Excursion à Mont-Supt, Saint-Jean-Soleymieux et Marols.

dimanche 3 mars 2024, par velovi

Excursion à Mont-Supt, Saint-Jean-Soleymieux et Marols.
Et voilà une belle excursion de plus à l’actif de six cyclistes ou alpinistes que les douceurs du lit, même conjugal, n’ont pu retenir hier matin.
Le 16 décembre dernier, quatre pédestrians pre- naient le train de 7 h. 2 pour Saint-Romain-le-Puy pendant que les deux autres excursionnistes filaient en bicyclette, lanternes allumées, car il faisait encore presque nuit, sur la route de Saint-Mar- cellin. Les deux groupes s’étaient donné rendez-vous au sommet du Mont-Supt, où le premier est arrivé à peine quelques minutes avant le second  ; et encore avions-nous (car j’étais un des deux vélo-cipédistes) manqué la coursière de Boisset à Mont-Supt et étions-nous allés faire le grand tour par Margerie.
Le Mont-Supt n’est remarquable que par sa forme particulière, qui rappelle beaucoup celle d’un pain de sucre. Les ruines d’une tour et de quelques fortifications dont il est couronné donnent à penser que ce pic a dû être autrefois plus vivant qu’il n’est aujourd’hui, et la bizarrerie de cette tour ronde, c’est qu’on ne pouvait y entrer que par-dessous terreau moyen d’un souterrain qui s’en allait aboutir l’on ne sait trop où, peut-être au bas de Saint-Priest (ne pas confondre avec Saint-Priest-en-Jarez), où se voit encore l’ouverture d’une sorte de tunnel profond de deux cents mètres. On avait au moyen-âge la manie de ces boyaux souterrains qui étaient parfois longs de plusieurs kilomètres et qui servaient à entretenir les communications au dehors pendant les sièges très fréquents à cette époque.
Du Mont-Supt la vue était ce matin-là excessivement bornée par un brouillard des plus désagréables, qui cependant nous préparait pour l’après-midi un des plus admirables paysages qu’il soit donné de voir.
Nous regrimpons bientôt à Margerie et nous filons sur Soleymieux d’abord et sur Saint-Jean ensuite, où nous arrivons à 10 heures et demie, suivis à une demi-heure d’intervalle par les quatre piétons. Nous avons admiré en passant à Soley-mieux une élégante fontaine ombragée par des marronniers remarquablement beaux et tout blancs de givre. A Saint-Jean l’église frappe tout d’abord
nos regards par son cachet d’ancienneté, mais nous avons trop hâte de nous mettre à table pour la visiter en ce moment, et puis c’est l’heure de la grand’messe. Allons donc rendre d’abord visite à l’Hôtel Meygret qui est en face et où, sans nous en douter, nous allons retrouver des vestiges d’antiquité  ; la maison elle-même est, parait-il (c’est madame Meygret qui nous l’assure), la plus vieille du canton  ; elle est flanquée sur ses derrières d’une haute tour ronde qui sert encore de cage d’escalier, elle a des murs de bonne épaisseur  ; une vieille glace en bois sculpté, que nous découvrons dans une chambre, semble assez authentique à l’un de nous, amateur de curiosités, pour qu’il propose de l’acheter.
Tout cela est très intéressant, mais ce qu’il y a de mieux pour des ventres affamés, c’est encore un bon repas. Nous pressons tant et si bien l’aimable cuisinière qui nous reproche de ne pas l’avoir prévenue par un télégramme qu’à midi moins le quart nous commençons à nous mettre quelques sardines sous la dent. Une tasse de café parfumé et brûlant, fait spécialement à notre intention, sans le moindre grain de chicorée, termine agréablement un menu très convenable et nous pouvons, à deux heures, aller visiter l’église qui date du quinzième siècle et a été construite sur une crypte plus ancienne de trois ou quatre cents ans, encore en très bon état de conservation. Dans un coin obscur de cette crypte, se trouve une source miraculeuse qui laisse tomber goutte à goutte une eau souveraine contre la stérilité et l’impuissance. Les plus incrédules d’entre nous sont forcés d’admettre 1’efficacité de cette eau en voyant les nuées de marmots qui sortent de tous les coins lorsque nous nous préparons à remonter sur nos bicyclettes et qui nous saluent de leurs cris quand nous dévalons du côté de Marols.
