L’ŒUVRE DE VELOCIO (Suite et fin)
dimanche 25 avril 2021, par
L’ŒUVRE DE VELOCIO
(Suite et fin)
par GASTON CLEMENT
Sport. — Velocio n’aura pas vu le 4e décennat de la course Paris-Brest, célébré du 2 au 6 septembre 1931. Il n’aurait pas manqué d’évoquer l’enthousiasme initial de 1891 qui, sous l’impulsion de Pierre Giffard, donna l’envolée au Règne de la « Petite Peine ». Certes, il aurait fait un rapprochement entre les temps des vainqueurs de 1891 : 71 h. 37 et de 1931 : 49 heures, sur les 1.200 kilomètres du parcours, et souligné ainsi les progrès réalisés pendant cette période de 40 années, dans la fabrication des cycles, et dans l’amélioration des routes, car la valeur physique des hommes reste à peu près égale et ne justifie pas des écarts de temps aussi sensibles.
Mais Velocio, randonneur impénitent, aurait enregistré aussi, avec joie, le résultat acquis par deux organisations parallèles à l’épreuve officielle. Celle des Audax cyclistes conduite en peloton, et celle des Randonneurs de l’A.C.P. à allure libre. L’une et l’autre visant l’obtention de Brevets de 1.200 km., créés spécialement à l’occasion de ce 4° décennat. 80 Audax partirent en peloton. 24 terminèrent la randonnée. Les Randonneurs de l’A.C.P. partirent 60 et 44 terminèrent en des temps variant de 68 h. 30 à 94 h. 45. Parmi eux, quatre équipes de tandems mixtes et une de tandémistes masculins. Ainsi en dehors de la course des professionnels, 68 cyclotouristes ont repris à quarante années d’intervalle, l’exacte démonstration réalisée par Pierre Giffard, sur les merveilleuses possibilités permises par la bicyclette.
Ces super-randonnées sont appréciées chaque année par quelques cyclotouristes doués d’une activité débordante et, comme Velocio, désireux d’éprouver de temps en temps leurs qualités sur de longues distances. Pour ne citer que quelques-uns de ces randonneurs enthousiastes, on a successivement compté Pierre Desvages, Maurice Leclerq, P. Boulin, Poger Descubes, M. Blondeau, Géo Bimbenet, Fernand Grange, Penel, Moulin, Vallée, Mlle Vassard, Barbier, Ollier, Picard, C. Durand, Papilly, Guzzanniga, Griffe, Mathias, M. et Mme Louis Pitard. Désesquelles, M. et Mme Carbonnier, P. de Boubers, Guillemot, Patré, Maliverne, Leclerc, Poussel, Griffon, Pénin, Philippe Marre, Grillot, M. et Mme Oudart, Coiffier, Marx, J. Gar-nault, Greux. M. et Mme Dubois, M. et. Mme Dar-chieux, M. et Mme Pagnaud, M. et Mme Dunis, Cazassus, Bougain, Mlle Allendy, Guilay, Cottard, Puard, Ternaux, Brevet, J. Véron, Bernadet, Sounalet, Matheron, Horsmuth, J. Lacoste, etc.
Certains ont organisé à leurs frais de véritables expéditions sur des parcours de ville à ville, contrôlés soit par des suiveurs, soit par des correspondants prévenus à l’avance. Encore un vœu de Velocio qui s’est ainsi réalisé sur les diagonales de France, comme : Brest - Menton, Strasbourg-Hendaye. Dunkerque - Menton, Brest - Strasbourg, etc. Parmi les as de la pédale qui ont illustré ces super-randonnées de 1.000 à 1.500 km... les retenant de 60 à 120 heures consécutives sur route, il faut citer Grillot (1930), Coiffier (1930), J. Marx (1931), Mlle Bégina Gambier (1931), B. Berton (1931), L. Cointepas (1932, 1933, 1935), J. Deborne (1933-1936), Max Bak (1933), B. Chardon (1933),
Hochard père et fils (1935), Oudart (1936), B. Boucher (1936), 4. Bossuyt (1936), Fonteny (1936).
