Nos Visiteurs
J’ai eu le plaisir de voir passer à Saint-Etienne, depuis deux mois, de nombreux cyclotouristes dont plusieurs avaient choisi Saint-Etienne comme point de départ et je les remercie tous de s’être en passant souvenus du Cycliste.
J’ai été particulièrement intéressé par deux jeunes campeurs parisiens qui portaient sur leurs deux bicyclettes un matériel de camping qui ne laissait pas d’être volumineux, bien que léger et qui avaient décidé d’inaugurer une série de quinze nuits passées sous la tente, par un premier campement au col du Grand-Bois. Je les accompagnais et j’assistai à leur installation dans une clairière entourée de sapins, située exactement au point culminant, à 30 mètres de la route, auprés d’un petit ruisseau. Ce fut fait en quelques minutes la tente à double toit, maintenue par une vingtaine de câbles tirant dans tous les sens, était capable de résister aux plus grands vents et aux averses les plus capricieuses à deux on y était très à l’aise ; les bagages et les ustensiles de cuisine y tenaient peu de place et les bicyclettes pouvaient même être protégées de la pluie. Cette installation me parut pratique et combien plus confortable que le simple hamac dont je me suis fréquemment servi autrefois. Le grand avantage de la tente, c’est qu’on peut se coucher entièrement devêtu tandis que sur le hamac on se couche tout habillé, j’assistai enfin aux premiers préparatifs du repas du soir que les fromages à la crème de l’hôtel du Grand-Bois complétèrent ce soir-là très agréablement et je pris congé de nos deux campeurs à la nuit tombante. J’ai su qu’ils avaient passé à 1.165 mètres d’altitude une excellente nuit ; le lendemain ils dressèrent leur tente près de Montélimar le surlendemain au-delà d’Avignon et ils allèrent ainsi jusqu’à la frontière italienne, sûrs de trouver tous les jours un abri tranquille, libres de toute contrainte et n’ayant à redouter ni les dédains, ni les coups de fusil de certains hôteliers.
V.
Le Cycliste, sept-oct 1924