La 8e Journée Vélocio (1929, Extraits)

mercredi 17 août 2022, par velovi

Par Paul de Vivie, alias Vélocio,Le Cycliste, 1929, Sources archives départementales de la Loire, cote IJ871/4

La Journée Vélocio a été, pour moi, cette année, un éblouissement, comme une poule qui, ayant couvé un oeuf de paon, s’émerveillerait devant l’éclatant plumage de son poussin, je fus, du matin au soir, médusé par l’extraordinaire développement de nos modestes meetings d’autrefois. Nous avions été déjà 300 cycle touristes au dernier meeting du printemps à Chavanay ; au meeting d’été, ce 4 août, nous fûmes plus du double, et l’on a compté, au départ de l’épreuve qui caractérise la Journée Vélocio, 207 parlants, dont le plus jeune avait 8 ans et le plus âgé 77 ans.

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Quoique le temps ait été magnifique toute la journée, les circonstances ne se prêtaient guère à une hécatombe des records. La route, semblable à un lit de torrent pendant les premiers kilomètres, le vent contraire handicapaient les grimpeurs d’environ 10 % à en juger par certains temps dont nous connaissons la régularité et qui peuvent servir de termes de comparaison entre les résultats de 1928 et ceux de 1929. Tels qui devaient grimper mathématiquement en 39 minutes ont mis de 3 à 4 minutes de plus.

Néanmoins, quelques records ont été abaissés, celui de la série de 45 à 50 ans par l’arrivée dans cette série d’un homme meilleur et peut-être aussi par l’absence du titulaire ; celui de la série de 55 à 60 parce qu’il était vraiment trop moche à 1 h. 10’ à côté du suivant de 60 à 65, qui est à 50 minutes !

[...]

J’aimerais bien pouvoir également retirer de la Journée Vélocio des indications précises sur la valeur des machines. Augmente-t-elle, diminue-t-elle ou reste-t-elle stationnaire ? Voilà qui est bien difficile à dire faute, pour la plupart des participants, d’avoir dans leur écurie des machines de différents âges. Je puis encore le faire dans une certaine mesure parce que j’ai, depuis longtemps, la manie de conserver mes vieilles montures qu’il est souvent possible de doter des perfectionnements récents, roue libre, polyxion, ballons, etc... Ainsi ai-je amené, il y a quatre ans, à la Journée Vélocio, ma bicyclette Ouragan de 1892, munie d’un moyeu à trois vitesses, puis mon n° 1 qui date de 1902 et j’y amènerai peut-être bien un jour ma Sunbeam de 10 kilos de 1892. Ce n’est pas toujours le plus neuf qui est le meilleur.

Le meeting d’été du Cycliste coïncidait, cette année, avec la Journée Vélocio et nous avons eu le plaisir de rencontrer au Grand-Bois un assez grand nombre de cyclotouristes venus, non pour prendre part à l’épreuve, mais pour se documenter sur les nouveautés, surtout pour avoir des nouvelles de la bicyclette de 10 kilos complète pour le tourisme avec deux freins, garde-boue, changement de vitesse, ballons, et capable, malgré sa légèreté, de recevoir le bagage même important d’un cyclocampeur.

Deux bicyclettes purent satisfaire leur curiosité, ma trottinette qui sortait un peu trop des lignes généralement admises pour ne pas susciter de nombreuses critiques, et celle sur laquelle Mlle G. était venue, par la route de Crécy-en-Ponthieu, dans la Somme (quelque 800 kilomètres), pour participer à la Journée Vélocio et arriver première de sa série en 56 minutes.

Ces deux bicyclettes pèsent le même poids, 11 kg. 200 ; mais si la mienne choque par son originalité, celle de Mlle G. séduit par son classicisme. Cadre d’homme de hauteur moyenne, roues de 70, boyaux de 32, garde-boue et porte-bagage, deux freins et un Cyclo dont la roue libre a été si heureusement modifiée par le constructeur de cette machine que, sans plus d’encombrement, elle s’est adjointe un 4e pignon et donne quatre vitesses en marche. La légèreté a été obtenue par l’emploi du duralumin partout où cela était possible et par l’allégement de toutes les parties où l’on pouvait, sans compromettre la solidité, enlever un peu de métal. L’émail a été remplacé par un traitement qui laisse aux tubes l’aspect de l’acier et ne pèse rien, tandis que trois couches d’émail noir représentent un certain poids.