Nous comprenons le pouvoir attractif de ces exploits sur nos jeunes camarades, et que leur activité se soit un moment déployée particulièrement en leur faveur, mais il faut constater aussi que ce fut dans leur esprit, au détriment des autres procédés de diffusion comme la création de sociétés de cyclotourisme et de leurs moyens d’action ayant fait leurs preuves : brevets, rallyes, meetings, etc., etc...
Plus loin, nous examinerons le cas des sociétés dans leur alinéa spécial. Pour les Brevets d’Endurance, Audax 200 km., Randonneurs 200 km., Cyclotouristes T. C. F. 150 km., Francs-Routiers 50 km. Grimpeurs (Echo des Sports, 103 km.), nous pouvons affirmer que ces épreuves jouent un rôle très utile de vulgarisation. Elles sont bien anodines quant à leurs prétentions sportives, mais elles démontrent, à la plupart de ceux qui les entreprennent, le superbe rayon d’action dont ils peuvent disposer avec leur vélo. Ce résultat pouvant être obtenu sans préparation bien spéciale, ni d’entraînement, ni de régime, et sans nuire en rien à leurs occupations habituelles. Cette confiance en eux-mêmes une fois acquise, c’est pour eux une distraction reposante que de se tracer et de réaliser des excursions ou des voyages à raison de 100 à 120 km. par jour. Cependant, auprès de la foule des indifférents, ces brevets passent pour des prouesses de coureurs spécialisés. Il est difficile de convaincre ces ignorants que tous les brevets sont à leur portée, qu’on enregistre 95 % au moins de réussites. Les conversions seraient-elles aussi probantes, aussi définitives, si on voulait réaliser de la diffusion cyclotouristique au moyen de manifestations frisant les exploits professionnels, accessibles surtout à des cyclistes bien doués physiquement et spécialement préparés.
Que Philippe Marre m’excuse si j’abuse des colonnes du Cycliste comme « Tribune Libre » pour exprimer en cette occasion mon opinion quelque peu différente de la sienne et de celle de ses amis. On a lu dans un chapitre précédent que les intimes de Paul de Vivie : Docteur Eifèm, Guy d’Ondacier, etc., le morigénaient parfois après ses randonnées de 40 heures (dont une réminiscence a obtenu un franc succès, le 21 juin dernier : Saint-Etienne - Lautaret et retour). Velocio s’inclinait volontiers devant leurs judicieux conseils, ce qui ne l’empêchait pas de recommencer à la première occasion. Ne puis-je, comme eux, mettre en garde nos jeunes amis contre ces emballements d’allure sportive. « Pédalez par plaisir et non par amour propre », a dit aussi Velocio... Mais, au fait, ai-je bien toujours suivi ce conseil ?...
La vieille et éternelle querelle qui avait longtemps divisé sportifs et touristes est à présent complètement terminée. Au dernier Tour de France. Charles Faroux avait assumé la direction technique de l’épreuve, à la place de Henri Desgrange, indisposé. Déjà il commentait à chaque étape de montagne le travail des coureurs dans les mêmes termes, et avec les mêmes conclusions qu’avaient employés jadis Carlo Bourlet, Perrache, Paul de Vivie. Les coureurs prêtaient d’autant mieux à sa critique, qu’habitués à leurs dérailleurs utilisés dans les autres compétitions, beaucoup se trouvaient handicapés d’avoir à descendre de leur bicyclette pour modifier leur développement. Cela laissait prévoir que l’utilisation des changements de vitesse, commandés en marche, encore interdite en 1936, serait un jour admise dans le Tour de France.
C’est fait !... Par un communiqué du 18 novembre. L’Auto informe ses lecteurs que les bicyclettes du Tour de France seront équipées avec des dérailleurs en 1937. Bravo, Desgrange !
Cette décision met le point final à une longue controverse qui a duré plus de trente ans. Velocio illuminerait à cette nouvelle. Je voudrais aller aux Grands-Bois lui murmurer cette victoire.
Voici, pour le terrain technique, une manche remportée par le cyclotourisme sur le monde sportif.
