oudart, Cointepas et autres Cottard. D’ailleurs, sur un sujet similaire, L. Cointepas émet, dans La Pédale Touristique du 19 décembre 1934, une appréciation qui n’est qu’en contradiction apparente avec celle-ci. En effet, lorsque ce camarade indique, dans son article, qu’il ne comptait, au départ de Bayonne, d’autre rival dangereux que le seul Oudart, c’est, sans aucun doute, qu’il suppose défavorable le handicap réservé par le vélocar à son pilote. Qu’il fait, en outre, la part des impondérables au détriment de Cottard qui, effectivement, cassera son guidon au cours de la 3 étape, et de Halotel-Brigandet qui seront contraints d’abandonner pour ennuis mécaniques, après avoir dominé sportivement tout le lot.
Quant aux autres concurrents finalistes, je me retrouve avec L.. Cointepas, encore, et, sans doute, pour les placer dans la catégorie des cyclotouristes moyens. Les dames tandémistes restant, sans contestation possible, les super-as de cette randonnée. Ceci dit, passons à l’examen de la compétition.
1 ETAPE : Bayonne-Salles-de-Béarn (170 km.).
Pas de grosses difficultés. Excepté la chaleur torride et le Col d’Osquisch (390 m.), plus dur au naturel que sur le papier. Bonnes routes en général, sauf sur la fin du parcours, comportant de mauvais passages empierrés et graveleux. Bagarre dès le départ, Oudart (N° 3) nous montre, à la sortie de Bayonne, qu’il prend son rôle au sérieux. La caravane s’allonge sur les petites ondulations de la magnifique route de Ste Jean-de-Luz. Les jeunes s’en donnent à cœur joie et foncent comme les grimpeurs, au premier tour de Chanteloup. Mais, comme à Chanteloup, beaucoup tiendront mal la distance. Le vélocar brillant au début, rétrograde quelque peu ensuite, Je le dépasse avant Osquisch, Martin parait rester en dedans de son action, faisant prudemment sa première expérience de la montagne. Il finira d’ailleurs très fort, sur les routes plates de la fin du parcours. Au grand désarroi des pronostiqueurs, qui avaient annoncé la capitulation inévitable de l’homme et de l’engin, dès le premier col rencontre.
Classement de l’étape. Oudart : Moyenne 26 km. 500 ; Halotel-Brigandet (tandem) ; Cottard, Cointepas, Barétaud, Teil, Sounalet, Martin, etc [1].
Le soir, au Casino, apéritif offert par la municipalité, sous les auspices de l’aimable et disert maire de Salies. Chacun soigne sa forme à sa façon, tout en remémorant les superbes paysages rencontrés au long du pays basque, de la Côte d’Argent aux plaines de Navarre.
2 ETAPE : Salles-de-Béarn-Cautereis (155 km.).
En préliminaires du départ, quelques retentissants accrochages se produisent, sous les
Après le rassemblement, toujours mouvementé, des effectifs, le départ est donné, à 7 heures, par le starter inamovible. Pour commencer, une fa meuse grimpette, qui dure six kilomètres, nous amène de 50 à 200 mètres d’altitude, au Calvaire de ’Hôpital d’Orion.
Les Oudart, Cottard (N 12) et Cointepas (N (14) sont, à leur habitude, en tête du peloton, Le vélocar est dans les roues, et même, estimant sans doute inquiétantes les oscillations produites par les démarrages impromptus de Oudart, et le style si pittoresque, en côte, de Cointepas, trouve plus prudent de fausser compagnie à tout le monde. Peu avant le sommet de ce col en miniature, un bolide me passe, c’est le tandem Halotel (N 15), qui fonce avec une énergie peu commune. La route est franchement mauvaise, Cointepas vient d’en être la première victime, je le trouve en train de réparer, quelques kilométres plus loin.
A partir de Narp, reprise de contact avec le goudron. Et, dans la vallée verdoyante du Gave d’Oloron, les distances vont s’accroltre, au béné fice des hommes rapides et aussi du vélocar, qui est passé au contrôle d’Oloron avec près de 10 minutes d’avance sur Oudart et Cottard. Pendant ce temps, le tandem Pitard, qui marche remarquablement, à son ordinaire, me livre un petit chassé-croisé. Il me dépasse à Légugnon, alors que je me ravitaille en œufs frais, chez des parents, bien placés pour la circonstance. Je le rejoins à Oloron, pendant qu’il revient vers le contrôle, placé quelque peu en dehors du circuit. Et, finalement, je l’apercevrai encore une fois, avant l’arrivée, dans les lacets précédant Eaux- Bonnes.
A Saint-Christau, commence la traversée des bois du Bager, aussi périlleuse que pittoresque. La forêt, située en altitude moyenne (col du Bager, 479 m.), dominant la vallée du Gave d’Ossau, est fréquemment envahie par des nuages épais qui dispensent une bruine ou une pluie pénétrante. De ce fait, la route déjà étroite et sinueuse, revêtue, par surcroît, d’emplâtres de terre glaise, est glissante au possible. Martin, notamment, en fit l’expérience, par une cabriole magistrale. Aussi, lorsque Cointepas, qui refait d’autant mieux la distance que le pourcentage devient ardu, arrive à ma hauteur, prudent pour une fois, je laisse filer le célèbre diagonaleur à la pour suite du temps perdu. Voici enfin Arudy et la Thermale N. 3 parfaitement goudronnée. En dépit d’une légère contre- pente, jusqu’à Laruns (523 m.), la moyenne re monte visiblement. Ravitaillement en vitesse à la sortie du village et attaque des préliminaires d’Aubisque. Les braquets minima deviennent de rigueur, un coup de manette me donne la gamme du petit plateau. Pendant que je laisse derrière moi l’Usine Electrique de la Compagnie du Midi et ses conduites forcées cyclopéennes à l’échelle du paysage environnant et que j’abandonne à ma droite la route d’Eaux-Chaudes, par les sauvages gorges du Hourat, je découvre, à chaque boucle de mon ascension progressive, un panorama plus étendu. Le spectacle de la proche montagne aux lointains bleutés de la vallée est tellement grandiose que, sacrifiant, pour un instant, les intérêts de Bourotte , je me transforme en cyclotouriste nonchalant. Il faut l’arrivée de Teil, qui me passe sans vergogne, et l’apparition du tandem Pitard dans les lacets inférieurs, pour me rendre conscience de mes responsabilités. J’arrive au contrôle d’Eaux-Bonnes au moment où Teil disparaît... dans un restaurant. Non sans avoir fait un adepte, en la personne de Barétaud, qui surgit à l’instant. Lors, ayant appris que Martin était passé avec quinze minutes d’avance sur son suivant immédiat, Oudart, et désireux d’en savoir d’avantage, je repars aussitôt.
(A suivre)
G. SOUNALET.
Maintenant, ce n’est plus une plaisanterie, avec 3 m. 10 on trouve quand même de la résistance sous la pédale. Et quand ça dure depuis une ne heure, 2 m. 65 font une heureuse diversion. De puis Gourette, je pédale dans du coton, un épais nuage réduit la visibilité à une dizaine de mètres. Le contrôle imprévu, situé à trois kilomètres du col, est vraiment un contrôle secret. Pour un peu, Je passais sans le voir. J’y apprends que la situation des leaders a subi quelque modification. Martin a perdu toute son avance et même rétro gradé fortement, derrière Oudart, Cottart et Cointepas. Après 1 heure 25’ d’effort soutenu, je suis par venu au point culminant de la journée. Le col d’Aubisque (1.710 m.). Je passe en vitesse un vêtement supplémentaire, et l’infernale descente commence dans le brouillard glacé.
