Chemin de halage

vendredi 28 octobre 2022, par velovi

Le canal du Rhône de Cette à Aigues-Mortes
Le canal du Rhône de Cette à Aigues-Mortes, Georges Chevalier, 22/04/1916
Source Musée départemental Albert-Kahn, Département des Hauts-de-Seine,
N° inventaire A8206, CC-BY-4.0
Source Musée départemental Albert-Kahn, Département des Hauts-de-Seine, N° inventaire A8206, CC-BY-4.0

Plus calmes que les routes, plus ou moins roulants, les chemins de halage furent toujours une tentation pour les cyclos.

 VERS LA MÉDITERRANÉE, 1899

«  Tout d’abord, sous prétexte que le plus court chemin d’un point à un autre est la ligne droite, j’imagine d’aller aux Martigues en suivant le chemin de halage du canal de Port-de-Bouc, au lieu d’aller passer par Istres. J’ai certes économisé de ce fait dix ou quinze kilomètres et quelques montées, mais j’y ai subi de telles trépidations qu’il a fallu la traversée de la Sainte-Baume pour me prouver qu’on peut trouver pire pour effacer de mon esprit la mauvaise impression qu’y avait laissée ce terrible chemin. À ne tenir pas compte de la trépidation et de la complète absence de vue, ce chemin au bout du compte est encore praticable et s’il n’y en avait pas d’autre on serait très heureux de le trouver  ; mais vraiment c’est un peu long, 48 kilomètres pendant lesquels il faut suivre rigoureusement, sous peine d’une immersion immédiate, un sentier qui le plus souvent se réduit à une ornière  ! Si j’en avais connu la longueur et les difficultés avant de m’y aventurer, je me serais abstenu, malheureusement, la personne qui devait me renseigner était absente et une fois engagé dans ce boyau il fallut bien aller jusqu’au bout  ! J’y entrai à une heure et demie et je roulais consciencieusement pendant une heure avant de songer à me plaindre  : cependant il y avait de quoi faire sortir de ses gonds la porte la plus rouillée  ; parfois l’herbe couvrait tout et je sautais d’une motte à l’autre comme un ballon qui rebondirait sur un sol rocailleux  ; d’autres fois de branches de buissons épineux se mettaient en travers de mes roues et me fouettaient les jambes  : ma pauvre lanterne ne résista pas longtemps et je la vis soudain pendre lamentablement la tête en bas pleurant toute l’huile de son corps  : je la relevai pieusement et la ficelai à la fourche et au repose-pieds, elle ne me causa pas d’autres soucis et je pus même m’en servir ultérieurement. Au bout de cette première heure j’étais au mas Thibert et je m’aperçus que j’aurais très bien pu venir jusque là par une route courant presque parallèlement au canal mais qui justement à ce point s’en éloigne définitivement dans la direction de Port-Saint-Louis  ; l’employé du chemin de fer qui me donna ce renseignement m’apprit en même temps que j’avais encore 34 kilomètres de canal devant moi  ; la moitié m’aurait suffit d’autant plus qu’après le mas Thibert le chemin devint pire. J’avais conservé par négligence le grand développement et je jugeai convenable à ce moment de me servir de 4m,40. De fait je m’en trouvai mieux, je ne sais pourquoi  : le développement de 4m,40 s’accordait mieux sans doute avec ma vitesse actuelle que le vent qui me poussait tendait à accroître mais que, à cause des incessants cahots et de l’eau menaçante, mon petit bon sens tendait à diminuer. Pour passer d’une rive à l’autre il y a çà et là des ponceaux mobiles, sortes de ponts-levis qu’on ouvre pour le passage des bateaux. Fatigué par l’état toujours pire du chemin, je me hasardai une fois à traverser un de ces ponts pour voir si de l’autre côté le chemin n’était pas meilleur  ; il me parut pire et je restai sur la rive droite. À quelques kilomètres de là quelle n’est pas ma surprise d’apercevoir sur la rive gauche un petit troupeau de taureaux sauvages que ma présence parait inquiéter et qui me lancent des regards menaçants, un peu plus loin ce sont des chevaux, puis encore des taureaux..... Et j’y pense  ! ce sont les manades de la Camargue et de la Crau, qui fournissent les taureaux de combat aux corridas du Midi. Ce n’est pas tout à fait le taureau espagnol, mais c’est tout de même un animal à peu près sauvage qu’il n’est pas agréable de rencontrer sur un chemin de halage. Et moi qui avais envie, un moment avant, de passer sur la rive gauche  ! J’y aurais fait vraiment de belles rencontres  ! Cette pensée me fait trouver moins désagréables les cailloux et les ornières et j’arrive enfin sur un chantier de radoub où je puis obtenir quelques renseignements plus consolants  ; je trime depuis deux heures et je suis, paraît-il, presque au bout de mes peines. Bientôt le sol du chemin de halage va devenir meilleur et à Fos je pourrai reprendre la route. Dieu soit loué  ! En effet, après quelques kilomètres, le sol devient si bon que je reprends le grand développement et file à toutes voiles  ; mais avant d’atteindre cette route convoitée, il me faut avaler encore de bien mauvais passages dont quelques-uns me contraignent même à mettre pied à terre. Enfin m’en voilà hors  ! de l’autre côté du pont je trouve la route et je file... comme si le diable m’emportait. Ah  ! je n’engage, certes, personne à suivre cette voie pour se rendre d’Arles à Port-de-Bouc, à plus forte raison pour se rendre aux Martigues. Mieux vaut cent fois faire le tour par Istres. Cependant d’autres cyclistes y ont passé avant moi puisque j’y ai vu des traces figées dans la boue.  »
Vélocio, «  Vers la Méditerranée », Le Cycliste, 1899 et 1900, p.216-22, p.243-246, p.36-41, Source Archives départementales de la Loire, cote PER1328_6 et Le Cycliste, Décembre 1957, Rétrospective «  Cyclo-Alpinisme à la Sainte-Baume  »

