Manuel du vélocipède (1869)
mardi 19 septembre 2017, par
Par Richard Lesclide, Manuel du vélocipède, publié par Le Grand Jacques [pseud.], Illustré par Émile Benassit. Paris, Librairie du Petit journal, 1869
Extrait de l’introduction
Le Vélocipède est un des signes du temps. Après le coche, la diligence ; — après la diligence, le chemin de fer ; — après le chemin de fer, le Vélocipède... Qu’on ne se trompe pas à ce dernier terme de progression : la marche du progrès est continue. Le chemin de fer va plus vite, sans doute ; mais c’est la vitesse mécanique, brutale, inintelligente... Le Vélocipède est la vitesse individuelle émanant de l’homme même, la rapidité raisonnée se ployant aux caprices de la volonté ; la vitesse personnelle remplaçant la vitesse collective, l’affirmation de la puissance des nerfs substituée à celle de la vapeur... Le Style, c’est l’homme, — disait un grand naturaliste. Quels rapprochements plus intimes ne peut-on pas établir entre le Vélocipède et celui qui le dirige ! De même que la Malibran faisait passer son âme dans sa voix, l’homme fait passer ses jarrets dans les roues qui l’entraînent. Aussi, la vogue du Vélocipède n’est-elle plus une affaire de mode et de sport, — c’est une fièvre. Ce cheval de bois et d’acier comble un vide dans l’existence moderne ; il ne répond pas seulement à des besoins, mais à des aspirations.
[...]
Le Vélocipède, selon nous, n’est pas un caprice. S’il a pris place d’emblée dans la vie moderne, s’il excite à l’heure qu’il est une sorte d’engouement, cela ne saurait faire tort à son caractère d’utilité. Ce qui le prouve, c’est qu’à mesure qu’il se répand dans le monde élégant, le gouvernement et les grandes administrations l’emploient à ses services spéciaux. Il est certain que le Vélocipède restera. Nous étudierons peut-être un jour l’influence que ce nouveau véhicule doit exercer sur l’avenir, et nos neveux s’écrieront peut-être, en parodiant le mot de Buffon : le vélocipède est la PLUS NOBLE CONQUÊTE DE L’HOMME !
L. G. J.