En France, le bon sens arrive toujours à triompher. Il en sera de même pour l’autre manche, celle qui concerne l’Autonomie et l’Unité du Cyclotourisme. Bientôt, nous l’espérons, loyalement, les sportifs sauront les reconnaître également.
Cyclothérapie. — Ce compartiment du Cycliste fut, durant toute la vie de Velocio, un de ceux auquel il réservait le plus d’attention. Combien de fois a-t-il affirmé qu’il attribuait sa belle santé et sa verte vieillesse à ses habitudes excluant l’alimentation carnée, vin, alcool, tabac et autres toxines.
Philippe Marre, interne des hôpitaux, est tout à fait qualifié pour traiter ces questions. En quantité de cas, il prodigue de judicieux conseils aux lecteurs du Cycliste. Il présente, en 1933-34, une étude approfondie sur la physiologie du cycliste. En 1936, il donne une communication d’extraits du rapport qu’il a présenté avec, le Docteur L. Hédon, directeur de l’Institut d’Education Physique de Montpellier, « Les effets du cyclotourisme sur la musculature, sur la respiration, sur le cœur et la circulation sanguine, sur la sudation ». Il termine par une note sur la valeur éducative du cyclotourisme.
Philippe Marre donne une succession de conseils aux néophytes (1935). Qui devient cyclotouriste ? Pourquoi devient-on cyclotouriste ? Comment devient-on cyclotouriste ? L’importante question des vacances en plein air et son application logique ; le camping est toujours bien régulièrement traité et suivi presque chaque mois avec attention par A. Rabault. Le Docteur Aurenche présente la pratique du vélo, comme l’école de la prudence et de la volonté (1933). Le Docteur Morisot traite du moteur humain (1936), et compare la bicyclette à un treuil renversé. Henri de la Tombelle fait l’apologie de la fatigue (1936). S... signale la combinaison d’un voyage cyclotouriste en groupe avec l’utilisation des wagons-camping de l’Etat (1936). Enfin, sur le cyclo-camping, M. Schoup écrit : « Camping et Bivouac » (1936), et M. Pauvre-homme fait part de ses réflexions (1936).
Sociétés. — Le cyclotourisme est en pleine prospérité, mais il est malheureusement très divisé. Plusieurs foyers d’influence se le disputent. Cela ne nuit sans doute pas à sa diffusion, mais il en résulte une incohérence bien regrettable.
C’est la conséquence, d’ailleurs prévue, de l’ingérence uvéfiste de mars 1926 pour essayer, après une carence de trente années, de briser l’Unité du
Cyclotourisme qui s’était affirmée depuis la création de la Fédération de Cyclotourisme, le 8 décembre 1923.
Quels avantages le Touring Club de France a-t-il retirés du pacte qu’il a signé le 23 mars 1926 avec l’U.V.F. II ne tarda pas à être fixé a ce sujet. La commission mixte T.C.F.-U.V.F., qui devait stabiliser les relations de ces deux associations, s’est peu à peu effritée, et chacune d’elles a repris son autonomie.
Après le décès de Henri Defert (13 juillet 1931), sous la présidence de M. Edmond Choix, le Touring Club de France a continué les idées d’Abel Ballif pour la propagande du cyclotourisme. Les excursions dominicales se poursuivent sous la direction de M. Compot. Chaque année, de nombreuses réunions spéciales sont organisées. Une belle place est réservée au cyclotourisme dans les fêles annuelles. Enfin, chaque année, une semaine complète a été consacrée au cyclotourisme. Ce fut, en 1931 le superbe Rallye de Vals-les-Bains avec nombreuses excursions dans le Vivarais, notamment la descente en bateau des gorges de l’Ardèche.
Puis commença, en 1932, la première étape du Circuit de France, qui en comporte huit, réparties jusqu’en 1940. C’est une heureuse idée. d’André Poignant. Tout de suite, elle obtint un franc succès, s’amplifiant chaque année. Durant cette semaine, les cyclotouristes inscrits se rendent d’un point à un autre de la France, par l’itinéraire de leur choix, avec seulement trois ou quatre points de contrôle obligatoire. La seule condition imposée aux cyclotouristes est de déclarer à l’avance leur itinéraire.