Obtenir un tel ensemble pour 11 kg. 200 m’a paru un tour de force et l’on arriverait de suite à 10 kilos si l’on voulait en réduire les dimensions et supprimer le porte-bagage qui vraiment ne doit pas être partie intégrante d’une bicyclette et compter dans son poids, pas plus que les accessoires, pompe, sacoche, timbre, etc... Il n’y manquait que des ballons.

Sans doute y avait-il bien des détails nouveaux et intéressants sur les quelque cinq cents bicyclettes qui ont évolué autour de notre meeting d’été, mais on ne me les a pas signalés. tant on était occupé à autre chose qu’à la cyclotechnie. Cependant, il a été loisible à tous les curieux désireux de s’instruire, de fouiller dans tous les coins et de se renseigner sur la valeur et l’utilité des dispositifs qu’il découvraient çà et là. Les pignons ovales étaient très nombreux et avaient autant de partisans que de détracteurs : j’ai entendu ceux-ci demander des explications à ceux-là, les prier de leur exposer la théorie du pignon ovale, faute d’avoir le temps d’essayer assez longuement les machines mises complaisamment à leur disposition. Le fait est qu’un essai de cinq minutes ne signifie rien et ne permet pas de juger de la valeur d’un perfectionnement de ce genre. Mais que peut bien valoir une théorie ?

J’aime mieux l’avis d’un cycliste averti, tel que M. Cazans qui, depuis deux ans, c’est-à-dire depuis que, sur sa bicyclette Aumon, la première marque française qui osa, ne l’oublions pas, et soyons-lui en reconnaissants, lancer les pneus ballons, ne jure que par le pignon ovale avec lequel il bat tous nos records, j’aime mieux encore le fait incontestable que, d’année en année, nous voyons figurer à la Journée Vélocio, le plus souvent aux premières places, un nombre croissant de machines munies du pignon ovale.

D’une façon générale, je trouve que les cyclistes qui viennent à nos meetings sur des machines munies de dispositifs inédits, souvent imaginés par eux-mêmes, devraient les signaler dès leur arrivée, au besoin par une pancarte fixée à leur machine et je m’écarte, sur ce point, de l’opinion d’un abonné du Cycliste qui a été offusqué de voir, aux meetings qui ont eu lieu ce printemps un peu partout, des cyclotouristes arriver avec des placards attachés à leurs bicyclettes, énumérant les particularités de leurs montures et annonçant le nombre de kilomètres parcourus, ce qui est pourtant la meilleure recommandation. De tout temps, les meetings du Cycliste ont servi aux constructeurs et aux simples amateurs de moyen de propagande. Je me souviens des papillons que P. d’A., Le Chemineau, d’autres aussi, collaient sur les arbres et dont ils arrosaient la route. Il faut, évidemment, ici comme partout, de la mesure et une certaine discrétion. Il serait préférable qu’un secrétaire bénévole fût désigné à chaque meeting pour recevoir et grouper dans un cahier, mis à la disposition de tous les assistants et qui serait conservé, toutes les nouveautés que lui confieraient les intéressés. Chaque meeting deviendrait. ainsi une sorte de Salon du Cycle et son utilité en serait augmentée. On m’a demandé souvent : qu’y a-t-il à voir de nouveau dans ce meeting en fait de freins, de porte-bagages, de pneus, de lanternes, de..., que sais-je encore ? Je l’ignore, étais-je obligé de répondre ; cherchez vous-même, épluchez toutes les machines et. vous découvrirez sûrement quelque chose. Tel attache parfois de l’importance à des détails qui semblent n’en avoir pas. J’étais venu un jour à un meeting avec une une cravache fixée au guidon, les chiens étant, à cette époque, très cyclophobes. — Quelle bonne idée s’écria quelqu’un, c’est ce que je vois ici de plus intéressant ! Il n’était vraiment pas exigeant, mais il avait probablement été mordu.

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