Nulle part, au long de l’itinéraire du Concours des Pyrénées, nous ne retrouverons une route aussi épouvantable, excepté, peut-être, environ deux kilomètres au col du Tourmalet. lei, il s’agit de rouler pendant 18 kilomètres, sur... du ballast de chemin de fer.
Le ravin du Litor (1.388 m.) disparaît dans la brume. Je m’aperçois, cependant, que ça regrimpe à nouveau. Mais après le col de Soulor (1.465 m.), c’est la descente définitive vers la vallée d’Argelès. Le ciel s’est éclairci, le site devient moins sauvage, voici, dans les prairies, les premières maisons d’Arrens. Je me réjouis déjà de me tirer sans avatars de ce périlleux passage, lorsque, dans les derniers virages secs qui acce dent à la route normale, dans le village, je crève deux fois de suite sur ces innombrables éboulis. Comme je n’ai pas la dextérité de Tiercelin, qui répare un démontable dans le temps ou d’au tres changent un boyau, je l’ai vu en Auvergne voici 25 minutes de perdues, au cours des quelles Husson (N° 4) est passé et me distance sans regrets.
Enfin la route est belle, et je fais une descente folle sur Argelès-Gazost (altitude 430 m.), que je traverse en plein marché pittoresque et couleur locale. Une occasion pour acheter des oranges.
La séance de roue-libre est terminée. Cependant, dans la vallée du Gave de Pau, c’est encore dubillard. Hélas, voici l’estocade finale, sous la forme du fameux Limaçon, faisant suite à la dure montée de la sortie de Pierrefitte (450 m.J. Je pense même qu’il y a au moins deux lima çons, car les 10 ou 12% de cette portion d’itinéraire me feraient probablement apparenter à ce paisible mollusque, s’il se trouvait quelque frigunt pédaleur pour faire la comparaison. Mais j’aperçois, là-bas
... ce cher vieux Husson, en proie à des réflexions au moins aussi pessimistes, car je le rejoins, à mon tour, sans coup férir. Il ne reste plus que trois kilomètres à par- courir pour accéder à Cauterets (932 m.), grâces en soient rendues aux bienveillants organisateurs qui auraient pu, tout aussi bien, nous conduire à... Gavarnie. Ce sera pour plus tard. Et, après avoir échangé quelques impressions sur les consi- dérations les plus obligatoires, finissons, roue dans roue, notre étape de l’Aubisque.
Cependant que les as quittent, après leur bain, les mains du soigneur et du masseur, pour prendre déjà un premier accompte sur le repas du soir.
Voici le tableau de chasse de l’Aubisque :
1 Eliminės par accident : Teil, n" 3, rayons cassés, jante hors d’usage, dans la descente de Soulor. Vacher, nº 7, renversé par une auto dans le brouillard du Litord, pédale cassée. Pelletier, n° 10, blessé au genou par une pierre projetée en marche, abandonne.
2 Ordre des arrivées : Cointepas [2], moyenne 19 km. 500 ; Oudart, Cottard, Martin, Sounalet, Husson, etc.
Et la fête continue. Le soir de ce même jour. grandes illuminations dans la montagne, exécutées par les participants au Concours d’Éclairage. Afin de n’en pas perdre l’habitude, nous faisons trois ou quatre kilomètres de grimpette supplémentaires sur la route du Pont-d’Espagne. Con- centration générale aux Bains de la Raillère. Après une mise au point laborieuse de la cérémonie, le processus suivant est adopté, départs espacés de trois minutes, dans l’ordre des inscriptions. Les membres du jury occupant des positions diverses et imprévues au long du parcours à effectuer. Chacun règle ses feux de position, en sorte que les officiels en prennent... plein la vue... D’aucuns y réussissent fort bien, notamment Martin, qui les éblouit... avec son feu rouge....
Enfin, tout se passe le mieux du monde, en dépit de la température quelque peu fraîche pendant les périodes d’inaction. A 22 h. 30, le pare fermé du Casino des Œufs est réintégré, et chacun se met en demeure d’éteindre définitivement les lampions, sur une journée bien remplie.
3° ETAPE : Cauterets-Loures-Barbazan (143 km.).
Ça commence mal pour Martin et moi. Ou, du moins, cela commence trop tôt. Il se trouve, en effet, qu’isolés dans une dépendance de l’hôtel qui abrite la quasi-totalité des autres concurrents, nous n’avons pas été prévenus de la décision prise in extremis, à l’instigation de M. Rivollier, de re- tarder le départ de cette troisième étape. Et ma foi, nous n’apprécions peut-être pas à sa juste valeur l’occasion qui nous est offerte de visiter Cauterets à une heure matinale, pendant que nos collègues font la grasse matinée.
Enfin, ça se tassera comme disent les académiciens. Mais la journée va être chaude, Martin se promettant de l’animer. Nul besoin, d’ailleurs, de cette détermination, car le ciel est sans nuage et nous sommes au mois de juillet. Ce qui fait que la rosée nocturne est depuis longtemps bue, lorsqu’à huit heures nous enfourchons nos ma chines, au signal du starter.
Cette étape est de beaucoup la plus difficile du circuit, avec le col du Tourmalet (2112 m.), Aspin (1497 m.) et Peyresourde (1563 m.). En compensation, nous constatons, au départ, que le Limaçon s’est transformé en toboggan.
Et pendant 10 kilomètres va retentir la chanson des cliquets. Le Vélocar mène la danse avec, dans sa roue, les jeunes premiers habituels, Cointepas, Cottard. Il ne manque que Oudart, attardé par une réparation à la sortie du pare fermé, Faisant confiance en ses moyens exceptionnels, personne ne se soucie de l’attendre.... Des petits groupes se forment, suivant les affinités respectives ou momentanées. Avec le cama rade Barétaud, n 2, nous concluons tacitement un pacte d’association mutuelle qui parait devoir nous mener loin. Après Pierrefitte (450 m.), si le décor ne change pas, l’inclinaison du terrain se modifie à notre désavantage. La pente n’est ce- pendant pas bien sévère jusqu’à Luz-Saint-Sauveur (711 m.), et, tout en roulant à vive allure, en compagnie du tandem Pitard, nº 1, qui nous a rejoint, nous ne cessons d’admirer les sites pittoresques ou sauvages parmi lesquels la route se fraie un passage parfois difficile. Nous formons à ce moment l’intermédiaire entre l’avant-garde et le gros de la troupe composée, derrière nous, par Des portes (n° 13), Husson, Oudart, les tandems Darchieux et Halotel. La dure montée sur Barèges modifie, naturelle ment, les positions el, pendant que nous distançons régulièrement les Pitard, voici que survient Oudart, qui nous passe dans un style, sinon olympien, du moins olympique. Il est plus beau à voir isolé qu’à la tête d’un peloton constate Barétaud, qui n’a pas encore digéré les démarrages de notre leader au départ des étapes précédentes.
A Barèges (1219 m.), le soleil commence à taper dur, il n’est pourtant que 9 h. 30. A quelque chose malheur est bon, car les photographes officiels ou officieux du VI Concours International du T.C.F. en profitent pour nous mitrailler au passage. Mais oncques ne vit jamais les clichés pris au cours de l’épreuve, et que peut-être, d’ailleurs, nous voilâmes....