Le brouillard maintenant s’est éloigné et il a laissé à chaque brindille d’herbe, aux branches des arbres, aux moindres arbustes, aux fétus de paille suspendus aux arêtes des buissons, dans les chemins creux où passent en automne les chars gémissant sous le poids des moissons  ; il a partout laissé, sur les chênes puissants et sur les roseaux frêles, une éclatante parure de givre, un manteau blanc et léger, très différent de celui sous lequel la neige étouffe la nature. Les arbres paraissent chargés de fleurs et il n’y a pas de rameau si ténu qui n’ait reçu sa grappe de perles et de cristaux, son aigrette de diamants.
Quand nous nous retournons, au premier angle que fait la route en s’enfuyant de Saint-Jean vers Marols, nous sommes littéralement cloués sur place, malgré le froid très vif, par l’admiration. Les deux bourgs de Soleymieux et de Saint-Jean nous apparaissent sous un aspect étrange et saisissant à travers ces milliers de gerbes et de panaches blancs  ; les fusées des hauts peupliers et les dômes
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des lourds marronniers revêtent, lorsqu’on les regarde avec persistance, des formes fantastiques  lances qui se dressent, javelots qui menacent, boucliers qui s’arrondissent, on dirait une mêlée d’armes argentées et éblouissantes  ; et les masures humaines qui sont restées grises et rouges font triste figure au milieu de cette féerie.
Les glaçons qui pendent à nos moustaches nous rappellent bientôt à la réalité  ; il ne s’agit pas de rester plantés sur la route, autrement la nature finirait par nous considérer comme des arbres d’une nouvelle espèce et nous gratifierait d’une armure de givre, ce qui serait sans doute d’un bel effet pour l’harmonie du paysage  ; mais nous ne sommes pas venus là pour poser.
Nous voici à Marols  ; très curieux ce village, avec son église fortifiée depuis le quatorzième siècle, au temps où les Grandes Compagnies ravageaient le Forez et où chaque village devait songer à se défendre  ; le temps ne l’a pas trop endommagée et les fortifications qui restent encore debout permettent de reconstituer la physionomie de l’ensemble à ses plus beaux jours.
A Marols, l’excursion est finie, il est trois heures  ; nous nous séparons définitivement des quatre piétons qui n’ont que le temps d’aller prendre le train de retour à Valinches ou à Luriecq, et nous filons à grande allure afin de rentrer d’aussi bonne heure que possible à Saint-Etienne.
Jusqu’à Luriecq, les effets de givre continuent à nous arracher çà et là des cris d’admiration, mais à peine sommes-nous à Nus que tout disparait et les champs reprennent leur morne aspect. Il ne nous reste donc qu’à redoubler de vitesse et, la descente aidant, nous arrivons à Saint-Marcellin à 4 heures moins un quart, une heure après à la Gouyonnière, où nous allumons nos lanternes, et à 6 heures précises nous réintégrions nos domiciles respectifs, après avoir additionné le nombre de kilomètres parcourus dans la journée et être arrivés au total de 92 kilomètres.
Cette promenade rapide, sommaire, à travers un des cantons de la Loire les plus négligés jusqu’ici par le Club Alpin, nous a laissé le vif désir de continuer nos explorations de celte région qui est l’une des plus intéressantes parmi celles que notre département recommande à l’attention des touristes. Les ruines de monuments anciens y abondent ; une voie romaine la traversait et l’histoire nous enseigne que sous la domination romaine et pendant le moyen-âge la circulation était très active entre Usson, la Chaise-Dieu et Feurs  ; or, le canton de Saint-Jean-Soleymieux se trouve justement placé sur cette route.
Velocio.

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