Cafés Hôtels Restaurants

mercredi 4 mai 2022, par velovi

Les premiers cyclotouristes mangeaient, buvaient, dormaient dans les auberges et hôtels-restaurants, qui furent d’abord heureux de cette clientèle. Le chemin de fer avait fait déserter les routes, en dehors des jours de foires et de marchés. Lorsqu’il était seul, Paul de Vivie ne dédaignait pas une nuit à la belle étoile. S’il appréciait rouler solitairement, il aimait aussi discuter  : les lieux de restauration et d’hôtellerie étaient ces endroits de convivialité, de repos, et de rendez-vous. Certains de ces établissements existent encore, une bonne raison pour s’y arrêter aujourd’hui  ! L’Hôtel des Grands-Bois ou la grande Jasserie dans le Pilat peuvent toujours être des buts de randonnées, tout comme la Trappe d’Aiguebelle entre Dauphiné et Provence. D’autres ne laissent que des traces comme le refuge du col du Rousset, où la clairette coulait à flots. Les premières excursions s’accompagnaient de repas pantagruéliques, bien arrosés. En 1896, Paul de Vivie opta pour le végétarisme, et demandait à adapter ses menus, surtout lorsqu’il était un habitué des lieux. Cela ne l’empêchait pas en compagnie de faire des exceptions à son régime, quitte à parfois froisser son estomac. Le Touring Club de France veillait à encourager la qualité des hôtels, en menant campagne pour des points déterminants comme les water-closets ou l’aération des chambres, parfois aussi par la demande de garages à vélo sécurisés ou de chambres noires pour les photographes. Car il était au départ une alliance de touristes-cyclistes, à la fondation de laquelle Vélocio avait participé, avant d’évoluer vers le tourisme par toutes formes de transports, surtout motorisés. Les hôtels permettaient aussi de réparer les bicyclettes des incidents de route, et l’on croisera dans l’un de ceux utilisés par Paul de Vivie un service de réparation pour cyclistes  !

1909 L’école stéphanoise à un déjeuner au Grand Bois

«  En arrivant aux Grands-Bois, nous éprouvons le besoin du thé traditionnel. On commence à connaître à l’auberge du col ce groupe étrange qui vient y échouer à des heures où la plupart des citoyens honnêtes se livrent au repos. On nous accueille bien, malgré nos airs de brigands.  »
Mad Symour, Le Cycliste, 1902, p.115

DE SAINTTIENNE À VILLEFRANCHE, 1889

«  On nous apprend que les vélocemen lyonnais viennent souvent se promener de ces côtés et que récemment un tandem monté par une dame et son mari a été culbuté devant l’église par un énorme chien qui s’est fait prendre entre les roues. Le ciel nous garde de tels accidents !
À propos de ciel, nous voyons, avec désolation, le nôtre se couvrir de plus en plus, et le serrurier n’a pas encore fini la réparation qui nous retient à Sainte-Foy. À 1heure ½, quatre des nôtres prennent les devants et partent pour l’Arbresle, où ils devront commander le dîner à l’Hôtel du Lion-d’Or, pour 4 heures précises. Aiguillonnés par quelques gouttes de pluie, ils précipitent leur course et avalent en une heure les 20 kilomètres qui séparent Sainte-Foy de l’Arbresle. Pl... et moi, nous partons à 2 heures ½ et arrivons tranquillement au moment de se mettre à table.
Grand appétit et menu très confortable  : service très gracieusement et très rapidement fait par une jeune personne que les plaisanteries un peu osées n’effarouchaient pas outre mesure  ; beaucoup d’animation dans la rue, des toilettes printanières, la diligence de Tarare qui passe poudreuse en ébranlant les vitres, des voitures emportant à la campagne des fournées de promeneurs, du soleil clair et joyeux puis, soudain, et presque sans transition, des nuages de poussière, des nuées noires et menaçantes envahissant l’espace, obscurcissant le jour, une pluie torrentielle mêlée de gros grêlons, des éclairs brusques, saccadés, incessants, des coups de tonnerre rauques, formidables, d’abord, et, petit à petit, s’éloignant, s’espaçant, se prolongeant et s’éteignant comme le murmure d’une grande colère qui s’apaise, voilà pour le dehors.
Au dedans, une gaieté que rien ne trouble, des propos égrillards, des lazzis, qui volent de l’un à l’autre, la riposte suivant instantanément l’attaque, et tous les coups portant, sans jamais blesser  ; le fou-rire s’emparant des convives et les forçant à se renverser sur leur chaise en se tenant les côtes  ; puis un calme relatif, le bruit des mâchoires infatigables, le choc des verres qui s’emplissent et se vident rapidement, le cliquetis des fourchettes et des assiettes, un silence religieux que, tout à coup, un rien détruit, un mot à double sens, un calembour, une exclamation ranime la conversation et ramène le tapage.
Ainsi passait le temps, et l’on parlait déjà de ne pas aller plus loin que l’Arbresle, quand le soleil réparait et nous montre une route superbe, à peine humide, sur laquelle ç’allait être un vrai bonheur de rouler. La pluie diluvienne avait abattu tout juste la poussière.  »