Le contrôleur bénévole de service, nous apprend quel fut l’ordre d’attaque du Tourmalet : d’abord Cointepas, ensuite, très près, Cottard, Martin et Oudart. Nous volons sur leurs traces, après un stage important de Barétand chez une marchande de primeurs peu diligente. Il est 9 h. 45.
La route du col du Tourmalet est excellente, pour une route de col, elle fut même, dirait-on, goudronnée, Il en subsiste quelques vestiges. Par contre, combien monotone et désespérant devient rapidement l’itinéraire, un soleil implacable règne le long des pentes dénudées et on devine le pas sage culminant au moins une heure avant d’y accéder. Heureusement, les sources ne sont pas profusion, nous trouvons même, presque de plein-pied, une sorte de torrent, qui doit être le gave de Bastan, d’après la Michelin vade-mecum. Comme je suis buveur d’eau à mon ordinaire et que mon compagnon de route n’est pas moins altéré, nous faisons des haltes fréquentes. Trop fréquentes, sans doute, car voilà que se précise au plus proche horizon la silhouette bien caractéristique de la bicyclette Schultz, pro pulsée par ce sacré Husson, ce coriace Husson, Lequel, avec une régularité méritoire, comble peu à peu notre écart et, à la faveur d’une nouvelle halte-fontaine, nous dépasse, car il n’a pas soif... Cette petite perturbation de notre situation dans la course ne nous affecte pas outre mesure, nous savons bien que It’s a long way to... Lourdes-Barbazan. Et c’est le cœur léger que nous entamons les dernières boucles, devenues d’un pourcentage digne du col d’Aubisque, avec un sol presque aussi mauvais. Pour faire diversion à tous ces aléas, nous dépassons toute une cohorte de cyclotouristes des vrais, ils grimpent à pied, parmi lesquels des figures de connaissance, dont M. O. François, célèbre randonneur parisien. Enfin, voici le sommet qui, à l’encontre de celui d’Aubisque, ne s’obscurcit d’aucun nuage, si bien que Percyclo, venu là en supporter enragé, va nous faire bénéficier de ses talents de photographe. Le temps de se familiariser avec l’appareil ultra-moderne que Barétaud incorpore dans les trois kilos obligatoires du paquetage et.... Percyclo opère lui-même, tout en déplorant, évidemment, ne pouvoir cadrer en arrière plan la silhouette, pour lui réjouissante, d’une forteresse militaire, que nous verrions avec joie, pour notre part, transformée en restaurant comme celle de Fort-Lécluse. Cette petite digression prouvant simplement que nous pratiquons une stratégie gastronomique, digne tout au plus du pacifisme intégralement bêlant , dont parlait un jour Percyclo, en Savoie... ou en Picardie.
Sitôt que le déclic a retenti, nous revêtons nos Imperméables, pour éviter un refroidissement trop rapide pendant la descente et, après avoir jeté un dernier regard sur le Pic du Midi de Bigorre, couronné de neige, nous disons adieu à notre portraitiste et fonçons vers la vallée de Campan. Au chronographe : 11 h. 32.
Un kilomètre de route bouleversée par la fonte des neiges et le sol s’améliore considérablement. D’autre part, le tracé de la Thermale n 2 est très favorable, sur ce versant du col, à la vitesse. notre démon familier. Aussi la poignée ralentisseur est-elle reléguée, une fois de plus, au rang des instruments superfétatoires, et les coups de freins eux-mêmes sont des plus rares. La position aérodynamique est naturellement de rigueur. Les bornes, s’il y en avait, défileraient à une cadence proche de une à la minute. Mon jeune ami et concurrent, d’ordinaire plus pondéré, se pique si bien d’émulation qu’il ne me lâche pas de plus de dix longueurs. Toute l’attention concentrée aux surprises de la route, les nerfs tendus et les oreilles bourdonnantes, il nous est peu loisible d’échanger autre quelques exclamations admiratives sur le spectacle merveilleux et terrible que nous dominons à notre droite et qui nous domine à notre gauche.
Dans le fond du précipice, coule un gave miroitant, alimenté par des cascades bondissant de hauteurs vertigineuses. Des sapins, que ne menaceront jamais la hache du bûcheron, sont suspendus à des corniches rocheuses inviolées et de vertes prairies commencent à tapisser les flancs, jusque-là arides, de la chaîne du Père Blanque (2.242 m.). Tout cela défile au rythme d’une projection cinématographique, pendant que monte vers nous te fond de la vallée, que nous devinons plus proche dans le temps que dans l’espace.
Une épaisse couche de brouillard dans lequel nous engouffrent nos machines ralentit opportunément notre ardeur, car au débouché de ce tunnel de brume nous évitons, de quelques fractions de seconde, une avalanche... synthétique constituée par d’énormes troncs d’arbres qu’une équipe d’ouvriers font choir du talus qui sur plombe la route.
Nul besoin d’appuyer sur les 6 m. 50 pour accélérer, passé l’obstacle, il suffit de lâcher les freins et la folle glissade reprend de plus belle.
A cette allure, nous laissons sur place, à grand renfort de hurlements, une voiture de tourisme, dont l’unique ressource à tant d’ignominie restera, sans doute, l’apposition sur la glace arrière du traditionnel en rodage.
Voici l’épingle à cheveux qui précède le pont d’Artigues, nous avons franchi le gave du Tourmalet pour la deuxième fois, laissant à notre droite la cascade de Garet coiffée d’embruns, comme un Niagara en miniature.
Voilà Gripp et les vestiges d’un tramway électrique, dont subsiste seule la caténaire. La pente devient moins forte, il faut même remettre le moulinet en action pour ne pas trop laisser tomber la moyenne, et Sainte-Marie-de-Campan (945 m. alt.) est atteint à 11 h. 53. Bifurcation à droite, sur la Thermale n° 1. La tentation est pourtant forte de continuer à gauche la descente vers Bagnères-de-Bigorre, mais nous résistons d’autant mieux à cette velléité que M. Schultz et Mme Fauvou, officiels représentants de l’itinéraire à suivre, nous désignent la bonne voie d’un geste impératif. Que n’étaient-ils là, lorsque Cottard est passé, s’apercevant de son erreur, quelques kilomètres plus bas.
Après avoir franchi 17 kilomètres en 21 minutes et subi en même temps une dénivellation de 1.170 mètres, nous avons enrichi notre expérience d’une curieuse manifestation physiologique. En effet, nous sommes devenus complètement sourds. Impression tout à fait désagréable qui, heureusement, ne persiste guère plus qu’une dizaine de minutes.
Il reste sept kilomètres à parcourir en altitude moyenne, avant d’aborder le col d’Aspin, deuxième obstacle conséquent de la journée, Aussi pendant que nous remontons l’agreste vallée de l’Adour naissant, sur une route excellente, les musettes sont-elles mises à contribution, si bien qu’elles ont livré tout leur contenu lorsque nous traversons Payolle et atteignons les carrières de marbre d’Espiadet. Dans ce hameau, qui commande les premiers lacets du col, une surprise nous attend.
C’est notre ami Martin qui nous la réserve. Vélocar bien exposé aux commentaires étonnés des indigènes du terroir accourus, notre camarade est attablé sous les frais ombrages de la terrasse du Restaurant-Hotel du Col d’Aspin, avec, devant lui, le café de la digestion. Il nous apprend que le déjeuner absorbé à Sainte-Marie-de-Campan ne passant pas très bien, en raison probable d’un commencement d’insolation, il a donc adopté le principe d’une trêve supplémentaire et réparatrice.