 EXCURSION DE L’ASCENSION, 1901

«  Voici la Tour Carbonnière, ainsi nommée, nous dit un indigène, parce que les Romains y avaient établi un dépôt de charbon  ! Aigues-Mortes, la ville de saint Louis, n’est plus bien loin et nous mettons enfin pied à terre devant ses remparts, au pied de la Tour de Constance dont l’intérieur mérite d’être visité. De là au Grau-du-Roi, promenade de six kilomètres, le long d’un canal aux eaux sales d’où montent des odeurs de poisson pourri.  »
Vélocio, «  Excursion de l’Ascension  », Le Cycliste, 1901, p.79-81, Source Archives Départementales de la Loire, Per1328_7

 EXCURSION PASCALE DES 29, 30 ET 31 MARS, 1902

«  Après Fos, la grande mer bleue m’apparaît, je n’en suis séparé que par le canal et par une étroite bande de terre  ; le Mistral agite les flots qui grondent, écument et se cabrent.
Je ne revois jamais la mer sans en être impressionné, sans me sentir invinciblement attiré par elle, et c’est probablement, si je puis jamais, comme Horace, chanter mon hoc erat in votis, sur les bords de la Méditerranée que je donnerai mon dernier coup de pédale.
Tout en pédalant, je jette un coup d’œil à ce canal de Port-de-Bouc où je m’engageai si sottement, il y a deux ans, pour aller d’Arles à Martigues, au lieu de prendre la route que je viens de suivre et où je faillis laisser ma machine en miettes tant le chemin de halage me secoua.  »
Vélocio, «  Excursion pascale des 29, 30 et 31 mars  », Le Cycliste, 1902, p.47-51

 EN TANDEM, 1916

«  Nous eûmes la bonne idée, en sortant d’Aigues-Mortes, de demander si le canal de Beaucaire ne comportait pas un chemin de halage. Il en a même deux, dont l’un, celui de la rive droite, est certainement plus roulant que la route  ; et l’on est sûr de n’y pas rencontrer d’automobiles. Au lieu d’aller faire le tour par Aymargues nous pûmes ainsi filer droit vers Saint-Gilles et Beaucaire où nous étions avant midi. Notre excursion se termina là, car le bon express du soir qui nous ramenait autrefois dans la nuit à Saint-Étienne a été supprimé et nous dûmes prendre à Tarascon l’express de 14 h. 30 qui nous laissa à Chasse d’où, grâce au tandem, nous pûmes en quelques minutes aller happer au vol, à Givors, à 19 heures, l’express Lyon –Saint-Étienne  ; il fallait se hâter, car il n’y a plus de correspondance entre ces deux express tant les heures de passage à Chasse et à Givors sont rapprochées. Ainsi se termina la première randonnée de pur agrément que je me sois permise depuis deux ans  ; en compagnie d’un vrai poilu qui vient du front et qui va y retourner, on peut prendre quelques distractions, mais seul, je ne serais certainement pas parti.  »
Vélocio, «  En tandem  », Le Cycliste, 1916, p.11-12, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/3

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