Voilà comment 47 cyclotouristes, de Paris à La Baule, en 1932 ; 74 cyclotouristes, de La Baule à Biarritz, en 1933 ; 98 cyclotouristes, de Biarritz à Carcassonne, en 1934 ; 136 cyclotouristes, de Carcassonne à Nice, en 1935, et, enfin, 195 cyclotouristes, de Nice à Evian, en 1936, passèrent successivement d’idéales semaines de vacances en parcourant les routes les plus pittoresques de notre belle France.
L’élément féminin fut toujours nombreux. Malgré les difficultés des étapes des Alpes, la proportion fut imposante : 51 dames dont 32 à tandem mixte. Cependant la tâche fut ardue en raison de l’été humide et froid qui laissait enneigés les grands cols. Mais combien furent pittoresques ces itinéraires se déroulant sur 700 à 1.000 kilomètres, avec, une élévation totale variant de 6.000 à 15.000 mètres, suivant les itinéraires adoptés. Il n’y eut qu’un déchet insignifiant. Seulement 4 abandons sur 199 partants.
On ne peut souhaiter de plus éloquente démonstration de ce que permettent de réaliser les bicyclettes et tandems modernes, même sur les itinéraires les plus difficiles. Déjà, en 1934, dans les Pyrénées, les conclusions avaient été analogues. C’est dire que, pour les autres étapes moins accidentées, les difficultés n’existaient presque plus.
A noter l’admirable tenue des tandems, réputés jusqu’alors comme indésirables en montagne. Une gamme judicieuse de développements facilite leur tâche.
Toutes ces manifestations de grand tourisme ont été organisées par Alphonse Steinès, habitué de longue date à leur mise au point.
Le Touring Club ne semble pas retirer de ses travaux, de ses sacrifices, tous les avantages qu’il serait en droit d’escompter. Il piétine depuis plusieurs années sur l’effectif de 230.000 membres. Si tous les touristes usagers de la route, des hôtels, qui vont visiter la France, soit à pied, à bicyclette, à moto, en auto, bateau ou avion et même en chemin de fer, lui manifestaient leur gratitude des services qu’il leur rend ; ce n’est pas 500.000 sociétaires qu’il devrait compter, mais au moins cinq millions.
Cette création d’Abel Ballif demeure une institution intimement liée, à la prospérité de la France. Ce grand précurseur, décédé à Théoule le 3 décembre 1934, âgé de 89 ans, aura pu se réjouir de la magnifique expansion de son œuvre.
La Fédération Française des Sociétés de Cyclotourisme n’est, certes, qu’un pygmée à côté de ce colosse. Elle n’en réalise pas moins, avec de modestes moyens, une excellente besogne.
Il faut surtout tenir compte de la situation difficile qui lui fut créée par l’entente T.C.F.-U.V.F. de mars 1926. Le T.C.F. ne voulant pas croire à l’Unité du Cyclotourisme, dont il est cependant né, reniait sa filleule et laissait l’U.V.F. exiger sa disparition.
Il a fallu la ténacité et le dévouement à toute épreuve des A de Boubers, Gaston Chotin, Nivoley de Gennes, Maurice Jérôme, Cabrol, secondés par une pléiade de collaborateurs bénévoles, répartis par toute la France, pour maintenir le frêle esquif contre vent, torpilles et marées sur la mer démontée.
Le but principal de la F.F.S.C. n’était-il pas surtout de favoriser la formation de sociétés pour la pratique éducative, et distractive, des excursions, des voyages cyclotouristiques ; sans se soucier des réunions spectaculaires, des records et des compétitions. La nouvelle Fédération était le lien naturel entre ces sociétés et le Touring Club de France, pour leur faire bénéficier de la puissante documentation de celui-ci. Sur les services des hôtels, des routes, des douanes, et, en général, tous renseignements touristiques.