«  L’Arbresle. Une heure d’arrêt, buffet  ! Nous nous engouffrons sous la porte cochère de l’Hôtel du Lion-d’Or, et la gracieuse Hébé qui nous a servi la veille nous assure que le déjeuner sera prêt en quelques minutes.
Ne nous offrons qu’un très modeste déjeuner, car nous devons dîner à 1 heure à Sainte-Foy et il est déjà tard, tel est le conseil du sage P..., auquel, du reste, nous acquiesçons à l’unanimité, et, pour preuve, voici le menu du susdit déjeuner  : saucisson et jambon, beurre frais, une douzaine d’œufs à la coque, du fromage, six bouteilles d’un petit vin blanc exquis, et, pour couronner le tout, du café au lait avec rôties beurrées, pour tous ceux dont la faim était encore inassouvie.
Avec cela, on pouvait faire, sans avoir de fringale à craindre, les 20 kilomètres qui nous séparaient du dîner.  »

«  En vérité, je vous le dis, les excursions en vélocipède ne sont que des prétextes pour manger du matin au soir, et une année de vélotourisme équivaut à un brevet d’admission dans l’honorable société des Benni-Bouffe-Toujours.  »
Vélocio, «  Promenades et excursions  », Le Cycliste, mai 1889, novembre 1934, Rétrospective p.532-534

AU PAYS DU SOLEIL, 1889

«  Or, il fit ce jour-là une chaleur accablante et nous avions à peine attaqué la montée de 14 kilomètres qui nous sépare du versant de la vallée du Rhône que nous dûmes, autant à cause du soleil que du vent contraire, mettre pied à terre et pousser nos bicyclettes, tant et si bien que nous mîmes plus de deux heures et demie pour atteindre l’Hôtel du Grand Bois, où nous devions déjeuner et où nous arrivâmes passablement exténués.  »
[…]
«  On est très bien reçu à l’Hôtel de la Poste, mais lorsqu’on y arrive à 1 heure du matin, il ne faut avoir besoin de rien, sauf d’un bon lit et d’un verre d’eau, car toutes les provisions sont sous clef et nous ne pouvons même pas obtenir un morceau de sucre. Heureusement que nous avons dans nos sacs de quoi couper cette eau, que je n’aurais pas osé goûter sans cela, car je me méfie beaucoup de l’eau du Midi et la fin de ce récit vous montrera que je n’ai pas tout à fait tort.  »

[Pernes]
«  À mon retour, je retrouve Forest, qui a fini son exploration et qui, se penchant à mon oreille, m’en confie le résultat d’un air navré  : c’est épouvantable  ! Oh  ! fis-je, surpris, que me dites-vous  ? Et je me levai  ; il crut que je voulais aller voir, et il me retint par le bras  : N’y allez pas, malheureux, n’y allez pas, je vous dis que c’est horrible, mieux vaut la rase campagne.  »