Sur ce, Barétaud, suggestionné sans doute, s’attarde à son tour, pendant que je continue au ralenti avec l’espoir de trouver une ombre propice dans l’épaisse forêt qui couvre ce versant du mont. Espoir prématuré, car le soleil respectant, peut-être, l’heure officielle d’été est déjà à la verticale à 11 h. 45. Effectivement, c’est dans une fournaise qu’il me faut pénétrer. Aucune brise, même légère, ne vient modifier ce potentiel calorique, et, avec ça, pas plus de source ou de ruisselet, que de Martin ni de Barétaud. J’ai gravi progressivement plusieurs replis successifs du chemin sans m’éloigner énormément du point d’attaque en ligne droite, aussi, utilisant ce qui me reste de souffle pour un ultime appel à mes ex-compagnons de route, sans résultat audible, je m’apprête à mettre pied à terre, lorsque consultant montre et carnet de route, je constate subitement qu’il me reste une cinquantaine de minutes pour atteindre le contrôle d’Arreau avant le délai éliminatoire prévu.
Alors, je fonce comme... le voleur qui m’a subtilisé ma Grand Tourisme Concours d’Auvergne, le 15 septembre dernier, abandonnant à leur triste sort mes deux suivants immédiats et toute l’arrière-garde des Desportes, Pitard, Halotel et Darchieux. Quelle hécatombe !...
Une canette en vitesse au baraquement-refuge du sommet, où se prélassent de nombreux purs du Circuit de France, et j’entame une descente vertigineuse et émotionnante, au cours de laquelle j’aurai l’occasion de rendre grâce à Bourotte d’avoir fabriqué un rayonnage particulièrement solide à ma roue avant, mon alternateur, desserré, venant brutalement en contact avec les rayons, sans dommage, alors que je dévale une ligne droite à 50 ou 55 kilomètres. J’ai eu presque aussi chaud que pendant la montée !...
Le panorama magnifique sur la vallée d’Aure qui s’offre continuellement à mes yeux depuis le sommet, a d’autant moins le temps d’épanouir mon admiration, que la route en épingles à cheveux continuelles est, en outre, rendue franchement mauvaise par d’énormes bancs de roches affleurantes. Un coup d’œil, cependant, au classique et pittoresque village d’Aspin, dont je surplombe le clocher d’ardoise à des hauteurs rapidement décroissantes.
(A suivre).
(Suite)
Et, traversant la Neste d’Aure, l’arrive à Arreau (720 m.) quinze minutes en retard sur l’horaire.... mais quarante-cinq minutes en avance, puisque, ainsi que me le rappelle opportunément Husson, que je viens de rejoindre, nous sommes partis une heure plus tard ce matin. D’où décalage. Toutes ces émotions m’ont creusé, aussi pendant que le poulain de M. Schultz, la musette bien garnie, s’en va vers Peyresourde, ultime obstacle, je me mets quête d’un restaurant.
J’en sors, vingt minutes plus tard, l’estomac satisfait, et oubliant ma musette.
Barétaud, tout seul, survient à point pour prendre ma place devant une copieuse omelette au jambon. Comme je repars, j’aperçois Cottard, un bras bandė jusqu’au coude, qui, un fragment de guidon à la main, parlemente devant la boutique d’un mécanicien local. On m’apprend que le pilote de Rivollier a fait une chute dans la périlleuse descente d’Aspin. Décidément, la journée aura été fertile en incidents... et ce n’est pas fini.
Une dizaine de kilomètres de route excellente et ombragée m’amènent à pied d’œuvre, cependant que poussant 5 m. 60, braquet moyen, je récupère des forces légèrement déclinantes, pour livrer à la montagne, avec impétuosité, le dernier assaut de la journée.
Hélas, cette flamme ne dure pas autant que celle prodiguée trop généreusement par l’astre du jour, dont nulle frondaison ne vient à présent tempérer l’ardeur. La montée des derniers kilomètres de Peyresourde, par une route rocailleuse, sous un soleil implacable, dans un paysage désolé, fera époque dans la mémoire des participants au Concours des Pyrénées. Qu’ils soient de ceux qui comptèrent les pierres incandescentes du chemin, ou bien d’autres, tels Halotel-Brigandet, qui, laissant là toute espérance, après une journée de déboires, parvinrent au refuge du col dans l’horreur d’une profonde nuit, parmi le tonnerre, les éclairs et les rafales d’une pluie diluvienne.
Sans doute, le pourcentage de Peyresourde n’est pas bien terrible et s’apparente davantage du côté d’Arreau, à ceui de Port, qu’à celui d’Aubis que. Mais la différence ne paraît ni sensible, ni avantageuse, lorsqu’on doit gravir le flane dénudė de cette montagne, après avoir déjà franchi sans répit Tourmalet et Aspin.
Pour ma part, ayant définitivement renoncé à faire des étincelles, J’ai ramené mon développe ment de 4 m. 50 à 3 m. 25, puis 2 m. 80, avec l’appréhension que la fâcheuse défaillance me barre la route au plus proche tournant. Heureusement, l’eau coule à profusion, quelquefois en cataracte jusque sur la bordure du chemin, et je ne manque pas d’entretenir sur ma tête une fraicheur relative, en me plongeant fréquemment sous une douche revivifiante. Malgré ces mesures préventives, je commence à être victime d’hallucinations, car, un kilomètre avant le sommet, il me semble qu’une silhouette familière se découpe sur la ligne d’horizon.
Voici quand même le port de Peyresourde (1.545 m.). D’un baraquement émerge un contrôleur bien intentionné, mais dont le zèle me parait intempestif ; car, je n’ai plus de temps à perdre. Je lui fais comprendre, au passage, que celle-là on me l’a déjà faite fréquemment depuis Bayonne. Plusieurs fonctionnaires du T.CF. nous ayant assimilé maintes fois aux cyclotouristes du Circuit de France. simples >
Non, mais, voyez-vous ça. Et, désignant sans réplique ma plaque d’immatriculation, qui n’est pas ronde, mais rectangulaire, j’entame d’emblée la descente vertigineuse, à l’ordinaire, sur Luchon.
Un dernier virage, beaucoup trop facile, que je rate, en m’arrêtant à 0 m. 50 du parapet d’un sous-affluent de la Pique, et je pénètre en ville, tout en congratulant in-petto le constructeur de mes freins, qui vient de m’éviter la célèbre mésaventure de H. Barthélémy, dans un Tour de France ancienne manière.
Au contrôle, situé sur une belle avenue, j’ai la surprise d’apprendre que ma signature est la 3" sur la feuille officielle. Seules l’y précèdent celles de Oudart et Cointepas, Aucune trace de Husson...
Ça c’est un peu fort... Je me demande avec inquiétude si je n’aurai pas pris un raccourci pour venir d’Arreau, ou, supposition qui me rassure quelque peu, si mon camarade n’a pas oublié le contrôle de Bagnères. Intuition probable du désagrément qui adviendra à Barétaud, un peu plus tard, dans la soirée.
Pendant que j’échafaude ces hypothèses, en absorbant une majestueuse glace à la vanille, ou à tout autre parfum, voici qu’apparaît la clef de l’énigme, que nous apporte Husson, objet du litige. Il s’était tout simplement égaré dans les rues de Bagnères. Je frémis en songeant à ce qui va lui arriver en pénétrant dans Carcassonne...