La dénonciation brutale et sans préavis de sa convention initiale avec le T.C.F. laisse la Fédé meurtrie, désemparée, et l’obligea de pourvoir elle-même, avec des moyens de fortune, à tous ces renseignements ou formalités administratives. C’était une rude tâche, la partie n’était pas égale. Son budget ne lui favorisait guère les moyens d’action. La Fédé s’en procura en acceptant des membres individuels, ce qui, en même temps, compliquait son travail et ses responsabilités. D’autre part, cette modification de ses statuts a été invoquée comme prétexte pour exclure la Fédération de I’Union Nationale des Associations de Tourisme.
En dépit de toutes ces difficultés, non seulement la Fédé n’a pas sombré comme on l’avait souhaité, mais partie de cinq sociétés en 1923, elle en comptait 30 en 1928, 51 en 1932, 78 en 1934, 109 en 1935. et 134 lui sont affiliées à l’heure actuelle.
Si on se reporte à treize années en arrière, et qu’alors, en comptant bien, on n’aurait pas totalisé par toute la France, dix associations se consacrant au cyclotourisme, et que ces quelques sociétés s’ignoraient entre elles, il faut bien constater que les résultats acquis témoignent au moins d’une émulation bienfaisante pour le tourisme à bicyclette.
Ce résultat se confirme par le mouvement actif de réunions touristiques chaque dimanche ou jour de fête aux abords de toutes les grandes villes, par les meetings nombreux qui réunissent pour quelques heures les cyclotouristes d’une région, et, enfin, par les grandes manifestations multiples qui groupent, en des points divers de la France, les émules du cyclotourisme.
Une ombre cependant à ce tableau !... On sait que le cyclotourisme se pratique très agréablement en solitaire. Le vélo est toujours prêt, à votre dis
position à toute heure. On part seul, et c’est souvent ainsi qu’il permet le mieux de jouir des beautés et du calme de la Nature. Forts de ces impressions, quelques cyclotouristes, et non des moindres, sont partis en croisade contre la création des sociétés de cyclotourisme et l’expansion de leur nombre.
Cela n’était pas non plus de nature à faciliter la mission de la Fédé. Cependant, reprenons l’œuvre de Velocio, exposée ici depuis ses débuts. Tout en réalisant de nombreuses promenades solitaires, constatons avec quelle ardeur il vantait l’activité et l’émulation de l’École Stéphanoise. Sa pépinière de cyclotouristes accomplis. D’autre part, nous avons enregistré les heureux effets produits par la rencontre de l’École Stéphanoise et de... l’École Parisienne, si j’ose dire, le 17 mai 1908 à Nevers. N’en n’avons-nous pas tiré des conséquences utiles les années qui ont suivi cette interprétation. L’union des centres parisiens et stéphanois n’a pas tardé à faire tache d’huile et à s’étendre de Lyon à Lille, de Rouen à Marseille, du Havre à Nice, enfin par toute la France... L’unité et la diffusion du cyclotourisme commençaient ainsi à s’accomplir à ce moment, pour se réaliser enfin en 1923, avec l’appui, répétons-le, du T.C.F.
Ce n’est certes pas lâ, l’œuvre d’isolés. L’isolement n’amène pas de situation prospère ni stable. L’isolé est, au point de vue social, d’avance oublié ou sacrifié. C’est en se groupant que les hommes peuvent faire prospérer leurs idées. Le cyclotourisme, si pacifique qu’il soit, n’échappe pas à cette nécessité. On l’a bien vu au cours de la période 1895 - 1905, pendant laquelle, malgré les travaux et la propagande du T.C.F. à Paris, du Cycliste à Saint-Étienne, les cyclotouristes isolés s’ignoraient. Finalement, faute de réunions ou de manifestations collectives utiles à sa propagande, le cyclotourisme aurait sombré dans l’indifférence et dans l’oubli, submergé par d’autres passe-temps mieux organisés.
Heureusement, ce fut le beau mouvement que l’on connaît auquel ont contribué dans la France entière tant de bonnes volontés. Des centaines d’excellents collaborateurs qui n’ont pas été nommés au cours de cette étude, nous reviennent à la mémoire. Nous ne pouvons les citer tous. Mais dans l’évocation de ce beau mouvement touristique comment ne pas évoquer au moins quelques-uns d’entre eux, qui ont si puissamment secondé les efforts des dirigeants à Paris et dans toute la France. Quelques-uns ne sont plus, mais la génération actuelle n’en recueille pas moins le résultat de leurs travaux.