[Isle sur Sorgue]
«  Encore quelques coups de pédale et nous voici sous une longue promenade ombragée qui aboutit à l’Isle-sur-Sorgues  ; en plein midi, et après avoir absorbé poussière et chaleur par tous les pores, on éprouve un sensible soulagement en se trouvant à l’ombre et comme nous tenons le but et que rien ne nous presse puisque nous arriverons avant midi quoi qu’il advienne, nous diminuons la vitesse et nous échangeons nos impressions sur le pays que nous avons parcouru depuis Orange.
Notre enthousiasme du matin s’est amoindri, notre curiosité, tout d’abord éveillée par l’aspect d’une nature si différente de celle que nous avons coutume de voir, a été vite émoussée par la monotonie des sites et les cri-cris des cigales que la pensée des félibres dont on nous avait rebattu les oreilles à Orange nous faisait accepter d’abord comme poétiques et harmonieux finissaient par nous paraître, ce qu’ils sont en réalité, assourdissants.
Le midi perdait de son prestige  ; les montagnes étaient trop nues, les champs trop secs, les oliviers trop blancs et les routes trop poussiéreuses.
Je crois plutôt que c’était l’estomac qui était trop creux et que nous étions en train de justifier le proverbe du ventre affamé, sans oreilles et sans yeux.
 L’hôtel Pétrarque et Laure était heureusement là et nous entrâmes avec empressement dans sa vaste remise d’où s’élancent chaque jour sur toutes les routes du département plus de trente voitures, services publics ou services à volonté, car cet hôtel a une grande clientèle d’excursionnistes. Le déjeuner qu’on nous y servit dans une salle à manger sombre et fraîche fut très bon et si la cuisine était à l’huile, je déclare que l’huile vaut bien le beurre.
Puis, nous errâmes çà et là dans la ville, qui est très pittoresquement située sur la Sorgue et nous finîmes par échouer et prendre le café sur une terrasse dont l’eau baignait le pied. C’était le moment le plus accablant du jour et le mistral s’étant un peu apaisé, il y avait de l’étouffement et de l’asphyxie dans l’air  ; cependant, la fraîcheur de l’eau, l’opacité des ombrages sous lesquels nous étions assis, la transpirée incessante de la matinée, tout conspirait pour nous permettre de nous reposer fort agréablement et trois heures allaient sonner que nous ne pensions point encore à partir. C’est bizarre comme les idées changent quand l’estomac est satisfait  ; en remontant en selle, après avoir sommairement épousseté nos bicyclettes, tout nous semblait rose  ; il était 3 heures et nous roulions lentement sous une voûte de verdure que le soleil ne parvenait pas à percer.
[…]
Nous rebroussons chemin vers Remoulins et nous avisons une hôtellerie qui dut être autrefois un bruyant relais de poste, à en juger par sa large remise et son immense cour, mais qui paraît aujourd’hui calme, tranquille et hospitalière à des touristes fatigués comme nous  ; elle est un peu en dehors du village, à l’angle des routes de Nîmes et d’Arles. Tout y paraît propre et bien tenu  : voilà ce qu’il nous faut, me dit Forest, et nous nous introduisons dans ladite cour, où quelques voyageurs et voyageuses prenaient déjà le frais, tous gens discrets, silencieux, glissant comme des ombres et parlant comme des muets. Nous arrivions exubérants, avec de grandes énergies d’expression sur le visage où l’on pouvait lire la fatigue saine de la journée, la poussière de nos 100 kilomètres, le désir de la table et le besoin du lit, mais où l’on voyait par-dessus tout une bonne humeur sans bornes, une jovialité, un entrain dignes du Midi et des Méridionaux. Un larbin s’approcha de nous avec des gestes de religieuse et s’enquit du motif de notre visite. — Boire, manger, dormir, tels sont nos motifs, et ils sont urgents. — Boniface se retira un peu effarouché, comme un homme qui trouve extraordinaire ce qu’on lui demande. Cependant nous allons remiser nos bicyclettes sous le hangar où la solitude était complète, pas une voiture. Tout cela commençait à nous paraître étrange  ; dans la cour, les personnes, qui, tout à l’heure, se promenaient deux à deux ou solitairement, s’étaient groupées et paraissaient discuter avec plus d’animation qu’il ne convient à des ombres. Nous étions, à n’en pas douter, le sujet de la conversation et nous nous sentions décidément mal à l’aise devant ces façons claustrales. Le larbin revint et nous informa qu’on ne pouvait nous recevoir, qu’on ne prenait que des pensionnaires et que.... Nous étions déjà en selle. «  Mais c’est une maison de santé, votre hôtel  ; ce n’est pas ce qu’il nous faut, et, pour prévenir semblables malentendus, nous vous conseillons, Boniface, de faire dessiner sur votre porte une seringue, afin qu’on ne puisse se méprendre sur la nature des services que vous êtes capable de rendre, et qu’on ne vienne pas vous demander à boire et à manger.  » Nous rentrons dans Remoulins par le mauvais pont suspendu qui traverse là le Gardon et nous nous informons d’un hôtel. Il n’y en a qu’un  ; on y est bien et ce n’est pas trop cher  : c’est l’Hôtel du Nord. Pendant le dîner, les premières bombes de la fête nationale éclatent, les fusées partent, les boites crachent, les pétards craquètent, et ce bruit de la poudre est à peine perceptible sous les clameurs, les hurlements, les formidables hourrahs de la population enthousiaste. Des chapelets de lampions sont suspendus d’arbre en arbre des deux côtés de la route qui forme l’unique rue du village. Nous sortons après le repas, autant par hygiène que par curiosité  ; il y a foule dans tous les cafés qui, pour la circonstance, ont envahi la chaussée et disposé en guise de tables supplémentaires de longs plateaux sur des chevalets  ; tout cela est garni de consommateurs qui font du boucan et se querellent en patois provençal, cette belle langue des félibres dont nous ne comprenons que les intonations. De temps en temps, un loustic jette, en passant, un paquet de pétards sous une table  ; ils éclatent entre les jambes des buveurs  ; on se lève précipitamment, on crie de plus belle, on s’écarte, et lorsque tout est éteint chacun revient à son verre, trop heureux s’il le retrouve, et si dans la bagarre un farceur ou un distrait, en s’asseyant sur le bout du plateau-table, n’a pas fait sauter en l’air verres et bouteilles. Sur la place, un bal est organisé, et l’on danse que c’est à nous en faire passer des frissons dans les jambes.
[...]
Assourdis par le tumulte, nous nous réfugions sur le pont du Gardon, absolument désert à ce moment  ; un clair de lune naissant donne aux rives très pittoresques du torrent un aspect étrange par le contraste des ombres et des clairs. Nous goûtons là quelques délicieuses minutes de repos, pendant que le fracas de la fête n’arrive à nos oreilles que par intervalles et que, dans le lointain, nous apercevons des gerbes d’étincelles qui nous prouvent que le 14 juillet est fêté avec le même entrain dans les villages environnants. Puis, nos paupières clignotent et le besoin de dormir se fait sentir impérieusement  ; le couvent hydrothérapique où nous nous sommes fourvoyés est à deux pas, enfoui sous la verdure  : pas une lumière aux fenêtres, tout dort déjà et le tonnerre des détonations n’arrive pas jusqu’aux malades. Nous aurions peut-être mal dîné dans cette officine, mais, en revanche, comme nous aurions bien et paisiblement dormi  ! tandis que là-bas, en plein village, nous allons être toute la nuit contrariés par le vacarme de la fête. Cette pensée m’enrage. «  Ah  ! vous dormez déjà, fantômes que notre présence a effarouchés et qui nous avez fait expulser par cette face blême de Boniface, eh bien  ! nous allons nous venger, nous allons vous réveiller  !  » Nous nous insinuons jusque sous les murs du couvent, nous glissons dans nos revolvers de fortes cartouches à blanc et nous faisons feu de nos douze coups. Il nous semble ouïr des cris d’épouvante, des bruits de volets qu’on tire avec précipitation, des imprécations contre l’anniversaire de la prise de la Bastille et nous rentrons lentement en savourant notre vengeance.
Comme nous le pensions, la nuit fut mauvaise  ; le bruit incessant qu’on faisait sous nos fenêtres et qui ne se calma qu’à la pointe du jour nous empêcha littéralement de fermer les yeux  ; nous étions debout dès 5 heures du matin, le lundi, et en route pour Nîmes, à 20 kilomètres, par Saint-Gervasy.  »
Vélocio, «  Au Pays du Soleil  », Le Cycliste, janvier, mars 1890, p. 346-349, p.45-49, Source Archives départementales de la Loire, cote PER1328_2

