Naturisme/costume

vendredi 26 avril 2024, par velovi

Le Cycliste, 1929 En réponse à un courrier de lecteur

Notre correspondant a raison : il faut avoir de la tenue, et je m’accuse tout le premier d’en manquer quelquefois et, chose triste, due sans doute à ma myopie, je ne m’en aperçois que trop tard à l’inspection des photographies qui me sont envoyées après chaque meeting. Ainsi, à notre dernier meeting d’automne, suis-je resté en bras de chemise, alors que tous les assistants avaient endossé le veston. La température était si douce et mon épiderme si heureux d’être en prise directe avec l’air pur du col de Pavezin que je me suis oublié dans une tenue négligée dont je m’excuse tardivement.

Une chose doit être la tenue devant la nature, pendant le travail. Pour rester hygiénique et profitable à la santé, elle doit se rapprocher de celle des nudistes. Une autre chose aussi doit être la tenue du cycliste qui rentre dans le convenu social. Le difficile est d’imaginer un vêtement qui nous permette d’être presque au même instant, nu et habillé. Je me suis donné quelque peine pour y parvenir. Avant eu le tort de ne jamais pédaler jambes nues et en simple caleçon, comme le font de nos jours avec beaucoup de raison nos jeunes compagnons, je reste toujours à peu près présentable jusqu’à la ceinture, en commençant naturellement par en bas, mais en commençant par en haut, je suis tout simplement nudiste, ce qui me valut d’être un jour rappelé au decorum par une mûre et digne dame autoïste à qui je ne trouvai rien à répondre, si ce n’est que si elle me voyait ainsi, c’était par sa faute. Ma faute fit-elle, presque courroucée, car elle n’avait certainement jamais fauté qu’osez-vous dire là ? Eh ! madame, la vérité ne nous mettez-vous pas au monde dans une tenue encore plus légère que celle qui vous offusque ?

Malheureusement de telles raisons d’ordre naturiste ne sont pas admises par ceux qui ont besoin du tailleur pour embellir leur anatomie. J’ai donc imaginé plusieurs moyens de passer en un clin d’œil de l’état nature à l’état sociable, et celui qui me donna le meilleur résultat fut une pèlerine courte à manches, en tissu léger, qui retenue au cou par un lien lâche pouvant être resserré et former faux col, flottait autour de moi, ramené tantôt sur la poitrine et tantôt sur le dos, exposant successivement au soleil le torse nu en toutes ses parties. Dès que l’ennemi apparaissait, en deux temps et trois mouvements et sans cesser de pédaler, je déployais la pèlerine, enfilais les manches, resserrais le col et ma tenue n’avait plus rien d’offusquant pour les nobles, grandes et honnestes dames dont Brantôme s’amusa jadis à nous montrer les dessous, j’entends, du caractère.

Que cette manie que nous avons de dissimuler le corps humain, qui est un pur chef-d’œuvre, sous des vêtements souvent ridicules, est déplorable pour la santé, et combien nous nous défendrions mieux contre les déformations physiques, si nous ne pouvions les cacher.

Enfin, nous ne vivons pas parmi les sauvages, n’est-ce pas ? Demandons donc à nos tailleurs un vêtement qui nous permette d’être, presque au même instant, nu et habillé, et que Frégori leur vienne en aide.

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