Ce furent à Paris : les Frédéric Dumesnil, Gendri, Glandaz, Le Rendu, Armand Dubray, Maurice Leclercq, Louis Roudaire, Arnhold, Orsat, Bégués frères, Adolphe Descubes, Schiltz, Maurice Maître, Ledoux, Bricout, Pangaud, Meslard, Pas-quiet, Capelle, Delacroix, Ledieu, Maurice Benoist, Claude Tillet, Marcel Gentis.
A Lyon : Bernard. Ch. Lacroix. Rémond, Férigoule. Chaix. A Saint-Etienne : E. Berger. Giraud. Sauzet, Barellon, Bouillet, Boudet, etc. A Marseille : Noël Cayol, Lavergne, Claude Matray, Merle. A Toulon : Charles Bernard. A Nice : Jean Barnoin, Thuillier. A Nîmes : Roux, Poujoulas. A Maillane : Roumanille. A Avignon : Garcin. A Grenoble : Darchieux. A Aubenas : Villeneuve. Au Havre : te Docteur Henry, Lemarchand. A Rouen : Leneutre. Au Mans : Loyer. A Cahors : Quentin. A Bordeaux : Chevallier, Triboulet. A Crécy-en-Ponthieu : Ché-deville. A Lille : Van de Putt, A. Miguet. A Roubaix : Six, A Valenciennes : Doré, Dayez. A Clermont-Ferrand : Sardier, Dissaux, Grandjean. A Roanne : Clairet, Bougain.
Cette brève énumération n’est qu’un faible aperçu des multiples dévouements qui ont aidé à diffuser le cyclotourisme en France conformément aux directives de Velocio. Depuis, des centaines d’autres animateurs poursuivent l’œuvre et la perfectionnent chaque jour.
Pour résumer cette question de l’unité du Cyclotourisme, on voit, comme pour tant d’autres sujets, Paul de Vivie à la base de ce mouvement. Il fait partie intégrale de son œuvre que nous avons évoquée ici. N’a-t-il pas été, jusqu’il ses derniers jours, un défenseur et un protecteur dévoué de la Fédération.
Son souvenir était d’ailleurs dans tous les cœurs au Meeting de Pâques en 1931 à Nîmes, en 1932 â Pernes, son village natal, en 1933 à Arles, en 1934 à Vaison, en 1935 â Saint-Rémy-de-Provence, et en 1936 à Aix-en-Provence.
Nous ne pouvons énumérer les multiples réunions provoquées sur tout le territoire national, grave aux Comités Régionaux de la Fédération, et chacune des grandes fêtes ou des vacances. La liste en serait imposante, Grâce à la Fédé, c’est tout un réseau très dense qui réunit les éléments sympathisants du cyclotourisme. Cependant, faisons une exception pour citer les réunions internationales de 1931 aux Gorges du Verdon, de 1932 à Noirmoutier, de 1933 au Havre, de 1934 à Vichy et en Angleterre, de 1935 a Rouen et à Rruxelles, de 1936 à Grenoble et à Milan.
Elles ont eu pour résultat d’étendre à l’étranger le mouvement cyclotouristique si accentué en France. Déjà, en Belgique, une Fédération de Cyclotourisme s’est fondée. L’Italie va suivre. Bien vivace, le cyclotourisme se développe en France et par toute l’Europe.
Après une carence de plus de trente aimées, l’Union Vélocipédique de France s’est à nouveau intéressée activement au cyclotourisme. On sait comment elle a marqué son intervention en 1931. Depuis, elle organisa donc à son compte maintes réunions, brevets, rallyes qui rassemblent également un grand nombre d’adhérents et provoquent quantité de dévouées collaborations. Les chambres syndicales de constructeurs patronnent ses manifestations, et les dotent de nombreux dons en nature : vélos, cadres, pièces détachées, accessoires, qui sont tirés au sort entre les participants des sorties. Répétées à jet continu, ces excursions prennent bien ainsi une allure intéressée, qui s’apparenterait avec les avantages de la compétition. Mais il faut souligner les bonnes intentions des donateurs. Ils canalisent ainsi les jeunes pédales vers des promenades autrement salutaires que des courses pour lesquelles beaucoup de ces néophytes ne sont pas doués. Et puis, a donner rendez-vous à cette jeunesse, chaque dimanche, dans les milieux vivifiants des sites forestiers ou champêtres, ne peut que leur inculquer le goût de la Nature. Il est bien difficile de le perdre une fois qu’il est acquis. Bientôt, les participants de ces réunions ne tardent pas à s’apercevoir que leur plus belle récompense consiste dans la qua-lité de leurs impressions vécues, plutôt que dans les lots que le sort peut leur attribuer.