UN RAID DE 600 KM À BICYCLETTE, 1900

«  Avant Donzère nous avions franchi une colline qui m’avait obligé à diminuer ma multiplication  ; ensuite, après des kilomètres et des kilomètres à travers la plaine monotone, nous avions longé une montagne assez abrupte au pied de laquelle s’échelonnent plusieurs gros villages où les cafés, malgré l’heure avancée, étaient encore éclairés  ; partout ailleurs du plat, rien que du plat. Afin d’arriver à l’hôtel de la Poste avant que tout le monde ne fût couché, je pris les devants et bien m’en trouvai, car un quart d’heure plus tard, tout eût été bouclé et nous aurions dû nous mettre au lit sans souper, extrémité déplorable même pour un végétarien.
[...]
Quelques minutes d’arrêt autour d’Avignon pour jeter sur ses murs à créneaux un coup d’œil curieux et nous filons vers le pont de Bonpas, où nous déjeunons très bien dans le principal café qui tient à la disposition des cyclistes tout ce qu’il faut pour réparer les pneumatiques. Nous en avions justement besoin, une de mes chambres perdait depuis le matin et m’obligeait à de fréquents arrêts pour regonfler. Après plusieurs tentatives vaines pour arrêter les fuites d’air, je me décide à tirer de mon sac une chambre de rechange sans laquelle je ne pars jamais.  »
Vélocio, «  Un raid de 600 km à bicyclette », Le Cycliste, 1900, p.66 à 72, Source Archives Départementales de la Loire, Per1328_7

VERS LADITERRANÉE, 1899

[11 novembre]
«  Je passe ainsi très lentement à Livron, traverse la Drôme sitôt après et fais une courte halte à Loriol à six heures pour me lester d’un peu de pain trempé dans du café. Dans l’établissement où je me livre à cette opération prennent, en cartonnant, l’apéritif, quelques gros bonnets de l’endroit, bedonnants et bavards, et décorant volontiers de leurs titres respectifs, monsieur le directeur par ci, monsieur l’inspecteur par là..... Chaque jour, à la même heure, ils font la même chose, et ils vivent heureux avec une désespérante régularité  : en voilà qui ne cyclotouristeront jamais.  »
[...]
«  L’hôtel Laurent est un de ces bons petits hôtels que les cyclotouristes aiment généralement trouver le soir sur leur route, car j’ai remarqué que les vrais touristes d’âge mûr fuient les grandes villes et je ne sais guère que les tout jeunes gens qui, après l’étape, préfèrent le tohu-bohu de la ville au calme de la campagne. À ma demande, on modifie un peu le menu, du souper qui devient presque exclusivement végétarien, et je mange en causant cyclisme avec des cyclistes de la localité qui se disposent à aller prendre part le lendemain à une course de fond sur le vélodrome de Montélimar. Grand bien leur fasse  ! Ma machine à quadruple rangée de pignons les surprend fort, mais ils admettent volontiers l’avantage des multiples développements  ; du reste, je m’aperçois que cette idée pénètre petit à petit dans les esprits. Encore quelques coups de marteau et le clou sera entré, et dans deux ou trois ans on ne verra plus une seule machine, hormis celles de course, qui n’ait au moins deux multiplications. Après souper, je démonte pour la troisième fois mon pneumatique et après avoir patiemment trempé et retrempé ma chambre à air dans l’eau, je constate que l’air s’échappe de la réparation faite sur le bord de la route et je me promets de me presser moins une autre fois. Je prends toutes les précautions, d’autant plus que j’opère devant un nombreux public, et j’obture parfaitement  ; la chambre repassée dans l’eau est plus étanche qu’oncques ne fut, et, de fait, je n’aurai plus un seul coup de pompe à donner de tout le voyage. Que les pneus sont donc lunatiques  ! En une seule demi-étape trois démontages et ensuite pendant cinq jours de voyage pas un seul coup de pompe  ! La chance et le hasard sont-ils donc des dieux que l’on doive se rendre favorables par des libations et des sacrifices au moment du départ  ? Je dors bien, dans un excellent lit, bercé par les rafales du mistral qui me promet pour le lendemain de belles vitesses sans fatigue, car, je ne l’ai peut-être pas assez fait comprendre, grâce aux circonstances très favorables et à ma très grande multiplication, les 143 kilomètres que je viens de parcourir ne m’ont absolument pas fatigué. Il n’en eût pas été de même si j’avais été obligé de marcher avec 4m,50 ou 5 mètres de développement, et ma pensée se reportait parfois à ma descente de Saint-Michel-de-Maurienne à Chambéry, qui avec 6 mètres aurait été un enchantement et qui fut une véritable fatigue avec 4m,40. Que la satisfaction de gravir aisément les côtes les plus roides avec nos faibles multiplications ne nous fasse pas dédaigner l’ivresse des grandes allures obtenues sans fatigue quand la descente nous entraîne ou que le vent nous pousse. Le véritable cyclo-touriste doit être toujours prêt à jouir des plaisirs que la nature tient en réserve pour lui  : Vaincre les obstacles que nous oppose la nature et dire à l’orgueilleuse montagne  : «  Tu t’abaisseras devant moi  !  » Fendre l’air avec la vitesse des oiseaux et dire à l’espace  : «  Tu n’existes plus pour moi  !  »