Maintenant, il reste 32 kilomètres de plaine à parcourir. Comme nous sommes faits pour nous entendre, notre objectif commun étant la lutte contre le temps, c’est avec le grand braquet que nous filons bientôt le long de la Pique, puis de la Garonne, pour atteindre à 17 h. 25 le terminus de cette 3 et formidable étape, qui s’achève sous les verdures, pour nous édéniques, du pare thermal de Loures-Barbazan.
Agréable surprise : voici les numéros de nos chambres, et voilà des bons pour un bain gratuit, offert par l’établissement thermal. Le tout nous est communiqué par Agnasse, ancien compétiteur, mué en soigneur de l’équipe Rivollier, et qui, grâce à la sportivité de son patron, étend sa sollicitude jusque vers les obscurs isolés >. dont je suis le représentant immédiat, Husson figurant dans le cartel Rivollier-Uldry- Schultz, dont l’homogénéité est surtout évidente à l’heure de la soupe.
Pendant que nous subissons les bienfaits d’une baignade réparatrice, les arrivées se succèdent à d’assez longs intervalles.
C’est, d’abord, le courageux Cottard, qui fait ainsi une belle démonstration d’énergie. Puis, Barétaud avec Martin, le second ayant rejoint le premier dans la vallée de Luchon, malgré une algarade assez vive, sur les pentes de Peyresourde, avec l’homme-au-marteau de célèbre mémoire. Et, en définitive, l’ordre des inscriptions, par M. Mathis, chronométreur officiel, s’établit de la sorte, au soir de la redoutable étape :
1 Oudart (moyen. 18 km.) qui, après avoir dépassé Martin, puis Cottard, dans le Tourmalet, et Cointepas, dans Arreau, doit être arrivé à 16 heures.
2 Cointepas ; 3 Husson et Sounalet, à 17 h. 24 ; 5 Cottard ; 6 Barétaud et Martin ; 8 Desportes. Puis, les tandems Darchieux et Pitard.
Eliminés : Halotel-Brigandet, en raison d’incidents auxquels j’ai fait allusion précédemment.
Au Casino de Barbazan, la vie est belle pour les rescapés de cette dure épreuve. Un concert vocal et instrumental, dans le cadre enchanteur qui nous entoure, nous enlève toute velléité d’aller faire un tour en ville. En attendant le dîner. de multiples boissons sont absorbées, depuis le viandox, jusqu’aux eaux naturelles... et laxatives de la source thermale, en passant par d’innombrables sodas et autres limonades. Martin se montre particulièrement remarquable dans ce genre de compétition.
Enfin, voici le dernier tandem rentré, nous n’attendions plus que lui pour nous mettre à table. Opération quelque peu laborieuse ; car, le propriétaire de l’hôtel à fort affaire avec le surcroît de clients que lui amène le T.C.F. D’importants contingents de participants au Circuit de France, viennent à tout moment rompre l’équilibre des prévisions quantitatives. Il y a des tandémistes, des vélocaristes. M. G. Mochet et un jeune sportif de ses amis, poursuivant en même temps que les buts assignés par les organisateurs du Circuit, une utile tournée de prospection, au moyen d’un superbe Vélocar quatre roues sport. Et des monoïstes, parmi lesquels Mile Allendy, qui fait une entrée d’autant plus brillante et remarquée, que nous étions quelques-uns à l’avoir rencontrée, dans la journée, sur la route d’Aspin, qui est, comme l’on sait, à quelques fameuses pédalées d’ici,
Laissant les équipes reines s’installer sous l’orme, autour de la table d’hôte, Martin, Barétaud et moi, avons choisi un coin de terrasse que ne menace pas l’orage qui s’annonce au lointain. Comme, en raison de l’arrivée plus tardive, nous n’avons pu faire la collation, voire le repas complet intermédiaire des étapes précédentes, nous sommes, après une dépense d’énergie aussi exceptionnelle, animés d’un appétit féroce. Aussi, pour copieux qu’ils soient, et en raison directe de leur succulente, les plats qu’on nous a présentés s’avèrent-ils insuffisants à calmer notre formidable fringale. De sorte qu’ayant déjà dépassé le dessert, sans en laisser de trace, nous guignons d’un œil concupiscent les hors-d’œuvre auxquels s’attardent M. et Mme Pitard, à la table voisine.
Notre parti est vite pris et, à la grande stupéfaction de la serveuse et du maître d’hôtel accouru, nous commandons trois nouveaux biftecks et la suite. Quelques estivants, qui picorent précieusement une portion rachitique, nous observent avec curiosité et peut-être commisération. Mais, sans souci des commentateurs, nous poursuivons ce repas gargantuesque ; car, je dois à la vérité de dire, qu’en fait de biftecks, on nous en servit cinq, ce qui fit huit au total, sans préjudice des plats accessoires et desserts variés. Le tout, naturellement, accompagné d’une quantité proportionnelle de liquides consommables, de couleurs et densités différentes, dont le complément fut, évidemment, un excellent café, qui s’autorisa de l’unique et délectable cigarette de la journée. Entre temps, l’orage a éclaté, semant la panique parmi les tilleuls et les camomilles de la grande table extérieure, dont les occupants se réfugient en hâte sous la tente ou dans les salles de l’établissement. D’aucuns y trouvent leur compte, qui, fuyant l’œil sévère d’un « manager > irréductible, en profitent pour en griller une >.
4° ÉTAPE. Barbazan-Ussat-les-Bains (134 km.).
Après avoir pleuré une partie de la nuit, le ciel a retrouvé son sourire, et notre caravane, vers l’Est s’ébranle à l’heure officielle, sous le signe de l’optimisme. La clientèle et le personnel de l’Hôtel Berger nous encourage du geste et de la voix, tout en réservant ses plus vives acclamations à la machine horizontale et à son pilote. Notre aimable hôte nous accompagne en voiture jusqu’au col des Ares, où il souhaite bon voyage au peloton, déjà passablement étiré. Les au revoir les plus chaleureux lui sont vraiment prodigués par Martin, Barétaud et Sounalet, qui ont eu l’agréable surprise de régler, avant le départ, une facture ne comportant aucune sorte de majoration, sur un prix forfaitaire qui faisait déjà honneur à la perspicacité des distributeurs de panonceaux du T.C.F.
Dans ce joli matin, les cols des Ares (796 m.) et de Buret (602 m.), qui s’apparentent assez au col Saint-Ignace de la première étape, nous pa raissent un charmant divertissement. Mon bon ami Barétaud, avec lequel la route n’est jamais longue, entame une alerte chanson, lorsque nous nous trouvons seuls, ayant été abandonnés par les Oudart, Martin et Cointepas, après avoir laissé derrière nous : Cottard, qui a du plomb dans l’aile. Husson, peu partisan des départs rapides ; Desportes et les tandems.
A Henne-Morte, dans les pittoresques gorges du Gers, affluent de la Garonne, à présent lointaine, c’est la rampe sérieuse qui commence. Le col du Portet-d’Aspet (1.065 m.) n’est plus qu’à 5 kilomètres, et il faut le plus petit braquet pour enlever à l’arraché nos quelques 15+3+X kilogs de machine, bagages et passager, sur des sections de montées terriblement ardues. Les plus dures de tout le parcours avec celles d’Aubisque.
Barétaud est en train de me rappeler l’analogie avec la route du Puy Mary, dans le Concours d’Auvergne, lorsque je l’entends, derrière moi, pousser une bordée d’imprécations. Sa chaîne vient de céder brusquement sous l’effort.