Cette source de recrutement cyclotouristique pas à négliger. Seul l’antagonisme résultant de l’état de choses est à regretter.
Les disciples de Velocio continuent, à Saint-Étienne leurs réunions comme de son vivant. Sa mémoire domine toujours de nombreuses manifestations. La plus marquante, dont le rayonnement se répand par toute la France est bien « la Journée Velocio » qui rassemble des foules imposantes de cyclotouristes, tous les ans de la Digonnière aux Grands-Bois. Au cours de celle de 1931, le monument Velocio fut inauguré au col. Chaque année, de 600 à 700 engagés répartis en de multiples séries escaladent en chœur la fameuse côte. Ils s’unissent avec, tous les cyclotouristes présents en un hommage recueilli devant le buste du Maître.
M. Albert Raimond veille au bon ordonnancement de cette pieuse fête du Souvenir, et avec le Comité d’organisation, reçoit cordialement les pèlerins.
Cette année, à l’occasion du Cinquantenaire du « Cycliste », ce pèlerinage revêtit un caractère plus grandiose, plus universel encore, puisqu’il comprenait plusieurs manifestations se déroulant sur une semaine, du 11 au 16 août, et mettait en présence les éléments les plus divers du cyclotourisme, que nous venons de passer en revue : Concours technique de bicyclettes de L’Auto, Rallye monstre du Cycliste vers Saint-Étienne, Challenge de la F.F.S.C., Brevets routiers Paris-Saint-Etienne, Journée Velocio, cérémonie officielle avec pose d’une plaque commémorative sur la maison de Velocio à Saint-Étienne, banquets divers. Jamais encore, en cyclotourisme, on n’avait pu grouper sur un même point autant de manifestations d’influences diverses.
A juste raison, on avait pu caresser l’espoir que de cette rencontre, placée sous la pieuse protection du souvenir de Velocio, il en sortirait une entente, ou au moins les éléments d’une entente entre les différentes tendances qui se partagent le cyclotourisme.
Il n’en a rien été !
Cependant, faudrait-il tant d’efforts pour que chacune de ces parties, continuant à agir suivant son programme, et, comme à l’heure actuelle, trouve dans le cyclotourisme un élément de prospérité exempt de motifs de querelles ou de divisions ?
C’est bien simple ! Trop peut-être !
Qu’au Touring Club de France revienne, tout ce qui est relatif à administration touristique : renseignements routiers, itinéraires, douanes, tryptiques, hôtels.
A la Fédération Française des Sociétés de Cyclotourisme : la liaison entre les associations de cyclotourisme, et la mise au point de leurs interréunions.
Enfin, à l’Union Vélocipédique de France : toutes les questions sportives, courses sur route, vélodromes, records, coureurs, etc...
Il suffirait de convenir que chacune des parties s’enverrait mutuellement les intéressés pour les questions hors de leur ressort.
Sur ces bases, chacun n’y trouverait-il pas son compte ? il en résulterait un apaisement général. Cela vaudrait mieux que de tirer chacun de son côté et que de voir certaines besognes assumées en triple exemplaire.
L’esprit de Velocio qui a déjà triomphé des expériences techniques, fera peut-être aboutir cette Union générale esquissée à Saint-Étienne en août 1936. Espérons le ! Souhaitons-le !
Nous terminons cette longue étude pendant laquelle nous aurons été constamment en compagnie de Velocio. Sa persévérance dans la pratique du cyclotourisme reste la meilleure conclusion.