[12 novembre]
«  Le lendemain matin 12 novembre, à 6 heures et demie précises, j’enfourchai ma monture et quittai l’hôtel Laurent que je recommande chaudement. La cuisine y est bonne, les lits excellents, l’accueil très cordial et les prix modérés.  »
[…]
«  À Barbentane, à l’angle de la route qui conduit à la gare, je fais une halte au café Bonjean et suis heureux d’y retrouver en bonne santé les propriétaires auxquels je fus redevable il y a dix ans de soins vraiment dévoués, alors que revenant de Tarascon où j’avais bu quelque drogue sans doute frelatée, je tombai là comme si le choléra s’était abattu sur moi. Ce fut une nuit mouvementée et mon ami F... que j’avais emmené de Saint-Étienne à Aigues-Mortes, craignit un instant de perdre son compagnon et de rentrer comme le page de Marlborough, porteur de tristes nouvelles. Je passe cette fois en excellente santé et je déguste avec plaisir quelques tranches de melon vert, eau parfumée dont j’arrose un de ces pains pâlots d’un usage courant dans le Midi et qui, quoique peu cuits, sont de digestion facile.  »
Vélocio, «  Vers la Méditerranée », Le Cycliste, 1899 et 1900, p.216-22, p.243-246, p.36-41, Source Archives départementales de la Loire, cote PER1328_6 et Le Cycliste, Décembre 1957, Rétrospective «  Cyclo-Alpinisme à la Sainte-Baume  »

MON RAID PASCAL, 1903

«  En guise de dîner, je mangeai avant de me mettre au lit 500 grammes de pâté aux pommes en buvant du thé dans ma chambre, manière de procéder qui, outre son économie incontestable, a l’avantage de ne pas mettre de mauvaise humeur le cuisinier en lui demandant à dîner quand tous ses fourneaux sont éteints.  »
[…]
«  Au sommet de la dernière côte, un auto qui m’avait dépassé depuis quinze kilomètres était rangé sur le bord de la route, et ses propriétaires déjeunaient sur l’herbe. Voilà une façon charmante de voyager  ; si j’avais eu un compagnon, c’est ainsi que j’aurais organisé les repas, mais seul, je préfère m’arrêter à l’hôtel et causer avec les indigènes ou les étrangers que le hasard amène. En cours de route, la solitude ne me pèse pas, mais pendant les arrêts un peu longs, elle finit par manquer de charme.  »
Vélocio, «  Mon Raid Pascal  », Le Cycliste, Avril 1903, p. 65-77

LE COL DU ROUSSET À 8 HEURES DE SAINTTIENNE, 1905

«  Je fus accueilli avec l’habituelle cordialité, j’étais le seul hôte  ; l’hôtelière me prépara un léger repas végétarien où le beurre, les œufs, les framboises, la confiture et un excellent fromage à la crème se succédèrent après un potage aux légumes, qui fut un velours pour mon estomac et que j’absorbai lentement. Je déjeunai à la cuisine près du fourneau dont la chaleur n’était pas à dédaigner et nous causâmes.  »
Vélocio, «  Le Col du Rousset à 8 heures de Saint-Étienne  », Le Cycliste, août 1905, p. 142-146, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_8

NOËL AU SOLEIL, 1905

«  Je grimpai avec 2m,40, afin de ne pas être en moiteur en abordant la longue descente, et j’atteignis à 7 heures le col des grands bois. Je n’en repartis qu’à 8 heures. Mon pneu A R, trop mou et très chargé, car dès le commencement de la descente j’avais laissé aller ma selle tout à fait en arrière, se heurta à je ne sais quoi de dur qui pinça et mâcha la chambre à air. Je dus aller à pied jusqu’à l’hôtel Courbon où je déjeunai d’abord, je réparai ensuite avec beaucoup de précaution, je gonflai très dur cette fois, j’inspectai soigneusement les freins et j’arrimai encore plus solidement mon bagage  »
Vélocio, «  Noël au soleil  », Le Cycliste, décembre 1905, Page 224 à 230, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_8