Pendant que j’aide mon compagnon dans ses préliminaires de réparations, survient Cottard qui, du même coup, transforme son retard en avance relative. Comme il disparaît à l’extrémité d’un raidillon, qui frise le 18%, voici qu’arrive à son tour le tandem Pitard. Laissant la valeureuse équipe près de son représentant accidenté, je poursuis mon chemin vers le col, au contrôle duquel m’ont précédé, dans l’ordre : Cointepas, Oudart, Martin et Cottard, depuis peu.
Sans prendre la peine de me ravitailler au restaurant-refuge, je plonge aussitôt sur la vallée pour traverser, à une allure qui me semble être celle d’un bolide : Portet-d’Aspet, Saint-Lary, etc., et rejoindre le G.C. 4, à Audressein. Un grand et athlétique monsieur, porteur du macaron bleu du Circuit de France, quitte, avec moi, le contrôle volant situé au carrefour de ce village et veut à toute force me prendre dans son sillage jusqu’à Saint-Girons. Heureusement, nos itinéraires bifurquent dans cette ville, autrement, mon aimable entraîneur me conduisait tout droit vers la dis- qualification.
Dans les gorges de Ribaouto, où je pénètre en- suite, la route est excellente et le spectacle varié et séduisant. Bien avant le confluent du Salat et de l’Arac, je rejoins Cottard, à qui la solitude commençait à peser. Nous remontons ensemble l’étroite vallée de la rivière qui bouillonne sur son lit de cailloux gris, et dont les flots rapides nous rappellent que nous augmentons régulièrement notre altitude, bien que la route semble en palier parfait. Dans Massat (650 m.), grande affluence, en raison du contrôle de l’épreuve du T.C.F., et aussi du marché sur la place du pays. L’animation atteint son paroxysme autour du Café du Commerce, où la table des officiants et le vélocar de H. Martin sont très entourés. Ce dernier, confortablement installé devant un copieux casse-croûte. Inspiré par son exemple, je me dispose à gober une demi-douzaine d’œufs garantis frais, et qui, en réalité, sentent à telle point la paille moisie, que, malgré tout mon stoicisme, il m’est impossible d’en avaler plus de deux. Un énorme bol de bouillon et une ample provision de brugnons [3]
sont appelés à suppléer à la déficience de ces produits de la basse-cour. La conclusion de ces différentes opérations a nécessité un bon quart d’heure, que l’équipier de Rivollier a jugé incompatible avec son programme personnel ; car, il est reparti après avoir satisfait aux obligations du contrôle, confiant dans les ressources d’une musette véritablement bien achalandée.
(A suivre)
G. SOUNALET.
Compte rendu sportif du Concours des Pyrénées accompagné d’une critique de la performance du vélo-car
(Suite et fin)
A la sortie de Massat, une légère descente nous met en haleine, pour attaquer la rampe de 12 kilomètres, qui va nous amener au col de Port (1.249 m.), en passant par celui des Caougnous (940 m.). Gros succès habituel au pédalage horizontal. Je suis dans la roue de Martin et jubilé à l’avance, chaque fois qu’un spectateur quelconque survient à l’horizon. C’est tellement époustouflant, qu’un troupeau de vaches, qui occupe toute la chaussée, en perd la rumination, et nous oblige à mettre pied à terre, afin sans doute de mieux voir l’engin original qui remplace ainsi le chemin de fer.
La montée, assez rude au début, devient facile ensuite et se poursuit sans incident, jusqu’au moment où un jeune coursier, qui nous accompagne depuis Massat, pique si bien d’émulation le vélocariste que les voilà partis tous deux dans un match dont l’issue ne me parait pas douteuse, dut-il se poursuivre jusqu’à Ussat-les-Bains. Mais, il n’en est rien et, quelques minutes plus tard, je vois redescendre en grand hâte notre éphémère suiveur, qui m’annonce au passage, qu’i défaut de Martin, un orage m’attend un peu plus haut.
Effectivement, quelques coups de grosse caisse sont le prélude d’une ondée violente, qui, d’ail- leurs, cessera presque complètement, au moment ou, ayant mis pied à terre et déplié mon barda, je m’apprête à revêtir une pèlerine caoutchoutée, dont je suis heureux de justifier, pour la première fois, la présence obligatoire dans mon équipement. C’est aussi le moment que choisit Husson, qui n’est jamais bien loin, comme vous voyez, pour me conseiller, au passage, de ne pas m’arrêter pour si peu. Je n’ai plus qu’à remballer tout le fourbi.
Encore six kilomètres de montée facile, gravis sur 3 m. 50, et voici le col de Port, désertique. La route tourbillonne au-dessous de moi, je pense que, dans quelques minutes, la vallée atteinte me restituera tout ou moins ce lâcheur de Husson, qui a l’habitude de descendre prudemment, lorsqu’en traversant le hameau de Prat-Communal, je crève à l’arrière après avoir vraisemblablement talonné sur les cailloutis. En raison de la vitesse exquise, je ne puis m’arrêter avant d’être complètement à plat, d’où une énorme bosse à ma jante en dural, Ayant réussi à réduire cette déformation au moyen d’une auge de pierre comme enclume et un gros caillou comme marteau, je continue par l’autopsie de mes pneumatiques. Entre temps, passe Barétand, dont je decline les services, pour constater, immédiatement après, que mes pastilles à réparation instantanée ne tiennent collé d’aucune manière.
Méfiez-vous des imitations. Il me faut donc recourir à la chambre à air de rechange... réparée l’avant-veille au moyen des mêmes emplâtres... et qui, par conséquent, ne tiendra gonflée que quelques minutes. Les ressources du village ne permettant aucun espoir dans cet ordre de choses, je me prépare à repartir cahin-caha, lorsque, suprême avatar, un dernier coup de pompe fait éclater son raccord... C’en est trop pour un seul homme et je suis prêt à m’abandonner au découragement le plus noir, quand je songe en même temps à l’exemple héroïque de Cottard, et au raccord battam, qui doit se trouver quelque part dans mon paquetage.
Sur les 15 km. de la fin du parcours, je gonfle une dizaine de fois, perdant au total environ 45 minutes de bonification sur la moyenne. En raison de quoi, M. Mathis me crédite d’un superbe 17 km., après avoir attribué généreusement à Cointepas, 1, 19 km. 500 ; 2. Oudart, 3. Cottard, 4. Martin, 5. Husson, 6. Barétaud, 7. Sounalet, etc. Après le bain, c’est le brespal comme on dit
dans la région, traduisez à peu près par breakfast si vous préférez l’anglais, mais l’analogie est simplement originale. En définitive, et comme dirait mon ami Martin, il s’agit tout bonnement de bien se taper la cloche. L’ondée subite d’une queue d’orage rassemble à peu près tous les concurrents dans le salon de lecture de l’hôtel commun à toutes les équipes. Les derniers échos et potins roulent naturellement sur les péripéties de la course. L’épisode sensationnel de la journée est celui qui vit Oudart, lâché régulière- ment dans le col des Ares, combler progressive- ment son retard sur Cointepas et revenir sur sa roue compromettre terriblement l’avantage momentané de celui-ci, pour, finalement, le laisser s’enfuir à nouveau par suite d’une crevaison dans la descente de Port.
Avant le dîner, nous devons satisfaire à l’aimable invitation de la municipalité qui offre un vin d’honneur au Casino. Ce nous est une occasion d’admirer chemin faisant, la situation pittoresque de notre gîte provisoire. L’étroite vallée de l’Ariège, côtoyée de la route et de la voie ferrée vers Ax-les-Thermes, est surplombée par d’immenses murailles rocheuses, percées de grottes mystérieuses.
