LA BICYCLETTE À PEDALAGE HORIZONTAL
mercredi 5 janvier 2022, par
M. Charles Mochet, constructeur du Vélo-Vélocar, nous communique le texte de la lettre qu’il a adressée aux délégués du Congrès de l’U. C. I., qui a eu lieu le 3 février :
Monsieur le délégué,
Constructeur de la bicyclette dite « à pédalage horizontal », au sujet de laquelle le dernier Congrès de l’U. C. I. a réservé en partie son jugement, je prends la liberté aujourd’hui, d’attirer votre attention sur certains faits de nature à éclairer cette question.
Le 26 octobre 1932, ayant terminé les essais de cette nouvelle bicyclette, et désireux, avant d’en commencer la construction en série, d’être en règle avec les organisations qui régissent le sport cycliste, je demandai à l’U. V. F. quelles conditions devait remplir une machine, pour être admise dans les compétitions et les records.
Par sa lettre du 27 octobre, l’U. V. F. me renvoyait au premier paragraphe de l’article 31 des règlements des courses, qui est ainsi conçu :
« Les machines de tous genres sont admises, munies ou non d’accessoires, tels que changement de vitesse, roue libre, etc... à la condition qu’elles ne fonctionnent que par la seule force de l’homme, qu’elles ne comportent aucun dispositif destiné à diminuer la résistance de l’air, et qu’elles n’offrent pas un encombrement supérieur à 2 m. en longueur, et 75 cm., en largeur, pour les machines à une place et à une voie ».
Et la lettre terminait ainsi : « Ce règlement est appliqué aussi bien pour les courses que pour les records ».
Je m’assurai ensuite, par la lecture des règlements de l’U. C. I., qui sont d’ailleurs rédigés dans les mêmes termes, que rien, désormais, ne s’opposait à la mise en train de ma fabrication, non plus qu’aux tentatives officielles de records destinés à la faire connaître.
Voici donc qu’elle était ma position au moment des records établis par Francis Faure.
Vous ne manquerez pas d’apprécier, dans ces conditions, toute l’injustice que créerait à mon égard, le mépris des règlements à l’abri desquels je m’étais placé.
D’ailleurs, que reproche-t-on à la nouvelle bicyclette ? Que le cycliste s’arc-boute sur son dossier ? Mais le cycliste ordinaire tire sur son guidon. Qu’il se profile en se renversant ? Mais le cycliste classique se profile en se couchant en avant.
On a prétendu que ceux qui monteraient cette machine seraient avantagés. Mais dans un sport qui n’est pas uniquement athlétique, dans un sport où la machine joue son rôle, des progrès naissent et s’imposent chaque jour. N’est-ce pas naturel ? La bicyclette s’est allégée, le pneu a détrôné le plein, le boyau remplace le démontable, etc... Tout le monde en profite, et chacun est libre d’employer une bicyclette légère, des boyaux, un changement de vitesse, etc... De même chacun peut acheter, construire ou faire construire des bicyclettes à pédalage horizontal.
On a parlé d’établir une catégorie et des compétitions spéciales pour ces machines. Cette conception est injuste, car la compétition a été crée pour révéler à la fois le meilleur coureur et la meilleure machine. Placées dans une catégorie à part, il serait impossible aux bicyclettes à pédalage horizontal de manifester leur supériorité.
Du moment que la nouvelle bicyclette est conforme aux règlements de l’U. C. I., faites-lui son droit pour l’application pure et simple de ces règlements. Toute autre solution serait contraire aux habitudes de « Fair-Play » pratiquées dans le sport, et contraire à la simple logique.
Au surplus, l’élimination de la nouvelle bicyclette ne créerait-elle pas une situation quelque peu paradoxale, voire ridicule, en permettant l’attribution d’un titre : Champion du monde de vitesse par exemple, à celui d’entre deux cyclistes qui serait le moins rapide, pour l’unique et bizarre motif que sa bicyclette serait d’un modèle plus ancien et plus répandu que son concurrent.
Deux mots pour conclure : Ou bien la bicyclette horizontale est une erreur, sans avenir ; dans ce cas, elle disparaîtra comme elle est venue et sera vite oubliée. Ou bien, au contraire, le hasard a voulu qu’elle représente un progrès, dont tous les cyclistes, d’ailleurs, sont appelés à bénéficier. Dans ce dernier cas, j’en suis sûr, si petit que soit ce progrès, vous ne voudrez pas prendre la responsabilité d’empêcher sa manifestation.
Ch. Mochet.
— On sait qu’au Congrès de l’U. C. I., les délégués ont ajourné leur réponse à la question soulevée par M. Mochet. On n’a pas pu s’y entendre sur la définition de la bicyclette...
Le Cycliste, 1934, p. 151