CURE DE PRINTEMPS, 1910

«  Au Pontet, je pris à gauche, la route de Montfavet et à 20 heures précises, j’entrai à l’hôtel des Glycines au pont de Bompas où, fort aimablement, M. le docteur L..., de l’Isle-sur-Sorgues m’avait écrit qu’il m’attendrait de 20 à 21 heures. Aux Glycines, je commence à être connu et la maîtresse de céans se souvenant que je ne mange pas de viande, m’offrit incontinent un menu végétarien qui débuta par une épaisse soupe aux légumes secs et frais dont j’engloutis sans mot dire deux assiettées, après quoi je regardai autour de moi. Il y avait là beaucoup plus de monde que d’habitude  ; aux travailleurs du pays, reconnaissables à leur teint hâlé, s’ajoutaient des gentlemen d’aspect et d’allures bizarres, maquignons ou sportsmen  ; j’ai su plus tard que ces gens-là appartenaient au monde spécial des aviateurs et des chauffeurs qui fréquentent les aérodromes. On était justement à la veille des journées d’aviation de Miramas auxquelles le public marseillais invité prit part d’une façon à laquelle les organisateurs ne s’attendaient guère, en mettant tout à sac parce qu’on volait trop au guichet et pas assez dans les airs. Pour le moment, chauffeurs et aviateurs, gorgés de victuailles et de boissons alcooliques, se disputaient entre eux et se provoquaient à qui mieux mieux, tant et si bien que tout à coup l’on entendit au-dehors de tels cris qu’en un clin d’œil la salle à manger, la cuisine, le café furent vides, tout le monde sortit. Je demeurai seul à table et je n’en perdis pas un coup de dent, car je sais de très vieille date que, dans le Midi surtout, plus l’on crie moins l’on cogne. En effet, tout le monde rentra sain et sauf et l’on heurta les verres pour sceller la paix générale. Je finissais d’engloutir un plat d’épinards, quelques œufs durs et des pommes de terre frites  ; un peu de fromage, des oranges et une tasse de café terminèrent mon repas  ; coût 1 fr .25  »
Vélocio, «  Cure de printemps  », Le Cycliste, Avril 1910, p. 63 à 72, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_11

5 JOURS EN MONTAGNE, 1909

«  Nous brûlons Nantua, le temps est de plus en plus beau, le soir approche et un hôtel isolé dans une gorge avant la Balme, nous tente un instant. Souvent, dans ces hôtels de carrefour on est très bien reçu, la cuisine est bonne et le tarif modéré. Nous nous consultons et nous décidons de descendre à Cerdon, oh  ! sans nous presser, car la vue qu’on a au cours de la descente sur la combe étroite et déjà pleine d’ombre où se blottit ce petit village, alors qu’au-dessus de nos têtes, le ciel s’empourprant au coucher du soleil, nous prédit du beau temps pour le lendemain, cette vue nous retient à plusieurs reprises.  »
Vélocio, «  5 jours en montagne  », Le Cycliste, 1911, p. 228 à 232 et 249 à 251, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_11

RANDONNÉES EXPÉRIMENTALES, 1921

«  À 10 heures moins le quart, je traverse Chamaloc où j’aurais dû redéjeuner, avant d’aborder les 14 km ½ de rampe à moyenne de 6 % qui me séparent là du Refuge. Mais il me parut que tout allait si bien que je me voyais déjà à 11 heures devant le bon menu végétarien que j’ai l’habitude de trouver là-haut. Je grimpais régulièrement avec 3 m. 30, mais à mesure que je m’élevais le vent devenait plus sauvage, le ciel plus sombre et la température si chaude dans la vallée se refroidissait singulièrement deux circonstances défavorables qui allaient bientôt me faire regretter de ne pas avoir mangé avant d’avoir faim. J’étais ainsi passé de la borne 5 ½ à la borne 12 ½, quand je rencontrai deux de mes compagnons qui, partis de Saint-Étienne à 22 heures, faisaient aussi le tour du Vercors, mais en sens inverse. Ils me confirmèrent qu’il soufflait là-haut un vent violent et froid comme glace. Ce vent, tantôt me poussait, tantôt me retenait, selon que les lacets interminables pointaient vers le nord-ouest ou vers le sud-est. Tout à coup, je compris que mon ardeur faiblissait et que je serais incapable de terminer l’ascension si je ne mangeais pas. Je m’arrêtai donc et fis ce que j’aurais dû faire à Chamaloc. J’avais encore assez de pain dans mon sac pour combattre ce commencement de fringale, mais j’avais trop attendu et les forces ne revinrent que lentement, de sorte que je n’arrivai enfin au Refuge qu’à midi.
Accueilli comme toujours, très cordialement  ; je n’eus pas le plaisir de voir la maîtresse de céans qui était allée à Die. On m’y prépara le repas dont j’avais besoin et que, selon les règles de l’hygiène, j’absorbai lentement, car l’estomac ayant été un peu négligé le matin, il s’agissait de ne pas le fatiguer par une trop hâtive déglutition d’aliments insuffisamment mastiqués et ensalivés. Je ne me pressai donc pas et je ne quittai le Refuge qu’à 14 heures, après avoir eu le tort de boire une bouteille de clairette, boisson toujours délicieuse, mais qui, ce jour-là, me laissa jusqu’au soir altéré et la bouche pâteuse. La clairette de Die serait-elle par hasard un de ces faux plaisirs contre lesquels nous met en garde Épicure  ? Le véritable plaisir, nous enseigne ce maître, ne trouble ni l’estomac, ni la conscience  ; on en jouit dix ans, vingt ans après, autant qu’au moment où on le goûte  ; il ne laisse ni arrière-goût s’il s’agit d’un plaisir du corps, ni arrière-pensée s’il s’agit d’un plaisir de l’âme, autrement dit ni indigestion, ni remords. Eh  ! bien, cette dernière bouteille de clairette qui m’avait si agréablement caressé le palais quand elle en humectait les papilles nerveuses asséchées par 170 kilomètres, a été condamnée par l’estomac et je n’en boirai plus  ; l’eau du col du Rousset est encore meilleure que la clairette et, par Épicure lui-même, elle serait classée parmi les plaisirs véritables. Que n’avons-nous conservé l’instinct, ce don que la nature a fait à tous les animaux et que nous avons perdu par notre faute  ; il nous reste bien l’intuition qu’on peut définir l’instinct de l’intelligence, mais combien cette faculté de l’esprit est inférieure en ce qui concerne le choix des aliments à l’instinct tout court  !  »
Vélocio, «  Randonnées expérimentales  », Le Cycliste, Sept 1921, p.65-70, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/3