Pendant qu’avec dextérité, le sommelier verse le champagne, M. le Maire prononce une éloquente allocution à la gloire des chevaliers de la pédale. dont nous sommes, selon lui, de remarquables spécimens. M. Fauveau, président du jury, dont les capacités oratoires dépassent de cent coudées les mérites auxquels il vient d’être fait allusion, lui répond, en notre nom et celui du Touring-Club, par une improvisation courtoise et technologique, qui clôture agréablement cet intermède récréatif.
5e ETAPE Ussal-les-Bains-Carcassonne (144 km.).
A l’orée de cette journée décisive, il y a de la fièvre dans l’air. La nervosité des concurrents qui livrent leur ultime bataille se manifeste déjà à l’ardeur belliqueuse avec laquelle les Oudart et Cointepas attaquent le petit déjeuner.
Martin révèle des intentions tout aussi combatives à la façon dont il élabore son menu particulier qui débute par 3 œufs sur le plat, se continue par te classique grand bol de café au lait-neufs beurre et se termine enfin par 3 nouveaux œufs sur le plat. "Six heures cinquante-cing, chacun s’affaire à l’arrimage des bagages obligatoires, profitant de la bienveillante inattention du redoutable et débonnaire M. Steinès, directeur des opérations, pour donner en douce, qui un coup de pompe, qui un coup de clef ou de tournevis extra-réglementaire avant 7 heures, sortie du pare fermé.
Pour ma part, J’ai simplement défait les papillons de la roue arrière et, au moment où toute l’équipe s’égaille sur la route, j’entreprends le remplacement de ma chambre à air par un tube, à la réparation duquel j’ai consacré d’autant plus de loisirs, la veille au soir, qu’un indésirable noctambule, mis en effervescence par l’approche de la Fête Nationale, a braillé sous ma fenêtre La Chanson des blés d’or jusqu’à une heure avancée de la nuit.
A ma grande surprise, mon collègue Husson, se livre en même temps, et avec beaucoup plus de virtuosité à la même opération. Cependant que je remets ma roue en place, une formidable détonation me fait sursauter. Halotel vous expliquerait cela par le vélo-canon, mais j’aime mieux vous dire qu’il s’agit simplement de la chambre à air du pilote de Schultz quia mis le nez à la fenêtre.
De ce fait, c’est moi qui part le premier, en confiant la lanterne rouge à mon infortuné compagnon. M. Rivollier, qui pilote la voiture-balai de l’épreuve, m’accompagne jusque sur la route, tout en graissant, bien obligeamment, au moyen d’une énorme burette, chaîne, dérailleur, courroies de cale-pieds, etc... Il est déjà 7 h. 15 lorsque je file bon train le long de l’Ariège, que je franchi 14 km. plus loin sur le pont de Luzenac, pour aborder par Unac (670 mètres), le classique petit chemin de montagne qui monte vers le col de Marmare (1360 mètres). Pourcentage moyen, route en corniche ou chaque coup de pédale est un ravissement par le panorama toujours plus grandiose qu’il permet de découvrir. Pour en faire une description satisfaisante, il faudrait une panchromatique ou la plume de Mme Germaine Darchieux [4]. Hélas, je n’ai ni l’une ni l’autre, alors, je me contente de dire que ces regards sur la proche montagne, aux sommets nimbés de neige et les lointaines vallées dont les vivaces couleurs s’estompent dans la légère brume d’une radieuse matinée estivale, sont parmi les plus beaux que nous ayons pu jeter sur les paysages divers de cette grande randonnée et tout à l’honneur des inscripteurs de son itinéraire sportif et pittoresque.
Une zone de brouillards intenses, coïncide avec l’orée de la forêt qui couvre le sommet du col. Une dernière éclaircie me permet cependant d’apercevoir, un kilomètre plus bas, un opiniâtre grimpeur qui doit vraisemblablement porter le n°4 . La visibilité réduite au minimum et les méandres de la route compliquent à tel point la situation, que je tombe littéralement sur le tandem Rivollier, dont les équipiers, bouteille thermos en main, récupèrent les calories absorbées par le nuage qui se condense en gouttelettes fr des et pénétrantes. Leur ayant annoncé la proche arrivée d’un compagnon de route, je poursuis mes chemin vers le col, puis le village de Prades, à la sortie duquel les voitures du T.CF, tous fanions déployés, ont organisé une superbe mise en scène au premier contrôle de la dernière étape. Pendant que, l’œil inquisiteur et soupçonneux, M. Lavenu, contrôleur technique, vérifie mes socs à outillage et paquetage, j’écoute attentivement les explications détaillées et contradictoires, de MM. Violette et Steinès, sur le changement d’itinéraire qui vient d’être adopté pour éviter le 1.C. 20 en pileux état, parait-il.
Le contenu, volume et masse de mes différents bagages, jugé satisfaisant, je suis autorisé à repartir vers le col des Sept-Fréres (1.200 mètres), qui n’est qu’un simple carrefour où je dois prendre à gauche le nouvel itinéraire par Belcaire et Espezel.
Entre ces deux localités, le G. C. 22 se trans forme en nationale, à grand renfort de cantonniers, silex et rouleaux compresseurs. Passage périlleux, où se joua, quelques instants auparavant, le sort de l’étape, dans les circonstances historiques que voici :
Au Col de Marmare, sont seuls en tête Martin et Cointepas. Oudart, retardé par un ennui mécanique, n’ayant pu donner sa mesure dans l’escalade de la montagne. Tout en roulant à grande vitesse vers la vallée de l’Aude, dans la roue du vélocariste déchaîné, Cointepas supputait déjà les veaux, vaches, cochons et couvées qu’allait lui procurer un avantage décisif sur son rivale héréditaire, lorsque, sur le rechargement précité. Martin vit brusquement s’enfuir de sa roue arrière. l’air du pays natal soigneusement conservé jus qu’alors. Première crevaison, c’était bien son tour.
Toujours est-il que l’espoir changea de camp. le combat changea d’âme, lorsqu’un peu plus tard. Oudart trouva sur le bord du chemin notre de gonflé en train de s’expliquer avec ses tringles, démonte-pneus et papillons, et comprit du même coup que la belles était pour Ini. Effectivement, quelque part dans la vallée, du côté de Marsa, le brillant Antonin Magne de la compétition, avait rejoint et dépassé le grand Vietto du Concours des Pyrénées, Pendant que Martin, qui, contrairement à tous les usages. ne versait aucun pleur sur ses espoirs envolés, s’efforçait de ramener, à quelque 40 de moyenne un Barétaud rapidement écœuré et un Cottard indécrochable.
Pour reprendre contact, il me faut traverser un minuscule village dont la rue principale est recouverte d’une épaisse couche de fumier en provenance directe d’étables, bergeries et porche ries, qui s’ouvrent, avec un ensemble parfait, sur cet étroit passage, comme les vitrines du joaillier et du bon faiseur s’alignent dans la rue de la Paix. Quelques centaines de mètres plus loin, je re joins Desportes, n" 13, qui renforce à l’aide d’épithètes virulentes l’impression fâcheuse éprouvée dans ce calamiteux et déshonorant patelin.