RANDONNÉE PASCALE, 1923

«  Je m’étais promis de déjeuner à Courthezon, car mon deuxième petit repas était loin et mon estomac réclamait. Zut  ! l’hôtel où je m’arrêtais autrefois n’existe plus  ; il faut aller plus loin  ; à la hauteur de Bédarrides, pas la moindre auberge sur la route et je ne m’assieds qu’à Sorgues devant une assiettée d’olives noires et une omelette de deux œufs, un peu trop cuite  ; du pain à discrétion, de ce bon pain pâlot et feuilleté du Midi et une bouteille de bière complètent ce menu. Coût 3 fr. 80. On peut voyager, en somme, à peu de frais quand on mange simplement pour vivre, pour rester bien portant, pour se rendre vigoureux et endurant  ; mais quand on voyage pour aller s’empiffrer, aux bons endroits, de toutes sortes de mixtures culinaires décorées de noms bizarres, on ne s’en tire qu’avec des billets de mille, des maladies d’estomac et le profond dégoût de soi-même, le jour où l’on s’aperçoit qu’on n’a vécu, en somme, que pour manger, que pour contenter les appétits les plus vils, les plus indignes de l’homme.  »
Vélocio, «  Randonnée Pascale  », Le Cycliste, juillet-août, 1923, p.73-75, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_14

MEETING PASCAL, 1924

«  J’irai donc déjeuner au café de la gare de Barbentane où, le 14 juillet 1889, lors de ma première descente à bicyclette au pays de Mireille, j’échouai misérablement, en proie aux pires angoisses, car je me croyais atteint du choléra. On m’y soigna toute la nuit avec beaucoup de dévouement, et toutes les fois que je passe devant ce modeste café, je m’y arrête par reconnaissance. Mais il a changé de propriétaire et j’y suis reçu aujourd’hui par un facétieux bistro  : Y pensez-vous, me dit-il, vous faire à dîner le jour de Pâques  ! — une omelette et du fromage suffiront — une omelette  ! il faut la faire et il faut aussi des œufs. — Ne vous en faites pas, mon bon, lui dis-je, en imitant son assent, je trouverai ce qu’il me faut au Petit Saint-Jean. — Té  ! mais alorss, vous êtes du pays  ! En 1889, heureusement pour moi, ce café de la gare était en d’autres mains.
Un quart d’heure plus tard, j’entrais à Graveson à l’hôtel du Petit Saint-Jean, où l’on me servit un menu très peu végétarien. À la guerre comme à la guerre, je lui fis grand honneur et n’en fus pas incommodé, car un estomac végétarien doit être, mieux que tout autre, en état de résister à un empoisonnement accidentel.  »
Vélocio, «  Meeting pascal  », Le Cycliste, Mai-juin 1924, p.60-62, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_14

EXCURSIONS DUCYCLISTE”, 3, 4 ETAVRIL 1926

«  Après Grignan, paysage sans intérêt et trois villages  : Grillon, Richerenches et Visan où nous mettons pied à terre à 5 h. 45’  ; le ciel restant couvert, la nuit n’est pas loin et Vaison est à 17 km.  ; il me serait impossible d’y arriver avant la nuit, parce que, dès que je n’y vois plus très clair et sur des routes inconnues, je vais à une lenteur désespérante pour les jeunes qui ont de bons yeux. Je laisse donc mes compagnons continuer et je descends à l’unique hôtel de Visan. Mes jambes sont toujours bien mal en point et j’ai été pour le groupe une cause de retard beaucoup plus grande que si j’avais eu mes deux vitesses en marche. Cette première étape est pour moi de 190 km. et, quoique je ne ressente pas de fatigue anormale, mes muscles cyclomoteurs sont bien amochés et je ne prévois pas comment ils se comporteront les jours suivants. Visan est une bourgade assez importante qui possède un hôpital où, le même soir, vient échouer un motocycliste stéphanois que des passants avaient trouvé évanoui sur le bord de la route où nous avions passé dix minutes à peine avant l’accident dont la cause est restée obscure et les conséquences peu graves, puisque mon jeune concitoyen put repartir le lendemain et venir au Ventoux où j’appris de lui ces détails. Visan possède aussi des usines consacrées aux produits agricoles  ; dans l’une d’elles, dont l’importance avait attiré mon attention, on casse les amandes dont les coques sont expédiées à Saint-Étienne pour alimenter des moteurs à gaz pauvre  ; jusqu’à la grosse borne de l’hôtel, qui vient en droite ligne de Saint-Étienne  ! Je me sens tout à fait chez moi dans ce pays et je me promène en bavardant avec les uns et avec les autres jusqu’à 20 h., je dîne ensuite de bon appétit et je gagne mon lit avec plaisir. Dès mon arrivée, j’ai eu soin de m’arroser les jambes d’eau froide et de me les masser  ; il me semble qu’elles sont déjà moins raides. Espérons.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », Le Cycliste, mars-avril 1926, p.22-28, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/3

EXCURSIONS DUCYCLISTE”, MAI JUIN 1928

«  Excellent cycliste, B... fut aussi pour moi le meilleur des compagnons  ; il était, comme moi, monté sur des Ballons, et, de concert, en échangeant nos impressions cyclotechniques autant que cyclotouristiques, nous filons à bonne allure, franchissons le Rhône à Tournon, et nous voici à 7 heures ¼, devant la gare de Valence où nous avons l’habitude de prendre notre café au lait dans un des nombreux cafés qui sont toujours prêts à accueillir les voyageurs, de sorte qu’on y est rapidement servi et qu’on peut, en vingt minutes, expédier un déjeuner qui partout ailleurs, à cette heure matinale, vous immobiliserait trois quarts d’heure. C’est pourquoi la gare de Valence est devenue un de nos points de ralliement. Un repas plus substantiel nous attend maintenant à la Trappe d’Aiguebelle.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », mai juin 1928, p.39-40, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/4

JUIN 1928

«  Je traversai le Rhône à Saint-Vallier et je mis pied à terre à Valence, devant la gare, à 7 h. 40. Je m’orientai et retrouvai facilement le café où j’avais oublié mon couvre-chef. J’y déjeunai et, à 8 heures, je pris le chemin du retour, décidé à rester sur la rive gauche jusqu’à Andance, car sur la rive droite la chaussée est dans un état déplorable, pire que celui de la route du col des Grands-Bois, entre les bornes 82 et 85, ce qui n’est pas peu dire.
À midi et quart, j’arrivai à Bourg-Argental et y déjeunai excellemment, à un prix modéré, à l’hôtel de France.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », mai juin 1928, p.39-40, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/4

EXCURSIONS DUCYCLISTE”, JANVIERVRIER 1929

«  On allait se mettre à table, et je vous prie de croire que nous fîmes tous honneur au menu. Après 195 km. couverts en dix heures et agrémentés, seulement, de trois légères collations, pas n’est besoin d’apéritif, et le bon Frère Félix, qui, à mon arrivée, m’avait donné l’accolade comme à un vieil ami, se réjouissait de bon cœur en nous voyant dévorer et redemander potage, pommes de terre, haricots, fromage et chocolat, le lendemain il y eut, tant à midi que le soir, du saumon, des pois secs, de la salade et une omelette aux herbes, mais quelle omelette  ! je n’en ai jamais mangé d’aussi succulente. Je suis persuadé que la fameuse omelette de Mme Poulard, du mont Saint-Michel, ne va pas à la cheville de celle du Frère cuisinier de la Trappe d’Aiguebelle. Lui-même nous l’apporta, souriant, grassouillet et replet, sans rien d’ascétique, mais l’air heureux d’avoir produit un tel chef-d’œuvre  ; car cette omelette était un chef-d’œuvre  ; par sa ligne impeccable, on l’eût dite sortie d’un moule, son coloris vert et or, sa consistance légère, égale et comme aérée en toutes ses parties par sa cuisson parfaite, par sa saveur, enfin, irréprochable. Pas un grain de sel de trop, ni de trop peu, du beurre exquis, juste ce qu’il fallait, des œufs du matin habilement battus, des herbes fraîchement cueillies, choisies et mélangées avec discernement, tout évidemment avait été dosé, mesuré, composé comme le peut faire Mme Poulard, mais il y avait autre chose  : le souffle divin, l’inspiration secrète, l’âme de l’artiste  ; ces impondérables avaient pénétré l’omelette et le chef-d’œuvre était né. Et j’en ai mangé plus que ma part, de ce chef-d’œuvre culinaire, je m’en excuse tardivement.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », Le Cycliste, janvier-février 1929, p. 5-10, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_15

EXCURSIONS DUCYCLISTE”, MARS AVRIL 1929

«  Le mistral soufflait de plus en plus fort  ; je luttais contre lui avec mon développement moyen de 5 mètres  ; il n’était plus question de faire du 30 à l’heure. Aussi, à Orange, à 7 h., j’en eus assez, j’y déjeunai et j’attendis le train de 8 h. 38, qui nous amena, B... et moi, à 11 heures à Saint-Vallier. Nous déjeunâmes à midi de l’autre côté du Rhône, à l’hôtel du Commerce, à Sarras, qui est devenu un de ces points de repère où nous avons des chances de nous rencontrer sans nous être donné rendez-vous, ainsi qu’il advint ce jour-là. Nous avions terminé notre repas et nous disposions à partir, quand met pied à terre devant l’hôtel un cyclotouriste que je pris tout d’abord pour un amateur de camping. Il n’en était rien, mais c’était tout comme  ; car M. J..., Parisien, abonné du Cycliste, qui nous rencontrait là bien par hasard, cultive l’art de la photographie, également encombrant, lorsque, au lieu de se contenter d’un Kodak, on emporte, comme lui, un grand appareil avec trépied et des douzaines de plaques qu’il serait difficile de dissimuler dans la poche d’un gilet comme le font la plupart des amateurs.
C’est pourquoi la Polyballon de M. J... pèse en ordre de marche 45 kg., ce qui ne l’a pas empêché de faire depuis son départ une moyenne de 95 km. par jour. À en juger par les apparences, M. J... doit peser deux fois plus que sa monture, de sorte que ses ballons Petit Belge prennent quelque chose  !  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste” », Le Cycliste, Mars Avril 1929, p.30, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_15

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