Se poursuivant avec le véritable dilettante de la pédale qu’est le poulain de Rivollier, la randonnée menace de tourner à la confusion de mon constructeur qui ne m’a pas confié une per Bourotte à grand rendement pour faire du cyclotourisme à la papa. Heureusement qu’en arrivant dans le sauvage et magnifique défilé de Joucou, nous augmentons le peloton d’une considérable équipe le tandem Pitard, sous l’impulsion duquel les gorges du Rebenty sont descendues à vive allure, malgré le sol en mauvais état et le parcours difficile.
Abordant la N. 118, 64 km. au-dessus de Carcas sonne, nous allons faire une boucle supplémentaire vers Axat (391 mètres), pour y quérir l’estampille officielle du deuxième contrôle. Desportes, en bon disciple de Paul Reboux, Curnonsky et autres gastronomes, en profite pour nous fausser compagnie et se faire servir un repas substantiel et éclectique. Je suis persuadé, d’ail leurs, qu’en outre de ce motif péremptoire, notre camarade conserve quelque inquiétude sur le sort de la lanterne rouge, et désire s’assurer de visu, si celle-ci est en bonnes mains pour sa dernière sortie.
La musette rapidement regarnie, je file derrière l’équipe Pitard, pour, revenant sur nos pas pendant 2 km., pénétrer dans l’inoubliable défilé de Pierre-Lys, où chaque tournant du chemin mérite rait une station admirative. Des rochers titanesques bordent étroitement la rivière torrentueuse, que côtoient ou chevauchent la route et la voie ferrée, suivant les méandres capricieux du ravin. Des tunnels, pleins d’une obscurité fraîche, nous obligent à freiner brusquement pour émerger ensuite, les yeux clignotants, à l’éclatante lumière du ciel méridional. Voici Quillan, contrôle, tout le monde se précipite, nous entoure, nous aide. La machine double a presque autant de succès que sa devancière à pédalage horizontal. Une canette bien fraîche vide et nous repartons en vitesse. La N. 118 devient plus large et bien dessinée, nous entrons dans la plaine, au chant strident des cigales, hôtesses habituelles de l’opulente ramée surplombant la route. Limoux est franchi par le boulevard extérieur et, sur les belles lignes droites devenues monotones avec la chaleur accablante, nous débitons cependant 30 à 35 km., à la faveur desquels le parc fermé de Carcassonne est atteint à 13 h. 03.
Etablissant les 144 km., à 23,500 de moyenne. La pière est donc jouée, elle comportait la distribution suivante : 1. Oudart. 27.500 : 2. Cointe pas, 3. Martin, 4. Cottard, 5. Barétand, 6. Pitard et Sounalet, 8. Husson, ele...
L’étape ayant été relativement facile, les organisateurs profitent des arrivées hâtives pour commencer immédiatement les opérations de classement. Dés 14 heures, sous les coquets et spacieux préaux des écoles Jean-Jaurés, MM. Steinės, Erpelding et Lavenu, pied à coulisse, jauge et microscope aux doigts, inventorient minutieusement les dégâts problématiques subies par nos machines. Tandis que M. Violette, Mme H. Fauveau, crayon et carnet en mains, établissent le bilan crédit et débit de la comptabilité ouverte à Bayonne et alimentée depuis par le formidable dossier constitué par M. Mathis, chronométreur. Puis, pendant que le jury rejoint la salle des délibérations, le sympathique et jovial M. Poignant, grand maître des cérémonies, fait, avec une verve inlassable, les honneurs de l’exposition des ma chines aux notabilités et à la foule carcassonnaise accourues.
Rappelé par d’impérieux devoirs, il me faut reprendre le train le soir même et en disant au revoir à mes compagnons d’épreuve, je leur souhaite d’être à l’honneur comme ils furent à la peine. Mon ami Desportes mérite une manifestation toute particulière de sympathie, en raison de son arrivée dramatique au terminus du parcours : par suite d’une prise de contact entre sa roue avant et celle arrière de Husson, son épiderme nasal a été quelque peu endommagé sur la route de la vallée de l’Aude. Incident qui n’ajoute rien à la vertu supposée du chiffre 13.
Considérations sur les résultats
A la place de la narration des diverses réjouissances qui servirent, parait-il, d’apothéose à la Grande Semaine des Pyrénées, je vais placer quelques considérations sur les résultats réels et fictifs de cette compétition.
1 Classement par les moyennes : Oudart, Cointepas, Cottard me paraissent à leur place dans cet ordre. Le premier s’étant montré le plus vite et le plus régulier sur l’ensemble du parcours. Le second n’ayant pu tirer un net avantage de ses aptitudes de grimpeur. Cottard, exceptionnellement malchanceux, comme on l’a vu dans la troisième étape, après avoir perdu la deuxième sur une crevaison non relatée précédemment, n’aurait pu cependant s’intercaler entre les deux premiers.
Beaucoup plus loin, viendront ensuite les Martin (handicapé ainsi qu’il est dit ci-dessous), Sounalet, Husson et Barétaud, dans l’ordre, avec, entre eux sensiblement le même écart de moyenne qu’entre les trois précédents.
Puis, Desportes, préoccupé uniquement par les horaires éliminatoires, de façon à accomplir sans heurt ni surprise, un parfait voyage touristique.
Enfin, les équipes Pitard et Darchieux, au sujet desquelles je vous renvoie au magistral article de L. Pitard (Le tandem en montagne, Cycliste, mars 1935).
Et maintenant, pour faire corroborer ces assertions avec le palmarès officiel, il me reste à parler du :
2 Classement des machines : Les trois bicyclettes Rivollier (Cointepas, Cottard, Desportes). celle de Uldry (Oudart), de Schultz (Husson), de Pitard (Barétaud), devaient avoir au départ un faible écart de points, donc les positions obtenues sont normalement imputables aux moyennes réalisées. Les pénalisations encourues étant minimes, sauf pour Cottard rupture de guidon et Barétaud qui fut rétrogradé pour un oubli de contrôle. Par contre, la machine Bourotte était nettement infériorisée à Bayonne, d’où sa place finale.
Quant au vélocar, je pense qu’en raison de ses caractéristiques particulières et en dépit de son poids, il partit à égalité avec les plus cotés. Et si, malgré les prodiges d’énergie de son pilote, il ne put que conserver la quatrième place, il est juste de considérer que ce résultat a peut-être dépassé l’espérance de ses promoteurs, car il ne faut pas oublier que la machine nº 6 pesait 5 kilos de plus que la moyenne des autres constructeurs, son pilote était un néophyte de la montagne qui dut souffrir plus que les autres concurrents de la chaleur, en raison de la forme de son siège et dossier et qu’enfin, le Critérium de Chanteloup 1934 était loin d’avoir démontré l’avantage de l’engin sur un parcours accidenté.
Pour tous ces motifs, on peut dire que les espoirs suscités par la bicyclette à pédalage horizontal sont toujours permis, mais ne seront pleinement réalisés qu’après de notables perfectionnements et améliorations, auxquels le 6º Concours du T.C.F. et le valeureux et subtil pilote de la machine nouvelle auront peut-être apporté chacun leur appréciable contribution.
G. SOUNALET (Mars 1935).
[1] En Valence de documentation officielle, j m’inspire des seuls renseignements que j’ai pu recueillir.
[2] Je n’ai aucun indice me permettant de signaler à quel moment Cointepas a pris l’avantage sur Oudart. ni à quel moment le tandem Halotel est passé de la 4 à la x position.
[3] Variété de pêches semblables à de grosses prunes.
[4] voir le Concours d’Auvergne (Cycliste, octobre 1934).